Cet article a initialement été publié au sein du dossier “Littérature et arts face au terrorisme” dirigé par Catherine Grall.
En lisant le cycle des Rougon-Macquart comme une transposition romanesque du modèle des sciences thermodynamiques, Michel Serres l’a qualifié d’« épopée d’entropie », le thème de « l’écrasement, [du] gaspillage, [de] la dissémination, [de] la perte, [de] l’irréversible jusant vers la mort-désordre » étant une constante dans la plupart des romans du cycle[1]. Et, certes, il est indéniable qu’entropique ou non, l’œuvre narrative de Zola est marquée d’un bout à l’autre par une profonde fascination pour la destruction, la ruine, l’anéantissement, bref pour la violence, surtout lorsque celle-ci se manifeste dans ses formes les plus meurtrières et catastrophiques : accident ferroviaire (dans La bête humaine), incendie (par exemple, dans l’avant-dernier chapitre de La conquête de Plassans, celui, volontaire, de la maison où trouvent la mort François Mouret ainsi que l’abbé Faujas et trois autres personnes — un vrai carnage) ou ville en flamme (Paris lors de la Semaine sanglante, à la fin de La débâcle). Il faudrait ajouter à cette liste toutes les morts violentes qui ne manquent pas dans ses romans, du meurtre du mari de Thérèse Raquin à celui du père Fouan (à la fin de La Terre), sans oublier les suicides qui certes ne font pas défaut (par exemple, celui de Claude Lantier à la fin de L’Œuvre). Dans tous ces cas, quoique très différentes les unes des autres, c’est un même goût pour les scènes fortes et les images effrayantes qui alimente l’imagination romanesque de Zola. Et Zola ne s’est jamais fait faute d’en tirer les effets littéraires les plus impressionnants.
Sans forcement évoquer le deuxième principe de la thermodynamique, on pourra rappeler que ce goût pour l’excès et l’effroyable, dont témoignent tant de pages de l’œuvre romanesque de Zola, était partagé par la presse à sensation et la littérature populaire — et, comme on sait, Zola à ses débuts en avait tâté, ce qu’on n’a pas manqué de lui reprocher : pour ne citer qu’un seul exemple, en 1913 Pierre Martino le taxait de ne s’être jamais débarrassé « de la tare d’avoir été romantique et feuilletoniste[2]. » Malgré son ton malveillant, on ne saurait contester le bien-fondé de ce jugement[3] ; il peut même nous aider à mieux comprendre les raisons de l’intérêt persistant de Zola pour l’anarchisme et de la séduction qu’exerça sur son imagination d’écrivain la violence anarchiste.
Il ne sera pas question, ici, d’établir quelles étaient les opinions politiques personnelles de Zola vis-à-vis de l’anarchisme. S’il a parfois montré une certaine sympathie et même de la compréhension pour les raisons des anarchistes, Zola n’a certainement jamais approuvé la violence politique sous aucune forme, et il « répugnait » à l’idée même d’une solution révolutionnaire, à savoir violente, contre les injustices sociales[4] ; par ailleurs, à sa mort, les anarchistes eux-mêmes l’ont reconnu volontiers comme l’un des leurs[5]. Quoi qu’il en soit, la correspondance de Zola et les dossiers qu’il dressait pour ses romans révèlent une connaissance assez superficielle et le plus souvent de seconde main de l’anarchisme en tant que doctrine politique.
Dans Germinal, Zola semble ignorer l’existence des différents courants à l’intérieur du mouvement anarchiste, puisqu’il emprunte indifféremment certaines idées ou mots d’ordre anarchistes, ou présumés tels, aux textes de Proudhon, de Bakounine ou de Kropotkine (qu’il connaissait le plus souvent par le truchement d’Émile de Laveleye, auteur de Le Socialisme contemporain, dont il lisait la seconde édition, parue en 1883[6]) ; il ne fait pas trop de différence entre anarchisme et nihilisme (confusion par ailleurs assez fréquente à l’époque en France) ; il ne se soucie pas de donner dans l’anachronisme le plus criant en faisant agir Souvarine, qui est décrit comme le modèle (assez stéréotypé, par surcroît) du nihiliste russe, dans un contexte géographique, historique et social — une mine au nord de la France à la fin du Second Empire — où il était fort improbable, voire impossible, de rencontrer vers 1866 une telle figure (en France, on ne commencera à avoir des nouvelles de l’activité terroriste des nihilistes russes qu’à la fin des années 1870)[7]. Ces imprécisions et ces entorses à la chronologie ne concernent pourtant pas les aspects strictement littéraires du roman : il est évident qu’en décrivant une grève de mineurs français sous le Seconde Empire, Zola ne pouvait pas rester sourd à la chronique, aux débats et à l’actualité politiques de son propre temps ; par ailleurs, en toute circonstance, il a réclamé en tant qu’écrivain la liberté d’arranger les données factuelles à des fins littéraires[8]. Il sera néanmoins légitime de souligner que son intérêt de romancier ne portait pas principalement sur les fondements théoriques de l’anarchisme, sur ses principes « philosophiques », ou sur ce qui le distinguait du nihilisme russe : de toute évidence, l’anarchisme et la violence de sa « propagande par le fait » représentaient en premier lieu aux yeux de Zola un « capital narratif »[9] où puiser personnages et situations qu’on pouvait exploiter littérairement.
Dans l’ébauche de Lourdes, datant de 1893 — lorsqu’à Paris la vague d’attentats anarchistes qu’on appelle « l’ère des attentats » battait son plein (1892-1894) —, Zola note en quelques lignes l’idée de développer dans un roman à venir les relations conflictuelles entre le protagoniste de celui qu’il est en train d’écrire, un prêtre qui a perdu la foi, et son frère, présenté comme « un révolté, un violent, un anarchiste, un autre Souvarine »[10], et en outre l’intention d’y insérer « un attentat anarchiste sans doute. » Pour situer celui-ci dans un contexte social vraisemblable, Zola se propose de décrire tout un milieu prolétaire miséreux et d’évoquer « un grand fond de souffrance, comme dans Germinal… un coin de faubourg abominable, l’enfer de Paris… Le cri des misérables aboutissant au monde nouveau[11]. » Comme on le voit, c’est en germe le sujet de ce qui en 1898, après la parution de Lourdes et de Rome, deviendra Paris, troisième roman de la trilogie des Trois Villes[12].
À propos de ce projet à peine esquissé, on pourra faire deux remarques. En premier lieu, il nous révèle que dans l’esprit de Zola la thématique politique de Paris était dès l’abord ouvertement associée à celle de Germinal, ce qui légitimera une lecture parallèle des deux textes: c’est un même « grand fond de souffrance » et une même réaction violente à l’injustice sociale qui font l’objet des deux romans en dépit des différences entre le milieu prolétaire parisien et celui des mineurs. Deuxièmement, ces quelques lignes de l’ébauche nous montrent qu’en ce qui concerne Paris, la scène d’un attentat à la bombe était à l’origine même de l’invention romanesque : avant même d’avoir le personnel du roman et une intrigue, Zola semble avoir deviné le potentiel narratif d’un attentat anarchiste et le parti qu’on pouvait en tirer du point de vue littéraire. On dirait que l’idée d’un attentat anarchiste y joue une fonction analogue à celle de ce qu’une vingtaine d’années auparavant, Zola appelait « un fait générateur[13]. »
Si, dans Paris, l’attentat à la bombe de Salvat semble mettre en branle la machine romanesque, les ébauches et les plans de Germinal, qui datent des premiers mois de 1884,témoignent, eux, de la lente et progressive élaboration du final catastrophique du roman tel qu’on le connaît, avec le sabotage et l’éboulement de la mine. Mais le plus remarquable, c’est que dès l’abord Zola avait tout de même eu l’idée d’un accident dévastateur à l’intérieur de la mine, sans pourtant songer encore à un sabotage. Dans la toute première ébauche, il notait : « J’aimerais bien l’éboulement du puits, avec tout coulant à l’abîme. » Avant même d’inventer une cause plausible pour un tel désastre, Zola a déjà devant les yeux l’image effrayante de « quelques ouvriers [restés] au fond, avec des chevaux (Les chevaux ayant rompu leur licol et galopant dans les galeries « poursuivi [sic !] par l’eau »)[14]. Cette situation dramatique, on la retrouvera telle quelle dans la version définitive de l’œuvre, y compris l’image des chevaux effrayés. Il en restera un seul, à vrai dire : le vieux Bataille, qui part « des quatre fers, dans un galop furieux », disparaissant au fond d’une galerie[15]. Zola ne savait pas encore pourquoi la mine s’éboulait, ni qui auraient été les personnages destinés à rester « au fond », mais déjà l’image de la catastrophe s’imposait à son imagination, car il était persuadé que « ce serait d’un gros effet[16]. »
Zola se figure d’abord la « catastrophe » (c’est le mot qu’il emploie) comme une calamité accidentelle, par exemple un « coup de grisou », ce qui lui fournirait l’occasion de dénoncer les conditions de travail extrêmement dangereuses des mineurs. Son premier souci pourtant est d’ordre formel et concerne la structure narrative du récit : « où mettre cela ? », se demande-t-il. Il songe alors à la possibilité d’insérer « au milieu » du roman cet épisode, auquel visiblement il tient beaucoup ; le désastre pourrait avoir lieu « après la bataille de la grève », permettant à Zola d’« opposer les violence [sic !] barbares des mineurs
[contre les propriétaires et les militaires, lors de la « bataille »]
à leur dévouement pour sauver leurs camarades. » Pour ajouter à l’effet dramatique de l’épisode, Zola envisage même « un duel » au fond du puits entre Étienne et un autre personnage encore à trouver (un inspecteur de la mine, c’est sa première hypothèse) qui jouerait le rôle du méchant et qu’Étienne tuerait « comme défense légitime[17]. » Mais bientôt Zola revient sur cette solution qui ne le satisfait pas, car « le mal – remarque-t-il – est que cela enlève la belle simplicité du dénouement »[18] ; et un dénouement d’une « belle simplicité » aurait été, selon Zola, la grève se terminant par un échec, et les mineurs redescendant résignés dans le puits. La catastrophe, donc, n’est envisageable aux yeux de Zola qu’à la condition qu’elle garantisse au roman une conclusion cohérente et surtout efficace du point de vue narratif.
Toutefois, ne voulant pas renoncer à une impressionnante scène de désastre finale et au « gros effet » qu’il en escompte, Zola commence à réfléchir qu’autour de l’éboulement, « on pourrait inventer tout un drame[19]. » Pour la première fois, il pense alors au beau rôle — un rôle actif — qu’on pourrait confier à Nicolas, qui jusqu’alors n’était qu’un « petit russe », une figure secondaire, sa fonction n’étant que celle de tenant des doctrines révolutionnaires nihilistes lors des « conversations du soir » entre mineurs[20], et qui deviendra par la suite le « terrible » Souvarine, le personnage peut-être le plus marquant du roman[21]. À partir de ce moment, la calamité n’aura plus rien d’un accident de travail, mais sera un véritable acte de sabotage, ce qui comportera bien de changements substantiels dans la structure du récit[22]. Mais le plus important pour notre propos, c’est qu’en faisant d’un accident de travail un acte terroriste, Zola a enfin trouvé le moyen de justifier la présence d’une scène catastrophique à la fin du roman, après l’échec de la grève, sans que pour autant le dénouement ne perde son effet ; bien au contraire, car l’acte destructeur final de Souvarine obéit à une logique narrative autant qu’idéologique. Le sabotage sera ainsi la réaction du nihiliste face à l’échec de la grève ; il montrera à quel comble de violence devrait aboutir, selon un nihiliste radical, la lutte contre une société injuste (même si les victimes accidentelles de son acte seront des camarades à lui) et, en même temps, il procurera au romancier un dénouement très efficace et cohérent du point de vue narratif. Zola aura ainsi préservé la « belle simplicité » d’un dénouement qui assure au roman le plus « gros effet », c’est-à-dire susciter ce « frisson de terreur » que dès l’origine Zola voulait faire éprouver à son « lecteur bourgeois[23]. »
Une première conclusion qu’on peut tirer des changements apportés à la structure de son roman est que Zola y envisage la violence terroriste au moins autant comme instrument de la lutte politique que comme matériau narratif utilisable à des fins strictement littéraires.
En outre, on pourra remarquer que, dès la première moitié des années 1880 — c’est-à-dire à une époque où le terrorisme en France était encore un phénomène tout à fait nouveau, presque inouï, car l’attentat à la bombe de Felice Orsini contre Napoléon III remontait à 1858[24] et ceux des nihilistes en Russie étaient, eux, assez récents —, en vertu d’une intuition d’écrivain ou peut-être d’une simple exigence narrative, Zola a saisi et donné forme littéraire à un aspect essentiel de toute action terroriste à venir : la valeur symbolique de leurs actes de violence et de leurs cibles. En parlant du Voreux comme d’une bête vorace, d’un monstre dévorateur d’hommes et d’enfants, Zola en donne une image allégorique, ou du moins fortement personnifiée[25]. Cette tendance à l’allégorisation, on le sait, caractérise le style imagé, souvent hyperbolique de ces « grandes scènes » où Zola excellait, et qui en font la force expressive, garantissant le « gros effet » qu’elles produisent, bref leur réussite littéraire (qu’on songe au déraillement de la Lison dans La bête humaine, ou à la ville en flamme à la fin de La débâcle)[26]. Or, en s’en prenant à un objet décrit en des termes allégorisants (en l’occurrence la mine comme monstre vivant), le description de l’acte terroriste de Souvarine assume par conséquent elle aussi un sens éminemment symbolique. Mais dans ce cas, à savoir dans le cas de la représentation romanesque d’un acte de terrorisme, il ne s’agit pas simplement d’un effet de style littéraire (rhétorique),dont on pourra apprécier les qualités purement stylistiques ou critiquer les défauts, en remarquant éventuellement qu’il garde quelque chose d’hugolien, voire de feuilletonesque. En fait, Zola a touché dans ces pages à un aspect essentiel de la réalité même du phénomène de la violence anarchiste en tant que nouvelle forme de lutte politique ; car tout acte terroriste doit viser une cible symbolique pour prendre un sens politique, à savoir pour être exemplaire et ne pas être une simple calamité aveugle telle que l’éruption d’un volcan[27] ou un accident de travail. Zola en était bien conscient, quand il notait dans le plan détaillé qu’« il faut que l’attentat [de Souvarine] soit évident pour qu’il terrifie[28]. » Pour qu’un attentat puisse être perçu comme un acte de « propagande par le fait », et donc comme faisant partie d’une stratégie éversive et révolutionnaire, l’intention terroriste de son auteur doit s’y afficher clairement — d’où l’importance pour Zola de montrer Souvarine s’acharnant « au hasard contre le cuvelage » du Voreux, car il aura ainsi « signé » son « forfait démesuré[29]. » Et tant pis si la vraisemblance de l’épisode laisse quelque peu à désirer[30].
Dans Paris, Zola va plus loin encore que dans Germinal en arrivant à envisager une scène qui, en 1898, relevait de la science-fiction : il imagine qu’à la fin du roman, un des personnages, Guillaume Froment[31], projette un attentat contre la basilique du Sacré-Cœur, cible symbolique s’il en fut. De surcroît, l’attentat devrait avoir lieu à l’occasion d’une « bénédiction solennelle du saint sacrement », à laquelle sont censés assister quelques dix-mille « pèlerins », condamnés à périr sous les décombres de la basilique — et peu importe que l’attentat finalement échoue : en se figurant un attentat qui, par son énormité, semblait à son époque défier toute vraisemblance, Zola, qui évidemment ne craignait pas d’y aller trop fort lorsqu’il s’agissait de produire un « gros effet », n’hésite pas à faire de l’attentat un spectacle plus « grandiose » que vraisemblable. Il transforme ainsi la valeur exemplaire de l’attentat en scène hautement spectaculaire, conforme à un goût pour l’excès et l’exceptionnel très romanesque, voire feuilletonesque.
Tant le sabotage de Souvarine que l’attentat projeté pas Guillaume Froment permettent à Zola de tirer de la violence terroriste les effets les plus dramatiques et, par conséquent, les plus spectaculaires. Car la dramatisation de ces épisodes est étroitement lié à l’effet spectaculaire que Zola en tire. Pour Germinal, comme on l’a vu plus haut, Zola a conçu très tôt l’idée d’« inventer tout un drame » autour de l’éboulement de la mine. Dans la version définitive du roman, parmi les mineurs qui se trouvent au fond de la fosse au moment du désastre, il y a deux des personnages principaux, ce qui ajoute à l’intérêt de l’épisode pour les lecteurs. En outre, Zola ne renonce pas à la tentation d’assaisonner l’épisode d’un « duel » entre Étienne et Chaval, le méchant, et d’une scène d’amour redevable au romantisme le plus frénétique, et d’un goût assez douteux, à nos yeux : enterrés vivants au fond du puits, à jeûn depuis une semaine, plongés dans le noir, avec l’eau qui ne cesse de monter et le cadavre du rival en amour d’Étienne, Chaval, qui flotte à leur pieds, le protagoniste du roman et la jeune herscheuse Catherine se déclarent enfin leur amour et s’aiment pour la première et dernière fois « dans le désespoir de tout, dans la mort »[32]. Comme on le voit, il ne manque rien de macabre dans cette scène de mort et de passion[33].
Si, dans Germinal, le duel est expédié assez vite, la lutte entre les deux frères occupe le devant de la scène à la fin de Paris. À la dernière minute, Pierre empêche Guillaume de mener à bien son projet terroriste et ils s’engagent dans un véritable combat singulier à coups de poing dans l’obscurité des souterrains du Sacré-Cœur, qu’avait déjà miné le chimiste (à lui tout seul !)[34]. Mais au moment même où un « éclair fratricide » luit dans les yeux de Guillaume, empoignant une brique à deux mains « comme une massue » et prêt à l’abattre sur son frère, le chimiste est frappé d’un repentir soudain et tombe à genoux « dans un grand sanglot[35]. » Et la scène se termine avec les deux frères en pleurs qui s’embrassent. Du point de vue littéraire, ce chapitre est sans contredit le plus faible de tout le roman. Et pour cause : Zola y touche aux limites du naturalisme — et il les dépasse même en se pliant à des exigences narratives et à un goût pour les effets sensationnels qui n’ont plus rien de proprement naturaliste[36]. (À la fin du siècle, l’âge d’or de l’« école naturaliste » était révolu depuis une douzaine d’années et, dès avant l’achèvement du cycle des Rougon-Macquart en 1893, Zola lui-même s’interrogeait déjà sur la possibilité de trouver un style nouveau et aspirait pour sa future activité de romancier « à une ouverture plus grande sur l’humanité », ce qui revient à dire qu’il cherchait une forme de narration et d’écriture moins strictement fidèle aux principes de la méthode « expérimentale » tels que jadis il les avait définis[37].)
Pour notre propos, toutefois, il est davantage important de remarquer que la dramatisation de la représentation des attentats terroristes chez Zola a pour conséquence inévitable — si ce n’est délibérée — d’aboutir à une « esthétisation » de la violence qui fait de celle-ci un « spectacle », dont Walter Benjamin dénoncera moins d’un demi-siècle plus tard la nature éminemment « fasciste. » Si l’on ne peut certes pas soupçonner Zola d’être de connivence avec l’idéologie fasciste du siècle suivant, il est néanmoins indéniable qu’une fascination pour la violence des attentats anarchistes en tant que spectacles « grandioses » perce à travers les épisodes de ses romans qu’on vient d’analyser. Ce qui a toujours retenu l’intérêt de Zola était moins la « doctrine » philosophique et politique de l’anarchisme ou du nihilisme que la violence d’un attentat terroriste en tant que ressource romanesque pour produire le plus « gros effet » littéraire possible.
Par ailleurs, vers 1890, Zola n’était pas le seul à être ainsi séduit : qu’on songe, par exemple, à Mallarmé, qui éprouva lui aussi une certaine attirance — purement « esthétique », bien entendu — pour les bombes anarchistes « en raison de la lueur » produite par leur explosion[38]. Cette fascination partagée pour la violence anarchiste assume ainsi une valeur historiquement significative, car elle témoigne de la fausse conscience de la bourgeoise fin-de-siècle, « éclairée », sensible à l’injustice sociale et qui, en même temps, aimait frissonner de terreur vis-à-vis d’une violence par laquelle elle se sentait quand même menacée. En tant qu’écrivain bourgeois, Zola ne pouvait pas ne pas partager cette contradiction, ce qui fait la valeur symptômale de ces pages au style parfois emphatique et mélodramatique où il se complait dans la description de scènes de violence, de destruction et de mort : écrivain progressiste qui ne craint pas de dénoncer l’injustice sociale — du moins, à partir de L’Assommoir, paru en 1877 —, tout en répudiant « les moyens illégaux » et la violence terroriste des poseurs de bombes anarchistes, Zola est toutefois fasciné par cette violence qui lui fournit un sujet riche de possibilités romanesques dont il ne se prive pas d’exploiter littérairement le potentiel pathétique et spectaculaire.
Dans une certaine mesure, les mots célèbres de Walter Benjamin, à la fin de son essai sur L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée, peuvent aider à éclairer l’attitude ambivalente de Zola romancier vis-à-vis de la violence anarchiste : « L’humanité, qui jadis avec Homère avait été objet de contemplation [Schauobjekt] pour les Dieux Olympiens, l’est maintenant devenue pour elle-même. Son aliénation d’elle-même par elle-même a atteint ce degré qui lui fait vivre sa propre destruction comme une sensation esthétique [als ästhetischen Genuß] de tout premier ordre[39]. » Écrivain bourgeois et romancier à succès, Zola ne saurait échapper à cette « aliénation » qui est celle de la classe à laquelle il appartient ; mais, étant un grand écrivain, il en témoigne par son art même. Face aux toutes premières manifestations de cette nouvelle forme de violence politique que fut le terrorisme anarchiste de l’« ère des attentats », Zola représente sa puissance destructrice comme un nouveau spectacle, à la fois effroyable et fascinant, devant lequel l’écrivain naturaliste qui s’était fait une loi de « tout dire » n’a pas le droit de détourner le regard. On pourra reprocher à Zola d’avoir recours, pour décrire cette violence, à des formes littéraires et à un style qui relèvent moins de la méthode naturaliste que du feuilleton et de la presse à sensation, mais c’est toutefois ce goût du spectaculaire et du dramatique qui lui permit d’entrevoir quelques-uns des aspects essentiels du phénomène terroriste naissant.
On pourra, par exemple, juger comme un effet un peu trop facile l’insistance avec laquelle, dans Paris, Zola appuie sur le détail pathétique du « petit trottin de modiste », une « petite blonde de seize à dix-huit ans » en train de faire une livraison, et qui sera la seule victime de l’attentat à la bombe de Salvat contre l’hôtel particulier du baron Duvillard, symbole du pouvoir et du luxe[40]. Dépourvu de toute fonction strictement structurale, ce détail reviendra néanmoins tout au long du roman[41] ; or, la répétition des détails significatifs était une ressource rebattue de la littérature populaire qui en tirait des effets de dramatisation, grossiers, si l’on veut, mais efficaces pour forcer l’attention du lecteur. La presse à sensation connaissait elle aussi depuis longtemps les effets émouvants qu’on tirait de petits détails comme celui-ci, et les exploitait cyniquement. Zola en était bien conscient, qui mentionne un journal imaginaire, La voix du peuple, une méprisable « feuille de vacarme »[42] où « toute une colonne — écrit-il — était consacrée à la seule victime, la pauvre enfant blonde et jolie, le petit trottin de modiste, le ventre ouvert[43]. » Mais par de-là l’effet pathétique qu’il tire de la répétition de l’image de la jeune fille éventrée, en appuyant sur ce détail inutile du point de vue narratif, Zola a pourtant saisi un autre aspect essentiel du terrorisme : pour semer la terreur et atteindre ainsi son but, il faut que les victimes de la violence terroriste soient accidentelles, innocentes et sans défense.
Zola semble toucher au noyau de ce qu’Adriana Cavarero a proposé d’appeler orrorismo, qu’on pourrait traduire par un autre néologisme équivalent : « horrorisme », tiré évidemment de « horreur », à l’instar de « terrorisme ». Ce terme désignerait la « qualité indifférenciée » des victimes du terrorisme[44]. Alors qu’on peut toujours considérer la terreur comme le moyen d’une stratégie militaire non conventionnelle qu’on appelle « terrorisme », l’« horrorisme » est, lui, une violence qui frappe à l’aveugle, ses victimes étant, d’après Cavarero, par essence « sans qualité, interchangeables et casuelles »[45] et, qui plus est, « sans défense », inermi[46]. Dans son roman, Zola appuie sur le côté pathétique de la mort accidentelle de la victime, en insistant particulièrement sur les détails les plus macabres (le « ventre ouvert », le « flanc troué ») de l’image de la fille morte, dont il nous dit qu’elle était « atroce de laideur »[47] : il souligne que, lors du procès, « ce qui attendrissait les cœurs [du public], c’était le carton de modiste resté intact » et, surtout, la « petite main arrachée au poignet », conservée « dans l’esprit-de-vin d’un bocal » et présentée comme preuve[48]. Zola semble avoir obscurément ressenti tout le scandale de la dégradation que le terrorisme inflige à ses victimes : Cavarero, qui parle en philosophe, définit de manière plus précise cette dégradation comme une « offense ontologique à la singularité » des victimes, ce qui définirait l’horreur propre au terrorisme tel qu’elle l’entend : « frappées justement parce que casuelles, elles n’ont d’autre valeur qu’en vertu de cette casualité qui les rend interchangeables et exemplaires[49]. » Cette exemplarité des victimes n’aura plus grand chose à voir avec la valeur symbolique de la cible visée par l’acte terroriste. Les victimes sont exemplaires dans la mesure où, en principe, n’importe qui peut être frappé par le prochain attentat ; c’est cela qui fait « horreur », selon Cavarero, et qui est intolérable : la casualité des victimes.
Or, il me semble que c’est le goût du mélodrame et des effets pathétiques qui a permis à Zola de saisir obscurément et d’exprimer d’une manière intuitive cette nature « horroriste » du terrorisme dans les formes romanesques, voire feuilletonesques, dont il disposait. Si Zola s’était toujours déclaré contre tout illégalisme, contre la révolution, c’est-à-dire contre une solution violente aux conflits sociaux, en tant qu’écrivain il se montra moins modéré : au nom du « gros effet », il ne put pas résister à la séduction de la violence, à l’attirance de l’« atroce laideur » des victimes innocentes — à ce propos, il ne serait pas abusif de parler d’une sorte de sublime « horroriste. » Si Zola eut le courage de ne pas détourner le regard de l’horreur, il faudra reconnaître qu’il en fit, le premier, un « objet de contemplation », c’est-à-dire un spectacle fort dramatisée et peu conforme aux règles de la méthode naturaliste ; en effet, le regard de l’écrivain qui se voulait impassible semble le plus souvent s’y complaire. Mais ce sont précisément ces défauts d’ordre esthétique, qu’on peut critiquer à bon escient chez Zola, qui font aujourd’hui l’intérêt et l’actualité de la représentation de la violence terroriste que nous offrent ses romans. L’ambiguïté de son ébahissement vis-à-vis des formes du terrorisme naissant — qu’il rejette tant moralement que politiquement et qui pourtant le fascinent esthétiquement — ressemble beaucoup au paradoxe de notre fascination terrifiée face à l’écroulement infini des Twin Towers, que les chaînes télévisées de tout le monde ne cessent pas d’offrir en spectacle à nos regards, à la fois, médusés et curieux, effrayés et morbides — et à la longue, il est à craindre, blasés et indifférents.
[1] M. Serres, Feux et signaux de brume. Zola, Paris, Grasset, 1975, p. 78.
[2] P. Martino, Le roman réaliste sous le Second Empire, Genève, Slatkine, 1972, p. 283 (réimpression anastatique de la première édition de Paris, 1913).
[3] Zola lui-même avouait dans Les romanciers contemporains (1878) que « nous tous aujourd’hui, même ceux qui ont la passion de la vérité exacte, nous sommes gangrenés de romantisme jusqu’aux moelles » (É. Zola, Œuvres complètes, édité par H. Mitterand, Paris, Cercle du Livre précieux, 1968, t. XI, p. 226, c’est nous qui soulignons).
[4] Voir ses déclarations publiques faites à la presse dans Entretiens avec Zola, édité par D. E. Speirs et D. A. Signori, Ottawa, Presses de l’Université de Ottawa, 1990, en particulier l’« Entretien sur l’anarchie. Chez M. Émile Zola » (Le Figaro, 25 avril 1892), pp. 90-91, ou l’interview parue le 25 avril 1890 dans Le Gaulois (ibid., p. 62), où Zola déclarait carrément : « Je ne suis nullement révolutionnaire. Je l’ai peut-être été, en art. Mais je suis un socialiste […]. Seulement, c’est un genre de socialisme qui répugne à la violence et répudie les moyens illégaux. »
[5] Sur ce point de détail, il sera utile de consulter l’anthologie de textes parus dans les journaux anarchistes éditée par Vittorio Frigerio, Émile Zola au pays de l’Anarchie, Grenoble, ELLUG, 2006.
[6] Voir E. M. Grant, Zola’s “Germinal”, London, Leicester University Press, 1971, p. 25, n. 5.
[7] À propos des connaissances imprécises de Zola concernant le mouvement anarchiste et ses maîtres-à-penser, et, plus en particulier, sur caractère anachronique de la figure de Souvarine, voir P. Aubery, « Quelques sources du thème de l’action directe dans Germinal », dans Symposium, 13/1, Spring 1959 et E. M. Grant, Zola’s “Germinal”, cit., pp. 71-83.
[8] Voir D. Baguley, « The Function of Zola’s Souvarine », dans The Modern Langage Review, 66/4, October 1971.
[9] L’expression est empruntée à Eduardo A. Febles, Terrorism and Anarchy in the Works of Emile Zola, Amsterdam-New York, Rodopi, 2010, chap. 2, « Anarchy as Narrative Capital », en particulier p. 89-96.
[10] Zola en fera finalement un scientifique, un chimiste, qui fréquente les milieux anarchistes et qui bascule dans le terrorisme, sans être pourtant un véritable anarchiste révolutionnaire ni un homme violent.
[11] Cité par René Ternois, Zola et son temps. Lourdes − Rome − Paris, Paris, Les Belles Lettres, 1961, p. 291.
[12] Lourdes et Rome parurent respectivement en 1894 et 1896.
[13] Voir le manuscrit des Notes à L’Assommoir conservé à la Bibliothèque Nationale (BNF, N.a.f., Mss. 10 345, f° 10), au site : http://expositions.bnf.fr/brouillons/écrivains.
[14] É. Zola, Ébauche, dans La fabrique de Germinal. Dossier préparatoire de l’œuvre, texte établi par C. Becker, Paris, SEDES, 1986, p. 264, f° 428/27 du dossier. Pour une étude de détail de cet avant-texte, voir P. Walker, « The Ébauche of Germinal », dans Modern Language Association, 80/5, December 1965, pp. 571-583.
[15] Voir É. Zola, Germinal, VII, ch. 5, Les Rougon-Macquart, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1964, t. III, p. 1562.
[16] É. Zola, Ébauche, dans La fabrique de Germinal, cit., f° 429/28.
[17] Ibid., f° 430/29. Dans la version définitive de l’épisode, Étienne trouvera tout de même l’occasion de tuer au fond de la mine son rival en amour Chaval : le meurtre permet à Zola de reprendre le thème de la « fêlure » héréditaire dans la famille Lantier.
[18] Ibid., p. 265,f° 431/30.
[19] Ibid., p. 266, f° 434/33.
[20] Voir l’ébauche, où le personnage est esquissé en quelques mots : « Un ami à Etienne. Un nihiliste, un petit russe, mécanicien ; un russe réfugié, et les conversations du soir » (ibid., p. 260, f° 417/16).
[21] En 1894, malgré l’énorme popularité du personnage (encore au XXe siècle, Boris Lifschitz sera connu sous le nom de bataille de Boris Souvarine) − ou justement à cause de cette popularité qui pouvait être gênante pour Zola à « l’ère des attentats » −, Zola contre toute évidence déclarera lors d’un entretien que Souvarine n’est qu’« un personnage de troisième plan, d’ailleurs, purement philosophique » (voir « Émile Henry et Germinal », dans L’Événement, 1er mai 1894, dans Entretiens avec Zola, cit., p. 136). Dix ans auparavant, dans les notes de lecture du livre de Laveleye, en marge d’une citation qu’il avait recopiée, Zola avait écrit par contre : « Le faire dire par Souvarine. Faire de celui-ci une figure effrayante » (La fabrique de Germinal, cit., p. 430, f° 234. On peut lire le discours de Souvarine citant littéralement le mots de Laveleye au chapitre 4 de la IV partie du roman, voir É. Zola, Germinal, cit., p. 1343). Pour se faire une idée de la popularité de Souvarine dans les milieux anarchistes, il sera intéressant de lire le texte signé Ch. Mercier et intitulé La vision de Souvarine, paru dans « La Révolte » le 27 mai 1893 (recueilli dans Émile Zola au pays de l’Anarchie, cit., pp. 139-143).
[22] Il s’agira, par exemple, d’étoffer le personnage de Souvarine, de préciser son caractère (et Zola de noter dans l’ébauche : « L’attitude de Souvarine à trouver », voir La fabrique de Germinal, cit., p. 288, f° 496/93), d’amener de manière graduelle la narration vers la catastrophe finale (au moins depuis la première apparition de Souvarine au chapitre 1 de la III partie du roman, voir É. Zola, Germinal, cit., p. 1252).
[23] Voir l’Ébauche, dans É. Zola, La fabrique de Germinal, cit., p. 261, f° 421/20 : « Il faut que le lecteur bourgeois ait un frisson de terreur. »
[24] En 1876, Zola avait trouvé la manière d’introduire, quoique marginalement, l’attentat d’Orsini dans l’intrigue de Son Excellence Eugène Rougon (voir É. Zola, Les Rougon-Macquart, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1961, t. II, pp. 214-215).
[25] Pour une analyse détaillée de l’évolution de cette image allégorique, voir l’étude magistrale de Henri Mitterand, « La bête goulue », dans Le regard et le signe, Paris, P.U.F., 1987, pp. 231-250.
[26] Voir É. Reverzy, La chair de l’idée. Poétique de l’allégorie dans Les Rougon-Macquart, Genève, Droz, 2007.
[27] L’image métaphorique du volcan est pourtant inscrite profondément, quoique de manière indirecte, dans le texte de Germinal, puisque c’est le nom du café-concert de Montsou que fréquentent les mineurs, et qui revient souvent dans la narration. En revanche, dans Paris, Zola abuse de la comparaison entre l’explosion des bombes anarchistes et l’éruption d’un volcan (voir É. Zola, Paris, édition établie par H. Mitterand, Paris, Stock, 1998, pp. 116, 128, 151, 192, 423, 427, 428, 433, 437, 455 et 456).
[28] É. Zola, La fabrique de Germinal, cit., p. 223, f° 329.
[29] É. Zola, Germinal, cit., pp. 1529, 1530 et 1542.
[30] Qu’un seul homme, en quelques heures de travail, disposant pour tout équipement d’« un vilebrequin armé de sa mèche, [d’]une petite scie très forte, [d’]un marteau et [d’]un ciseau » (Ibid., p. 1527), puisse endommager sérieusement le cuvelage d’une fosse de plusieurs centaines de mètres de profondeur et la détruire entièrement, ce n’est pas très vraisemblable ; voir P. Aubery, « Quelques sources du thème de l’action directe dans Germinal », cit., p. 69.
[31] C’est le même personnage que, dans l’ébauche de Lourdes,Zola présentait comme « un autre Souvarine » ; dans la version définitive, Guillaume, le frère de Paul, le prêtre protagoniste de la trilogie Les Trois Villes, deviendra finalement un libre penseur et un chimiste ; ses convictions ne sont pas proprement celles d’un véritable anarchiste et moins encore d’un terroriste, mais il partage la même indignation vis-à-vis de la misère du peuple des faubourgs ; si bien qu’au début du roman, il se trouve impliqué dans l’attentat à la bombe de Salvat, parce que c’est lui qui a fourni au jeune anarchiste l’explosif nécessaire pour construire la bombe.
[32] É. Zola, Germinal, cit., p. 1579. La phrase se trouve telle quelle dans le plan détaillé (« Leur nuit de noce. Ils s’unissent dans le désespoir de tout, dans une hallucination, dans la mort. Catherine expirera sur les lèvres d’Etienne », É. Zola, La fabrique de Germinal, cit., p. 242, f° 373).
[33] Dans le plan, Zola avait appuyé sur ce détail du cadavre de Chaval flottant, en notant qu’il devait être « quelque chose de terrible », et que sa présence faisait « horreur » à Étienne et Catherine, qui refusent de boire malgré le soif, car « l’eau leur paraît le sang du [cadavre] camarade noyé » (Ibid., f° 372).
[34] Voir É. Zola, Paris, V, 4, cit., pp. 427-435.
[35] Ibid., p. 435.
[36] Voir Akiko Miyagawa, « Provocation de l’anarchisme. Mise au roman de l’attentat anarchiste dans Paris de Zola », dans ELLF (Tokyo), 85-86, mars 2005, en particulier p. 65-73.
[37] Voir la réponse de Zola à Jules Huret, à l’occasion de l’Enquête sur l’évolution littéraire (1891), qu’on peut lire dans Entretiens avec Zola, cit., p. 70.
[38] Voir S. Mallarmé, « Accusation », Grands faits divers, dans Divagations, Paris, Gallimard, « Poésie », 1991, p. 296-297. À propos de la séduction exercée par le terrorisme anarchiste sur les poètes symbolistes lors de l’« ère des attentats », voir U. Eisenzweig, Fictions de l’anarchisme, Paris, Christian Bourgois, 2001, en particulier le chapitre « Poétique de la bombe », p. 161-205.
[39] Nous citons la toute première version française de l’essai procurée par Pierre Klossowski ; voir W. Benjamin, Gesammelte Schriften, Frankfurt a. M., Suhrkamp Verlag, 1974, vol. I, t. 2, p. 738.
[40] Voir É. Zola, Paris, cit., p. 116-117.
[41] L’image du « petit trottin mort, le flanc troué », hantera le souvenir de Pierre qui a été témoin de l’attentat (ibid., p. 136, 188 et 269) ; Zola y reviendra encore lors de la scène du procès de Salvat (ibid., p. 344 et 346).
[42] Ibid., p. 53. Le journal a pour modèle La Libre Parole, dirigé par Édouard Drumont.
[43] Ibid., p. 134.
[44] Voir A. Cavarero, Orrorismo, ovvero la violenza sull’inerme, Milano, Feltrinelli, 2007 (trad. anglaise : Horrorism. Naming Contemporary Violence, N.-Y., Columbia University Press, 2008).
[45] Ibid., p. 103 ; c’est nous qui traduisons de l’italien.
[46] En italien, le mot inerme est calqué sur le latin et signifie littéralement « sans armes » ; en anglais on le traduit defenceless.
[47] Voir É. Zola, Paris, cit., p. 136.
[48] Ibid., p. 344.
[49] Voir A. Cavarero, Orrorismo, cit., p. 105.