Cet article a initialement été publié au sein du dossier “L’État de droit social, ou les droits sociaux en justice” dirigé par Diane Roman.
Les notions de « droit individualiste » et de « droit social » renvoient à des cadres conceptuels élaborés par les juristes, au tournant des XIXe et XXe siècles, pour tenter d’appréhender les changements survenus dans le droit à la suite des différentes « métamorphoses de la question sociale »[1] depuis la Révolution française. En effet, toute société, confrontée à « l’énigme de sa cohésion » et à la nécessité de « conjurer le risque de sa fracture »[2], est amenée à s’interroger sur un certain nombre de phénomènes considérés, à un moment, comme des problèmes sociaux qu’il faut réguler. La prise de conscience, au cours du XVIIIe siècle, d’une « vulnérabilité de masse »[3] pour tous ceux qui ne peuvent pas travailler puis, au XIXe siècle, la découverte de l’insécurité généralisée accablant les ouvriers pourtant « au foyer de la dynamique de la modernisation »[4] ont été au cœur de la question sociale. Devenus des « problèmes », ces phénomènes sociaux ont été l’objet de nombreux questionnements afin de déterminer les outils les plus efficaces pour leur régulation. Puisque « concevoir une politique sociale, comme toutes les autres politiques, passe par son encodage dans et par du droit »[5], la production de normes est un instrument privilégié pour mettre en place et encadrer des dispositifs destinés à protéger des catégories de personnes considérées comme défavorisées et vulnérables. Mais cette juridicisation du social s’effectue à des degrés variables et sous des formes diverses. Selon le cadre conceptuel sous-jacent à ce processus, le rôle de l’État en matière sociale, les faits ou situations qui doivent être pris en compte par des dispositifs spécifiques et les personnes concernées par ces derniers évoluent. Les différents présupposés ont donc une incidence sur la manière de traiter la question sociale. Dans le cadre conceptuel du « droit individualiste », l’intervention de l’État devant être minimum, l’élaboration d’une politique sociale par les gouvernants est contestée. Dès lors, le social se limite à l’assistance des « indigents » et est abordé principalement sous l’angle de la morale et de l’économie. En revanche, le cadre conceptuel du « droit social » légitime l’Etat à intervenir pour protéger les plus faibles. Ce dernier est donc fondé à produire des normes visant à mettre en place des mécanismes de protection et à garantir des droits pour l’individu. A l’approche essentiellement morale succède ainsi une résolution juridique de la question sociale. L’utilisation de ces cadres conceptuels comme des « idéaux types » est un outil pour comprendre les différentes réponses apportées aux problèmes sociaux entre la Révolution et la seconde Guerre mondiale.
Le droit, inspiré par la philosophie des Lumières et mis en place à partir de la Révolution française puis, surtout, par le code civil de 1804, est qualifié de « droit individualiste ». Il se caractérise par une conception de l’homme pensé comme un être rationnel, possédant ès qualité des droits individuels naturels, inaliénables et imprescriptibles ainsi qu’une volonté autonome. Étant indépendant et responsable, il est libre de déterminer les modalités de ses actes et de contracter avec les autres individus. Le contrat est ainsi perçu comme le meilleur moyen d’organiser les rapports économiques et sociaux entre individus considérés comme égaux. La possibilité pour chacun de poursuivre librement son intérêt constitue le moteur nécessaire au développement de l’industrie dont l’une des vertus serait de permettre l’amélioration générale de la société. En conséquence, l’intervention de l’État pour améliorer les conditions de chacun n’est pas nécessaire. Elle pourrait, au contraire, aggraver les problèmes à résoudre. Le rôle de l’Etat se limite à casser les formes séculaires d’organisation du travail et à garantir, ensuite, la liberté et la propriété ainsi qu’une certaine stabilité de l’ordre social, propice à la conclusion des contrats. Seuls certains dispositifs visant à secourir des personnes diversement exclues du monde du travail, peuvent être déployés dans des conditions très restrictives et autant que possible en dehors de l’intervention du droit et de l’Etat. En dépit de l’extension du paupérisme, ce cadre conceptuel évolue peu au XIXe siècle. Touchant même des individus ayant un travail, la progression de la misère pose le problème de la dépendance dans laquelle se trouve l’« indigent » qui ne peut être assimilé à l’homme autonome du code civil. Afin de contourner cette difficulté, se développe, à côté du « registre de l’échange contractuel entre individus libres, égaux, responsables, raisonnables »[6], « le registre de l’échange inégal » pour les classes pauvres. Les « indigents » sont considérés comme des mineurs qui doivent être placés sous tutelle par le biais de la traditionnelle assistance pour ceux qui ne peuvent pas travailler et du patronage pour les autres. Sans modifier la nouvelle organisation du travail et les règles du jeu sous-jacentes, la bienfaisance, la philanthropie, le paternalisme industriel et la moralisation de ces classes, considérées comme dangereuses, constituent les meilleurs outils pour régler la question sociale. Les problèmes sociaux étant régulés essentiellement par l’économie et la morale, l’appréhension du social par le droit est marginale, de même que la reconnaissance de droits pour les « pauvres » s’avère difficile. L’avènement du suffrage universel masculin en 1848 bouscule un moment ce cadre conceptuel. En effet, la dépendance économique et sociale de nombre de citoyens est peu compatible avec cette nouvelle liberté politique. Cependant, malgré les débats et propositions, il faudra attendre la IIIe République pour que des réponses juridiques tentent de dépasser cette contradiction.
Afin de sortir des impasses théoriques et pratiques du « droit individualiste », les juristes de la IIIe République ont développé un nouveau cadre conceptuel subsumé sous l’expression de « droit social »[7]. Influencés par la doctrine solidariste, popularisée par L. Bourgeois, et inspirés par la sociologie naissance[8], ils inscrivent le principe de la solidarité dans la philosophie du droit. L’interdépendance de fait entre les hommes, l’existence de phénomènes sociaux qui ne sont pas imputables à une responsabilité individuelle mais découlent du fait même de vivre et de l’organisation de la société ainsi que la volonté de rompre avec l’approche charitable qui dominait, légitiment une résolution juridique des problèmes sociaux qui menaçaient la jeune République. Si le solidarisme est au fondement de l’abondante législation sociale dérogatoire au droit commun qui a été progressivement adoptée, le concept de « droit social » est mobilisé par des juristes soucieux de décrire et d’accompagner les transformations du droit ainsi que les justifications qui les sous-tendent. Chacun s’en emparant à sa manière, Duguit, Hauriou, Saleilles, Gurvitch et bien d’autres contribuent au développement, dans la sphère juridique, d’une nouvelle conception de l’Homme, des rapports sociaux et du droit. Si les approches peuvent partiellement diverger, on retrouve diverses caractéristiques communes systématisées, dans les années 1930 par G. Radbuch. Le droit social « s’adresse, non à l’individu sans individualité, dépouillé de sa spécificité, non à l’individu considéré comme isolé et dissocié, mais à l’homme concret et socialisé»[9]. C’est l’être social qui est le point de départ et de destination du droit. Loin de partir d’une égalité abstraite, il s’agit « de prendre en considération les situations, de protéger les faibles et de limiter l’excès de puissance sociale »[10]. A cette fin, le rapport juridique est conçu « non plus comme une affaire intéressant seulement les personnes qui y participent, mais comme un rapport social »[11], légitimant alors l’Etat à agir positivement (à des degrés variables selon les auteurs) pour mettre en place des outils juridiques de protection. Sous ce vocable de droit social, on retrouve également l’idée d’un pluralisme des sources du droit, d’un droit qui se génère spontanément dans les « entrailles de la société »[12], avant d’être repris par des instances institutionnelles. Cette vision insiste sur la nécessité, pour les gouvernants, de prendre en compte les exigences de la « conscience sociale». Elle souligne l’importance des corps intermédiaires entre l’individu et l’État, ainsi qu’entre salariés et employeurs, dans l’organisation générale de la société. De nouveaux concepts, comme celui d’Institution (Hauriou, Le Fur, Renard), « de faits normatifs » (Gurvitch), ou de « droit objectif » (Duguit) permettent de penser le « nous »[13] dans la sphère juridique et de réguler, par le droit, les rapports sociaux issus d’une société industrialisée et de plus en plus complexe. Même si ces différentes théories ont toutes buté sur des impasses théoriques et si le concept de droit social a été oublié au profit d’une approche plus technique, il a néanmoins permis de conférer une justification théorique à la possibilité d’appréhender juridiquement des phénomènes qui étaient abordés dans le cadre inadapté du droit civil ou relégués, hors du droit, dans le champ de la morale.
Mettre en évidence le clivage qui sépare l’approche essentiellement morale et économique du social (I), d’une démarche qui renouvelle les fondements et les techniques du droit et fait, de la mobilisation d’outils juridiques divers, le moyen de résoudre la question sociale (II), est une voie pour tenter de dégager les degrés et les formes de juridicisation du social et pour s’interroger sur les difficultés à penser les solutions apportées aux problèmes sociaux en termes de droits de l’Homme.
La difficile juridicisation du social dans le cadre conceptuel du « droit individualiste »
Dans le cade conceptuel du « droit individualiste », l’assistance, seule protection accordée aux « indigents » sans travail, est conçue majoritairement comme un devoir moral de la société ce qui rend problématique la reconnaissance de droits pour les destinataires (A). La conception restrictive du devoir de la société envers les plus pauvres limite également le développement de dispositifs juridiques en charge de traiter la question sociale (B).
A. Un devoir moral de la société
Si les auteurs des XVIIIe et XIXe siècles sont nombreux à reconnaître un devoir de la société à l’égard des pauvres, seuls les révolutionnaires affirment et consacrent, en 1793, un droit individuel à l’assistance (1). Cette reconnaissance, surprenante dans le cadre conceptuel du « droit individualiste », ne sera qu’une brève parenthèse et l’approche en terme de droit de l’Homme abandonnée dès l’an III (2).
L’exception révolutionnaire : la reconnaissance d’un droit individuel à l’assistance
Entre 1789 et 1793, l’idée que l’« homme pauvre »[14] a droit à l’assistance, en contrepartie du droit de propriété qu’il ne peut exercer en pratique, devient consensuelle. Les travaux du Comité de mendicité de la Constituante, dirigés par le duc de Liancourt et devenus une référence théorique, ont beaucoup contribué à cette reconnaissance. Pour le Comité, « tout homme a droit à sa subsistance »[15]. Appréhendé comme un droit universel, appartenant à tous les hommes vivant en société en tout temps et en tout lieu, les révolutionnaires le conçoivent comme « un véritable droit de l’homme »[16]. La subsistance étant le minimum nécessaire pour avoir la possibilité de vivre, la pensée juridique des révolutionnaires part donc, en matière d’assistance, de « l’homme situé » et non de l’homme abstrait. La prise en compte des inégalités de fait justifie la consécration d’un droit, en pratique, spécifique aux classes pauvres. Ainsi, cette conception s’apparente partiellement au cadre conceptuel du « droit social », puisqu’elle s’intéresse à la nature même du fait social. Elle semble mettre de côté le postulat selon lequel tous les hommes sont égaux permettant un traitement du problème de la pauvreté par le droit. Refusant de regarder ces secours comme un simple « bienfait » ou comme une « aumône », les membres de ce Comité attachaient une grande importance à la consécration juridique de ce droit de l’homme. C’est la raison pour laquelle ils insistaient pour que le droit à la subsistance, « vérité fondamentale de toute société »[17], soit inscrit dans la Déclaration des droits de l’homme et à la « base de toute loi »[18]. Le respect de ce droit relève, dans l’esprit des membres du Comité, d’une « dette inviolable et sacrée »[19]de la société qui doit veiller à ce que chacun de ses membres ait les moyens de subsister. Tout en réaffirmant le devoir traditionnel du riche envers le pauvre[20], ils estiment que l’assistance est un « devoir social »[21] ouvrant ainsi la possibilité d’un traitement collectif de la pauvreté. Ce devoir étant aussi « sacré que celui de veiller à la conservation de la propriété du riche »[22], la protection des plus pauvres doit être nationale. L’intervention de l’Etat est donc nécessaire. Pour les membres du Comité, il est tenu d’agir juridiquement pour honorer cette dette de la société. Malgré l’anachronisme de cette notion, ils préconisent l’instauration d’un « service public » national d’assistance. En effet, leurs divers projets de décrets organisent des secours prompts et certains, sur tout le territoire, pour les indigents qui remplissent les conditions fixées. Le coût qu’engendre un tel service est une charge nationale et relève donc d’un financement public prévu par la législation. Enfin, pour que ce droit soit effectif, les décrets aménagent des moyens de recours donnant ainsi un droit d’exiger à des individus qui, dans le cadre conceptuel du « droit individualiste », ont plutôt la possibilité de quémander. Après d’autres[23], le Comité des secours publics, qui fait suite au Comité de mendicité, réaffirme cette doctrine tout en prévoyant l’organisation de secours publics.[24]
Si l’existence d’un droit à la subsistance a été rapidement admise en principe, la doctrine du Comité a été plus difficile à adopter dans des textes normatifs. Les constituants de 1791 ne reprennent ni l’expression de « dette de la société », ni la formulation d’« un droit à la subsistance ». Ils se contentent d’affirmer un engagement à créer un établissement général de secours publics[25]. Or, pour M. Borgetto, si cette reconnaissance conduit à reconnaître un devoir de la société, elle a « pour fonction de nier tout droit individuel »[26]. Toutefois, l’année suivante, le principe selon lequel « le pauvre a droit à une assistance nationale »[27] est consacré, pour la première fois, dans une norme juridique même si ce n’est que dans l’exposé des motifs. Mais, comme le souligne D. Roman, cette proclamation ne peut atteindre « la précision d’un droit subjectif, opposable à l’Etat, puisque les textes le reconnaissant n’instaurent qu’un système aléatoire de distribution des secours »[28]. Ce seront les révolutionnaires de 1793 qui transposeront, en droit, la doctrine du Comité de mendicité. Même si elle ne sera jamais réellement appliquée, la Constitution de 1793 dispose, dans son article 21, que les « secours publics sont une dette sacrée » et que « la société doit la subsistance aux citoyens malheureux». En corollaire de ce devoir, l’accès à des secours publics est érigé au rang des droits de l’homme à garantir au même titre que la liberté, la propriété, le libre exercice des cultes ou encore le droit de pétition[29]. Soucieux que ce droit à l’assistance soit suivi d’effets, les révolutionnaires complètent cette consécration par une législation importante qui organise un « service public » d’assistance et met en place des voies de recours. A titre illustratif, les décrets du 19 mars 1793[30] et du 28 juin 1793[31], précisent les autorités obligatoirement chargées d’organiser le service, les financements et péréquations, les moyens d’exécution des secours ou encore les institutions qui doivent être créées. Ils fixent les principes et organisent une assistance systématique pour les « citoyens malheureux » qui remplissent les conditions. Si certains présupposés « du droit individualiste » partagés par les révolutionnaires viennent limiter la portée de ce droit et le rôle de l’État pour apporter des solutions juridiques aux problèmes sociaux (voir infra), force est de constater qu’un droit individuel à l’assistance opposable à l’administration, a été consacré, en 1793, dans des textes normatifs.
En pratique, la guerre et l’insuffisance des ressources rendent difficile l’application de ce droit. En outre, cette législation novatrice est abrogée dès l’an V[32] en même temps que l’idée d’une organisation par l’autorité publique d’un système général de secours. Au droit de l’individu garanti par l’Etat succède un devoir moral qui incombe à tous.
La contestation majoritaire d’un droit à l’assistance au XIXe siècle
La constitutionnalisation du droit à l’assistance est remise en cause par les constituants de l’an III (1795)[33]. Le refus de reconnaître un droit individuel sera, par la suite, majoritaire. Delecloy, par exemple, rapporteur du projet de décret relatif à l’organisation des secours publics, utilise l’expression de « droit à la bienfaisance nationale »[34] mais dénie tout droit positif à l’assistance opposable à l’administration et ne prévoit donc aucune voie de recours. Au XIXe siècle, le Baron de Gérando, l’un des fondateurs du droit administratif[35] et auteur influent, concède que l’existence de « droits sacrés » pour les indigents est « une vérité qui n’a pas besoin de démonstration »[36]. Mais, ce droit au secours est conçu comme « essentiellement un droit moral »[37]. Par l’ajout de ce qualificatif, il s’agit de signifier qu’il n’est pas de même nature que « le droit à être respecté dans sa vie, sa liberté, ses biens, son honneur »[38]. Ce droit est considéré comme « moins positif, moins rigoureux, moins absolu »[39] car il ne permet pas de requérir et d’exiger mais juste de solliciter et d’espérer.[40] Tout au long du XIXe siècle, ne subsistent donc qu’une simple obligation morale de soulager et une critique virulente des doctrines qui défendent l’existence d’un tel droit car « avec le droit positif attribué à l’indigence d’obtenir des secours déterminés, commence l’abus »[41]. En 1848, malgré la reconnaissance d’un droit en faveur des « citoyens nécessiteux » dans les premiers mois de la République, et notamment dans le premier projet de Constitution[42], il n’est finalement pas consacré dans la norme suprême. Par la suite, il est rejeté par les commissions en charge de l’assistance[43].
Si les individus n’ont aucun droit au secours, le devoir de la société continue d’être défendu en doctrine[44]. Des auteurs contemporains du paupérisme estiment que la société, ayant une part de responsabilité dans ce phénomène, est tenue « de réparer les maux qu’elle fait subir »[45] à ses membres les plus fragiles. Toutefois, l’affirmation de ce devoir, critiquée dès la révolution[46], ne fait pas l’unanimité. Les hésitations[47] – si ce n’est le refus[48] – chez les auteurs libéraux, à consentir un tel devoir visent à mettre en garde contre l’idée d’une intervention obligatoire de l’État qui peut découler de cette reconnaissance. En pratique, ces diverses théories divergent peu sur le fond. Même quand ce devoir est admis en principe, il ne s’agit que d’un simple devoir de bienfaisance à la charge de tous. De Delecloy à Thiers, le pauvre « n’a droit qu’à la commisération générale »[49] et « à la sympathie de la classe aisée »[50]. Adoptant les présupposés individualistes, ces auteurs partent de l’idée que l’individu doit d’abord ne compter que sur lui-même et sur sa famille. Ce n’est qu’en cas de misère justifiable et justifiée qu’il peut être secouru prioritairement par la charité privée. L’État, dont le degré d’intervention est variable selon les auteurs, n’est donc qu’un acteur parmi d’autres. Si Delecloy soutient encore que l’État doit être le « principal moteur »[51], nombre d’auteurs au XIXe siècle estiment qu’il doit agir à titre subsidiaire en cas d’urgence ou de défaillance manifeste de l’initiative privée. Son action est discrétionnaire, c’est-à-dire qu’il est libre « de faire ou de ne pas faire »[52]. Aucune organisation de secours systématiques reposant sur des financements publics, à l’image du système anglais de charité légale ou de la doctrine du Comité de mendicité, ne doit être instituée car cela conduirait à accroître la pauvreté, le vice et l’imprévoyance, mais également à alourdir la dette publique. Le devoir de la société, quand il est reconnu, se résume donc à un simple devoir d’humanité diffus.
Cette conception explique la faible réception normative de ce devoir de la société. Il n’est plus affirmé dans une Constitution depuis l’an III alors même que les « obligations de chacun » envers la société sont énumérées[53]. Au début du XIXe siècle, on retrouve l’utilisation de ce principe dans des circulaires du Ministre de l’Intérieur : celle, par exemple, du 2 prairial an VIII de L. Bonaparte dispose que le soin de pourvoir aux besoins des hospices est « une dette nationale »[54], tandis que celle de Chaptal de nivôse an X indique que « donner aux seuls nécessiteux, c’est s’acquitter d’un devoir envers l’humanité, c’est payer la dette de la société »[55]. Mais, si elle témoigne de l’existence d’une intervention étatique, cette reconnaissance n’implique guère une obligation d’action pour l’État. En 1848, ce devoir n’est réaffirmé que dans le Préambule[56]. Et malgré l’ampleur de la Révolution et des aspirations, l’état du droit évoluera peu.
Alors que les révolutionnaires rêvaient d’affranchir les individus de tout lien de dépendance en accomplissant un acte de justice, l’assistance, au cours du XIXe siècle, prend la forme de la charité qui place l’assisté en position de subordination vis-à-vis du donateur. Loin d’être un droit, elle est une aumône entendue de manière restrictive.
B. Un devoir d’assistance a minima
Dans le cadre conceptuel du « droit individualiste », l’assistance est divisée en trois branches : le travail, la prévoyance et les secours. A eux seuls, ils sont supposés résoudre la question sociale. Les obligations morales de travailler et d’être prévoyant restreignent la dette de la société à l’égard de la population dans le besoin (2). Fournir la subsistance aux « bons pauvres » est in fine le seul devoir qui pèse sur la société (1).
Un devoir limité à la subsistance des « bons pauvres »
Dès la révolution française, les bénéficiaires des secours sont strictement définis. Il y a, sur ce point, peu d’évolution par rapport à l’Ancien régime. Reprenant les catégories de l’ « handicapologie »[57], les personnes concernées, qui doivent justifier d’un domicile de secours, sont essentiellement les malades, les vieillards, les infirmes, les enfants abandonnés et les familles nombreuses « où un grand nombre d’enfants ne peut prendre part encore au travail de leur père »[58]. Plutôt que par l’énumération des catégories d’indigents, les bénéficiaires de secours peuvent également être déterminés en fonction de leur situation. Une circulaire de Chaptal[59], par exemple, précise que les secours peuvent être accordés aux individus dans l’« état de pauvreté », c’est-à-dire à « tous ceux qui manquent de travail par la force des circonstances ou qui sont chargés d’une famille trop nombreuse pour que le chef puisse fournir à ses premiers besoins » ; à ceux dans l’« état d’infirmité » c’est-à-dire à « tous ceux que des infirmités passagères empêchent de se livrer au travail et qui n’ont aucun autre moyen d’existence » ; et enfin, à ceux dans l’« état d’abandon » c’est-à-dire « tous ceux que l’âge ou des infirmités incurables rendent inhabiles à un travail capable de les faire vivre ». Cette approche restrictive s’explique en grande partie par le fait que l’indigence est majoritairement appréhendée comme une situation résultant d’une conduite dont l’individu est responsable. La question de secourir, ou non, les pauvres s’inscrit dans les catégories du droit civil qui permettent de distinguer entre les « bons » et les « mauvais » pauvres : d’un côté les pauvres, dont les conditions d’existence ne sont pas imputables à une faute, ne sont pas condamnables et ont accès à l’assistance tandis que, de l’autre, les pauvres qui préfèrent l’oisiveté au travail ou les dépenses inutiles à la prévoyance sont irresponsables et ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes.
A la stricte détermination des bénéficiaires se superpose la limitation du contenu de l’assistance. Cette dernière se résume essentiellement à pourvoir à la subsistance c’est-à-dire à subvenir uniquement aux premiers besoins qu’ils soient alimentaires ou médicaux. En effet, les membres du Comité de mendicité estimaient déjà que « l’homme secouru par la Nation » doit « se trouver dans une condition moins bonne que s’il n’avait pas besoin de secours et qu’il pût exister par ses propres ressources »[60]. L’aide est ainsi limitée à ce qui est strictement nécessaire pour pouvoir survivre car toute « assistance superflue », conduit à « la destruction des mœurs, de l’amour du travail »[61], au désordre et in fine à augmenter la pauvreté. Cette limitation initiale est accentuée, au XIXe siècle, par la nature des secours. En effet, suivant les recommandations du Comité de mendicité, la législation révolutionnaire s’est attachée à fixer des pensions dont le montant maximum était, à chaque fois, précisé. Une fois cette conception remise en cause, les aides en nature sont préférées. Chaptal, par exemple, précise que l’aide doit se borner, pour les personnes dans l’état de pauvreté, « à la seule distribution en nature des objets qui peuvent remplir les besoins : le pain, la soupe, les vêtements et les combustibles, sont seuls dans ce cas » ou encore, à procurer aux infirmes « les secours de l’art, les remèdes et les aliments nécessaires »[62]. Les pauvres étant considérés comme des êtres peu responsables, il s’agit ici d’éviter que les aides ne soient utilisées à autre chose qu’à la satisfaction des besoins primaires. De même, l’assistance est limitée par les moyens mis à disposition pour organiser des secours. Depuis la tentative avortée des révolutionnaires de réorganiser complètement la matière en prévoyant notamment un budget annuel pour couvrir ces dépenses[63], l’approche est sectorielle et les ressources ponctuelles et aléatoires. De fait, au cours du XIXe siècle, la charité privée est la principale pourvoyeuse de secours[64]. L’autorité publique intervient essentiellement pour contrôler cette initiative privée[65].
A cette époque, les moyens d’assistance sont donc loin de répondre aux besoins. La place centrale accordée aux devoirs moraux de chacun dans le cadre conceptuel individualiste rend, de surcroît, difficile le développement de techniques et d’institutions permettant d’endiguer l’expansion de la misère.
Un devoir limité par les devoirs de chacun
Le devoir de la société en matière d’assistance s’arrête à l’obligation faite à chacun de travailler et d’être prévoyant. Déjà présentes chez les révolutionnaires, ces limites s’expliquent par le postulat selon lequel chaque individu, doit, par ses propres moyens, accéder à la sécurité économique et sociale.
Pour ceux qui n’ont pas de propriété, le travail constitue donc le premier moyen de pouvoir accéder à cette sécurité. Ce présupposé explique la dichotomie séculaire entre individus capables et incapables de travailler qui continue de cliver le champ social de nos jours. Alors que l’invalide peut bénéficier d’une assistance, « l’indigent valide n’a droit qu’au travail »[66]. Ce point de vue fait quasiment l’unanimité, y compris chez les révolutionnaires. La doctrine du Comité de mendicité spécifie bien que, l’homme qui ne travaille pas alors qu’il le pourrait « se rend coupable vis-à-vis de la société »[67]. Pour Liancourt, « si celui qui existe a le droit de dire à la société : faites-moi vivre, la société a également le droit de lui répondre : donne-moi ton travail »[68]. Se posent alors les questions de l’accès au travail et du chômage, même si cette notion est inventée au début du XXe siècle[69]. Le Comité de mendicité prévoit l’intervention limitée de l’État en période extraordinaire à cause de « calamités » et lorsque « la rigueur des saisons interrompt le travail »[70]. Il s’oppose toutefois à ce que l’État s’occupe de procurer du travail à tous ceux qui en manquent, car une telle action risque d’encourager la paresse et d’entraver le développement économique. Influencés par les nouveaux principes de l’économie politique, les membres du Comité pensent que la liberté, la destruction de l’organisation traditionnelle du travail et l’influence générale de l’Etat sont suffisantes pour permettre à tous de travailler[71]. La doctrine révolutionnaire porte ainsi en elle une contradiction ou en tout cas deux conceptions de l’État qui seront par la suite opposées : l’État providence ou social pour les indigents ayant un handicap reconnu et l’État minimum ou libéral pour les autres. Nul ne sait comment cette contradiction aurait été surmontée si, en matière d’assistance, ses thèses avaient pu être mises en œuvre dans la durée. Il reste que, de Liancourt à Thiers, en passant par Delecloy et Duchâtel, le meilleur moyen pour lutter contre la pauvreté est que l’État n’intervienne pas dans le marché du travail, si ce n’est par son influence générale. Le résultat est que les pouvoirs publics ne sont pas tenus de fournir du travail ou de l’organiser. Le « droit au travail », même s’il a été discuté et proclamé au début de la révolution de 1848, n’a jamais été adopté[72]. L’obligation pèse donc sur le seul pauvre valide. L’autorité publique se voit reconnaître la possibilité d’aménager des travaux ponctuels uniquement dans certaines situations exceptionnelles comme des crises de l’industrie ou des catastrophes naturelles. Mais, elle n’est tenue par aucune obligation. Au contraire, ce recours à l’assistance par le travail doit être imprévu et utilisé avec parcimonie. En effet, l’idée qui domine est que l’intervention de l’État conduit les pauvres à se décharger de leur responsabilité de chercher un travail et aggrave, ainsi leur penchant pour l’imprévoyance et la fainéantise. Malgré le développement du paupérisme et la prise de conscience d’un changement nécessaire par certains, la IIe République écarte la possibilité d’organiser autrement le marché du travail.
Le second moyen d’assurer la sécurité économique et sociale réside dans le devoir de prévoyance volontaire défendu également par le Comité de mendicité[73]. Cette obligation morale pèse sur chacun et « l’ouvrier qui peut être prévoyant, a dans ses mains son propre bien-être »[74]. Pour cela, il doit apprendre à économiser « pour supporter les charges de l’avenir »[75], comme les aléas de la vie, et gagner ainsi son indépendance. L’épargne est conçue comme une « vertu » qui, en garantissant le bien être individuel, peut servir l’intérêt commun, en diminuant le nombre de personnes qui ont besoin de secours. Mais encore faut-il avoir les moyens de pouvoir prélever sur ses revenus disponibles une part pour l’avenir. Les classes pauvres, qui constituaient la majeure partie de la population française, ne le pouvaient pas, dans la plupart des cas. Face à l’ampleur des problèmes occasionnés par le paupérisme, l’épargne individuelle et volontaire s’avérait donc insuffisante. D’où le développement, en parallèle des sociétés de secours mutuels[76] qui permettent une prévoyance collective tout en restant volontaire. Les membres de ces sociétés paient des cotisations en échange desquelles ils sont assurés en cas de maladie, ou d’autres accidents déterminés. Toutefois, ces cotisations ne doivent pas être obligatoires au risque de perdre leur vertu moralisatrice. Interdites par la loi le Chapelier, ces sociétés continuent de fonctionner clandestinement avant d’être tolérées et même encouragées[77] tout en étant soumises à un étroit contrôle des forces de l’ordre et encadrées par des notables. D’où le développement également du « patronage patronal »[78] dans la deuxième moitié du XIXe siècle qui, s’il vise avant tout à favoriser une certaine stabilité du personnel, poursuit également des fins philanthropiques tendant à améliorer les conditions de vie des ouvriers[79]. Loin d’être un droit, cette protection n’est que le résultat d’un acte unilatéral de bienveillance et de générosité du patron entretenant le rapport de dépendance de l’ouvrier.
L’essor des caisses d’épargne ou des sociétés de secours mutuels, ainsi que, dans une moindre mesure, du paternalisme industriel, constitue les prémisses d’une évolution du droit et des moyens juridiques mis en œuvre pour résoudre l’inquiétante « question sociale ». Il témoigne donc des limites d’une conception individualiste du droit qui exclut, en théorie, les corps intermédiaires, à l’exception de la famille, qui postule que la liberté de l’individu est suffisante pour assurer, à tous, une vie décente et qui n’accorde, le plus souvent, que la charité aux exclus de la nouvelle organisation de la société. Victime de ces brèches successives, le droit individualiste cède finalement la place à une conception renouvelée, portée par les thèses solidaristes.
La juridicisation du social réalisable dans le cadre conceptuel du « droit social »
La dimension sociale de la IIIe République s’étend bien au delà de la traditionnelle assistance « puisqu’elle tend à protéger l’individu à la fois dans la totalité de son existence et dans la pluralité de sa position d’homme situé »[80]. De nouvelles disciplines se sont développées, à côté du droit civil, pour rendre compte de l’état d’une législation qui déroge, dans nombre de secteurs, au droit commun et modifie les pratiques antérieures. Le développement d’un nouveau cadre conceptuel permet de justifier, mais également de décrire, ces évolutions juridiques. Des droits, que l’on qualifie aujourd’hui de sociaux, sont reconnus pour des catégories de personnes toujours plus vastes et dans des secteurs variés (A). Par ailleurs, des outils juridiques innovants sont expérimentés pour leur conférer une certaine effectivité (B).
Des droits sociaux étendus
L’approche en terme de protection de l’individu rend possible une ample juridicisation du social (1). Ce constat établi, demeure une interrogation majeure portant sur la nature des droits reconnus aux individus (2).
De l’assistance à la protection de l’individu
Une fois la République solidement installée, le législateur s’est attaché à réaliser en partie le programme de la Révolution en matière d’assistance. A la fin du XIXe siècle, la conception individualiste peut encore être partagée, par certains[81], mais l’idée que l’assistance relève d’un devoir social, fondé sur le principe de solidarité, finit par l’emporter. L’interdépendance entre les hommes impose de venir au secours de ceux qui en ont besoin. A partir du Congrès international de l’assistance publique de 1894, le principe selon lequel l’État doit intervenir à titre principal pour fournir le minimum devient consensuel[82]. En effet, il est admis que seule l’administration a suffisamment d’autorité, de continuité et de ressources pour organiser cette assistance. Revenant sur l’idée que l’initiative privée serait suffisante, ce constat conduit à reconnaître le principe de l’intervention obligatoire de l’autorité publique en matière d’assistance. Une législation va être progressivement élaborée encodant ces postulats dans le droit. La loi du 15 juillet 1893 relative à l’assistance médicale gratuite vise à garantir des soins médicaux et pharmaceutiques pour les malades français privés de ressources. J. Barthélemy fait remarquer que « l’admission des « privés de ressources » marque une date capitale dans l’histoire de l’assistance »[83], car elle étend largement le champ des bénéficiaires. Pour leur permettre un accès à des soins médicaux sur tout le territoire, le principe de l’obligation pour les autorités locales de mettre en place un service médical est inscrit dans la loi car, sans lui, « il est impossible d’organiser l’assistance médicale dans les campagnes »[84]. Etant exclus de cette législation, la situation des vieillards et incurables est prise en charge par la loi du 14 juillet 1905. Elle met fin au système de secours facultatifs qui prévalait et qui conduisait nombre d’individus à devoir être condamnés pour mendicité afin d’être acceptés dans les dépôts et, ainsi, ne pas mourir de faim ou de froid. Elle garantit le minimum indispensable pour vivre aux vieillards de plus de 70 ans et infirmes qui remplissent les conditions. Cette organisation obligatoire des secours s’étend également aux enfants[85], aux femmes en couches[86] et aux familles nombreuses[87]. A la veille de la première guerre mondiale, un vaste service d’assistance obligatoire pour ceux qui ont des ressources insuffisantes est donc mis en place par la loi. Les secours ne relevant plus de la simple vertu, ces législations témoignent du changement de perspective intervenu sous la IIIe République et de la nécessité d’élaborer un nouveau cadre conceptuel en mesure de justifier le principe de l’obligation.
Le renouvellement des conceptions rend également possible une intervention publique qui ne vise plus uniquement à assister les plus pauvres, mais également à protéger les plus faibles. Les enfants sont les premiers concernés[88]. La loi du 24 juillet 1889 innove en protégeant une nouvelle catégorie identifiée : « les enfants maltraités ou moralement abandonnés ». A cette fin, la déchéance de la puissance paternelle, pourtant sacrée dans la conception individualiste, peut être prononcée par les tribunaux. Cette volonté « de protéger les individus socialement faibles »[89] trouve un terrain de prédilection dans le monde du travail. Les nombreuses luttes ouvrières et le souci d’améliorer la sécurité et le sort des travailleurs conduisent l’État à intervenir dans les rapports entre employeurs et salariés. Enfants et femmes font l’objet d’une législation spécifique en fixant des âges d’admission au travail[90], en réglementant le temps de travail[91] ou encore en prévoyant un repos après l’accouchement dédommagé par des allocations journalières[92]. Cette législation protectrice, dont on aperçoit quelques prémisses avant 1870[93], se développe rapidement et tend à englober l’ensemble des travailleurs[94]. La législation ouvrière s’attache à combler les lacunes du code civil et conduira à l’élaboration d’un code du travail[95] qui vise, selon P. Deschanel à conférer un « droit nouveau » en accord avec le « monde nouveau »[96] qui se développe. Les lois du 20 juin 1936, qui institue les congés payés, et du 21 juin 1936, qui limite le temps de travail hebdomadaire à 40 heures, constituent une étape supplémentaire dans la protection de l’individu. En rendant possible un épanouissement personnel en dehors du travail, elles cherchent à promouvoir « une vie véritablement humaine »[97]. Il convient d’ajouter que l’organisation de la protection ne s’arrête pas au monde du travail. Toute une législation, fondée également sur le principe de solidarité sociale, se développe en matière de santé[98] ou encore de logement social[99]. L’action du législateur tend donc à améliorer les conditions de vie de catégories de personnes toujours plus nombreuses. En revanche, l’évolution des conceptions ne concerne pas les mendiants valides et les vagabonds. Assimilés à des criminels et considérés comme dangereux pour l’ordre social, l’approche pénale continue de prévaloir[100].
La consécration de droits individuels en matière sociale ?
Si toutes les lois adoptées ne confèrent pas un droit individuel aux bénéficiaires, comme c’est le cas en matière de santé publique ou de logement, nombreuses sont celles qui consacrent un tel droit. La législation protectrice du travail en fixant des obligations, en instaurant des mécanismes de contrôle et des possibilités de recours devant des tribunaux[101] garantit, par exemple, des droits individuels aux salariés. Il en va de même en matière d’assistance. Comme le soulignent H. Derouin et A. Gory, quand un régime d’assistance obligatoire est organisé et que des moyens de recours sont mis en place pour permettre à celui qui remplit les conditions d’obtenir le secours qui lui a été refusé, « on dit alors que l’assistable est investi du droit au secours »[102]. Or, force est de constater que les diverses lois en matière d’assistance instaurent un tel système. Même si l’idée qu’elle entérine un droit individuel est contestée[103], la loi de 1893, contient les éléments constitutifs d’un droit : obligation d’organiser l’assistance, automaticité du paiement des secours une fois inscrit sur la liste d’assistance, moyens de recours contre la non inscription sur cette liste. Quelques années plus tard, les parlementaires admettent largement ce droit à l’assistance pour les vieillards, les infirmes et les incurables privées de ressources. Si la loi de 1905 ne reprend pas l’expression « a le droit à », mais utilise le terme « reçoit » comme dans la loi de 1893 (formule néanmoins impérative), il est considéré comme acquis « que l’individu qui remplit les conditions légales a le droit d’être assisté »[104]. Comme le souligne Mirman, il s’agit de permettre aux bénéficiaires de se présenter « la tête haute », de ne plus quémander mais de demander l’application de la loi et de faire, en tant « qu’hommes et citoyens libres, valoir [leur] droit »[105]. Toute personne, qui remplit les conditions définies, peut demander son inscription sur la liste et contester la décision de refus. Cette législation témoigne du consensus qui s’est progressivement dégagé « sur l’attribution objective d’un droit individuel opposable aux pouvoirs publics »[106].
Contemporaine des évolutions de la législation et des conceptions, la doctrine publiciste s’est attachée à élaborer un nouveau langage juridique en mesure de les appréhender et de les systématiser. Influencée par le positivisme d’Auguste Comte, elle n’aborde pas les différents droits reconnus aux individus sous l’angle de droits de l’Homme qui existeraient antérieurement à l’intervention du législateur et qui se justifieraient « uniquement par la valeur de l’individu humain »[107]. Hauriou explique, par exemple, qu’« un droit ne naît jamais d’un principe unilatéral, il ne se réalise que dans un ensemble social et dans un équilibre pratique»[108]. En effet, un « droit individuel, ou d’une façon plus générale ce qu’on appelle la revendication sociale »[109], n’est reconnu fondé par la société que « lorsque les intéressés se montrent prêts à sacrifier, pour l’obtenir, leur vie ou, tout au moins, leurs biens »[110]. Ainsi, le « régime d’État » garantit un droit individuel à la condition que l’individu le demande et qu’il court un risque « destiné à fournir la preuve de la nécessité »[111]. Duguit, quant à lui, rejette les doctrines de droit naturel et la notion de droit subjectif[112] car il soutient qu’elles reposent sur des présupposés métaphysiques[113]. Considérant le droit comme un « fait social », il reconnaît l’existence d’un « droit objectif » qui peut être observé. Puisque toute société ne peut exister si les individus qui la composent ne sont pas « soumis à une certaine discipline, à une règle qui s’impose à eux impérativement et dont l’exécution est socialement garantie »[114], la vie sociale engendre des règles sociales. Ces règles deviennent des règles de droit « quand pénètre dans la conscience générale des individus composant une nation, cette idée qu’il est légitime que cette règle soit socialement sanctionnée »[115]. Le droit objectif existe donc « indépendamment des lois positives nationales »[116], même s’il constate que, dans les Etats modernes, ces deux aspects coïncident quoique de manière toujours incomplète. Partant de ces postulats et soulignant l’absence de constitutionnalisation des droits individuels[117] et de contrôle de constitutionnalité des lois, ces auteurs expliquent que le législateur est libre d’organiser la protection même s’il doit tenir compte des attentes de la « conscience sociale ». Les individus n’ont aucun pouvoir pour obliger le législateur à agir. Duguit soutient que le seul outil réside dans les élections parlementaires qui, en portant au pouvoir tel ou tel parti, peuvent entraîner un changement de gouvernement et donc de politique et de législation. Il évoque également la possibilité de recourir au principe de la résistance à l’oppression s’« il y a violation du droit, que ce soit en agissant ou en s’abstenant »[118]. Mais comme il l’explique lui-même, l’utilisation d’un tel droit peut conduire à sortir du cadre légal. C’est pourquoi, il sera l’un des seuls à défendre un tel point de vue. Malgré des divergences de conception, Duguit et Hauriou s’entendent sur l’idée que, n’ayant pas de droit a priori, l’intervention du législateur est nécessaire pour que les individus soient placés dans des « situations légales »[119] ou dans des « situations statutaires »[120] « opposables à tous »[121]. Si une décision est contraire à une norme juridique, l’individu a donc une possibilité de recours devant une juridiction. Avec le développement de la responsabilité de la puissance publique, ce recours peut être engagé à l’encontre de l’administration. En effet, une fois reconnus et garantis, les droits individuels sont des facultés irrévocables et non « des facultés qui ne s’exercent que par faveur, tolérance, permission ou concession révocable de l’administration »[122]. Dès lors, « s’il y a un acte de l’administration contraire à [une] loi, tout particulier est armé d’une action pour faire annuler cet acte »[123] par la voie du recours pour excès de pouvoir. En ce sens, l’individu est donc titulaire de droits en matière sociale.
Une des caractéristiques de ces approches est qu’elles ne conduisent pas à reconnaître une différence de nature entre les divers droits consacrés. A titre illustratif, Hauriou explique que les droits individuels, qu’ils s’agissent « de l’aptitude à bénéficier des avantages publics »[124] ou des libertés individuelles, constituent des statuts. Une multitude de statuts existe comme ceux de citoyen, de retraité, d’habitant ou encore d’indigent. Il les analyse comme appartenant à la « famille des droits réels et non point de celle des droits créances »[125], puisque les individus n’ont pas les moyens de contraindre les gouvernants à agir. Pour que les droits puissent être exercés en pratique, ils nécessitent tous l’organisation d’un service, ou l’instauration d’instruments juridiques, par l’autorité publique[126]. Ce n’est qu’une fois le droit concrétisé que les individus, possédant le statut nécessaire, « ont le droit d’en bénéficier »[127]. Les différences entre les divers droits positifs tiennent donc surtout au degré d’organisation du service et aux mécanismes juridiques mis en œuvre pour qu’ils aient un commencement d’effectivité. Dans cette optique, la concrétisation des droits sociaux implique donc le développement d’un arsenal juridique innovant.
C. Des outils juridiques innovants
L’idée s’est progressivement développée que, pour permettre une réelle protection des plus faibles ainsi qu’une régulation plus efficace des rapports sociaux, il fallait inscrire, dans le droit, des outils nouveaux. En se fondant sur le principe de solidarité, la législation s’est donc attachée à substituer, au devoir moral de prévoyance volontaire, une obligation de prévoyance organisée collectivement par le biais d’un certain nombre de techniques juridicisées (1). Par ailleurs, l’institutionnalisation de la défense collective permettant une élaboration pluraliste du droit, et la mise en place de services publics pour organiser en pratique les obligations imposées par la loi, complètent l’arsenal juridique (2).
L’obligation de prévoyance
Le constat de l’existence de risques sociaux et de situations préjudiciables dont les individus ne sont pas forcément responsables, le rejet d’une approche morale, voire religieuse, de l’assistance et la popularité du principe de solidarité ont favorisé l’accord sur la nécessité d’instaurer le principe de l’obligation de prévoyance. Penser la pauvreté comme ne relevant pas uniquement d’une faute personnelle, mais comme résultant également des aléas et des risques engendrés par l’organisation de la société et le fait même de vivre, conduit à envisager de manière radicalement différente les problèmes sociaux et à dépasser le cadre conceptuel du « droit individualiste ». A cette fin, deux techniques principales ont été utilisées : l’indemnisation en matière d’accidents de travail et l’assurance sociale pour les autres risques identifiés. Le procédé assurantiel est, dans les deux cas, mobilisé. En socialisant le risque, il permet de diminuer les coûts individuels et d’organiser un régime de redistribution[128]. La pratique du prélèvement sur les intéressés est très ancienne[129] et se développe au cours du XIXe siècle. Mais en conformité avec les principes de l’époque, l’assurance est facultative et résulte d’un choix individuel. Ici réside l’une des grandes évolutions qui sera à la base d’une approche plus « sociale » du droit.
Les accidents du travail ont constitué un facteur décisif – et bien connu[130] – dans l’évolution des conceptions. Traités avant 1898 dans le cadre du droit civil, la victime de l’accident n’obtenait, en pratique, aucune réparation car, bien souvent, elle ne pouvait imputer une faute à quelqu’un[131]. Cet état du droit accentuait un sentiment permanent d’insécurité chez les ouvriers et était critiqué pour son injustice. En adoptant le principe du risque professionnel, la loi du 9 avril 1898 entérine le changement de conception. Elle garantit, pour des activités énumérées, un droit à être indemnisé en cas d’accident survenu « par le fait du travail ou à l’occasion du travail » à la charge de l’employeur[132]. D’autres risques majeurs pour la condition ouvrière vont être couverts progressivement par la législation solidariste et justifier le développement de l’assurance obligatoire à côté de l’assistance. Après vingt ans de débats et de controverses[133], la loi du 5 avril 1910 pose le principe de la retenue obligatoire partagée afin de garantir un droit à réclamer sa retraite à 65 ans, puis deux ans plus tard à 60 ans. Pour la première fois, un régime de protection sociale non spécifique à une profession[134] est organisé par la loi. Mais il ne concerne que les revenus ne dépassant pas un certain seuil et une jurisprudence de la Cour de cassation en atténua considérablement la portée[135]. Cette assurance sociale obligatoire est étendue, par la loi du 5 avril 1928 (modifiée en 1930) à l’ensemble des risques sociaux : maladie, maternité, invalidité, vieillesse, décès et même chômage en tenant compte des charges familiales[136]. A la veille de la seconde guerre mondiale, l’extension des assurances sociales confère aux travailleurs une certaine sécurité et opère ainsi, « dans la condition des salariés, une révolution tranquille »[137]. Toutefois, alors que la technique de l’assurance sociale peut être universalisée à tous les salariés, seuls les plus pauvres sont concernés, l’assurance restant facultative pour les autres. Il s’agit donc essentiellement d’éviter que des salariés vulnérables viennent grossir les rangs des assistés. Pour les autres, leur sécurité continue de dépendre de leurs ressources et de leurs propriétés. Le cadre conceptuel individualiste n’est donc que partiellement dépassé.
En revanche, l’institutionnalisation de la protection, qui se développe, vient couronner l’émergence d’un droit renouvelé.
L’institutionnalisation de la protection
Le rejet du « laissez faire », la prise en compte des rapports inégaux entre individus, mais également entre groupes d’individus, la volonté, suite aux nombreuses luttes ouvrières, de pacifier les rapports sociaux tout en permettant la prospérité économique et, l’accroissement des besoins tant individuels que collectifs considérés comme fondamentaux, ont conduit à institutionnaliser la protection à travers deux procédés principaux difficiles à justifier dans le cadre conceptuel du « droit individualiste ».
D’une part, l’autorisation des coalitions en 1864 et des syndicats en 1884 dépénalise, et donc facilite, la défense collective d’intérêts communs dans le monde du travail. En considérant les syndicats comme un « complètement nécessaire de la liberté du travail »[138], il devient possible « de faire contrepoids par le nombre à la puissance économique du patronat »[139] et de dépasser les rapports individuels entre employeur et employé permettant ainsi de restreindre les liens de dépendance[140]. Cette organisation des rapports de force, qui marque l’importance reconnue aux groupements d’individus, autorise les salariés à obtenir, par la négociation, des améliorations de leurs conditions de travail. Cet accord entre patrons et ouvriers peut être consigné dans des conventions collectives. Développées dans les faits avant d’être définies juridiquement par la loi du 25 mars 1919, elles constituent une source de droit qui s’impose au contrat individuel. Le principe de la liberté contractuelle, pierre angulaire du « droit individualiste », est donc remis en cause pour les salariés qui ont accepté les termes d’une convention, par le biais notamment de leurs syndicats. La transformation du cadre conceptuel individualiste est donc timide au début du XXe siècle. La possibilité pour le Ministre du travail, depuis la loi du 24 juin 1936, d’étendre les dispositions de la convention collective, et donc de les rendre obligatoires, à l’ensemble des employeurs et employés concernés par cette dernière marque un profond changement du droit et de la manière dont peuvent s’élaborer des normes générales.
D’autre part, la progression des services publics contraste avec le droit antérieur qui privilégiait le développement d’institutions privées. « Indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale »[141], selon L. Duguit, il est devenu manifeste que, dans un certain nombre de domaines, « l’intervention de la force gouvernante »[142] est primordiale pour que le service soit effectivement accompli. A titre illustratif, la garantie, pour tous ceux dans le besoin, d’avoir accès à l’assistance nécessite la création d’un service public pour l’organiser et assurer son fonctionnement. C’est ce à quoi s’attellent les lois de 1893 et de 1905 en désignant l’autorité chargée de la création des services d’assistance médicale gratuite et d’assistance aux vieillards, infirmes et incurables, en déterminant les conditions pour pouvoir bénéficier de cette aide, en précisant l’organisation que doit prendre cette assistance, en indiquant les différentes dépenses qu’engendre un tel service ainsi que les moyens de les financer ou encore, en prévoyant des moyens de recours en cas de contestation. Cette nécessité d’organiser des services publics se retrouve en matière d’éducation ou de santé publique. Les services communaux et les conseils départementaux d’hygiène, qui doivent, depuis 1902, obligatoirement être mis en place, constituent, par exemple des services publics. En matière de logement social, certains juristes, comme H. Biget dans la lignée de Th. Tissier, estiment que les comités de patronage des Habitations à bon marché (HBM) et de la prévoyance sociale, institués dans les départements pour surveiller l’application des lois dans ce secteur, « doivent être considérés comme les organes d’un service public »[143]. La protection des individus implique donc une importante intervention du législateur qui organise l’action des pouvoirs publics en vue de concrétiser un certain nombre de droits sociaux.
A la veille de la seconde Guerre mondiale, la conception du droit et de sa fonction a été considérablement transformée. A la sortie du conflit, les exigences sociales seront plus fortes. Du programme du Conseil national de la Résistance au préambule de la Constitution de 1946, l’objectif sera de réaffirmer les droits proclamés en 1789, de prolonger les libertés et avancées sociales qui ont vu le jour sous la IIIe République, mais également d’en conquérir de nouvelles. La volonté de développer la « démocratie sociale » et d’instituer un système complet de sécurité sociale afin d’assurer, à tous les citoyens, des moyens d’existence, annonce de nouvelles évolutions conceptuelles et l’élaboration d’une législation sociale ambitieuse pour faire vivre en pratique ces nouveaux droits sociaux. Leurs consécrations constitutionnelle et internationale ainsi que le développement des contrôles de constitutionnalité et de conventionalité des lois constituent des étapes supplémentaires dans la juridicisation du social. Mais, alors que des publicistes de la IIIe République aboutissaient à conférer à tous les droits la même nature, une distinction va se généraliser dans la seconde moitié du XXe siècle entre les droits civils et politiques, dits de première génération, et les droits économiques et sociaux, dits de seconde génération. En simplifiant, les premiers seraient des droits individuels justiciables tandis que les seconds davantage des objectifs guidant l’action des pouvoirs publics[144]. Interrogée par le groupe de recherche sur la justiciabilité des droits sociaux dirigé par Diane Roman, cette distinction témoigne de la persistance de luttes autour des droits qui visent à assurer la sécurité économique et sociale des citoyens. Les présupposés concernant le rôle de l’Etat dans la lutte contre les inégalités et la concrétisation de « l’interdépendance sociale », la place de l’économie dans l’amélioration générale de la société ou, la frontière entre droit et morale en matière de protection, conditionnent toujours le degré de juridicisation du social et in fine l’effectivité des droits sociaux.
[1] Pour une étude sur les évolutions de la question sociale de l’Ancien régime à la période contemporaine, v. CASTEL, R., Les métamorphoses de la question sociale, Paris, Gallimard, 1995
[2] Ibid., p. 25
[3] Ibid., p. 257
[4] Ibid., p. 370
[5] LAFORE, R., « La juridicisation des problèmes sociaux : la construction juridique de la protection sociale », Informations sociales, n° 157, 2010, p. 19
[6] CASTEL, R., Les métamorphoses de la question sociale, op. cit., p. 422
[7] Il est important de souligner ici qu’avant de devenir un concept plus technique renvoyant à une branche du droit qui comprend les droits du travail et de la protection sociale, il a d’abord été sollicité dans le cadre d’une philosophie du droit comme un moyen de saisir le sens de l’évolution du droit et de penser un renouveau de ce dernier plus proche de la réalité et permettant de mieux réguler les rapports sociaux. Voir notamment, NIORT, J.-F., « La naissance du concept de droit social en France: une problématique de la liberté et de la solidarité », Revue de la recherche juridique. Droit prospectif, 1994, 3 , p.773 et s.
[8] V. notamment DONZELOT, J., L’invention du social, Paris, Seuil, 1994
[9] RADBUCH, G., « Du droit individualiste au droit social », op. cit., p. 388
[10] Ibid., p. 390
[11] Ibid.
[12] Expression de Durkheim, cité par NIORT, J.-F., « La naissance du concept de droit social en France », op. cit., p. 779
[13] V. en ce sens Le Fur, L., « Droit individuel et droit social : coordination, subordination ou intégration », Archives de philosophie du droit, 1931, p. 285
[14] « Premier rapport du Comité pour l’extinction de la mendicité présenté à l’Assemblée nationale par M. de Liancourt », in Procès-verbaux et rapports du Comité de mendicité de la Constituante (1790-1791), BLOCH, C., TUETEY, A.,Paris, Imprimerie nationale, 1911, p. 328.
Tous les extraits des travaux du Comité de mendicité sont tirés de cette édition. Nous préciserons, dans la suite de l’article, uniquement le nom du rapport et la page correspondante.
[15] « Plan de travail », p. 310
[16] V. la démonstration de M. Borgetto, BORGETTO, M., La notion de fraternité en droit public français. Le passé, le présent et l’avenir de la solidarité, Paris, LGDJ, Bibl. Droit Public, 1993, p. 153
[17] « Plan de travail », p. 310
[18] Ibid. Soulignons que le 3ème rapport s’intitule « bases constitutionnelles du système général de la législation et de l’administration des secours ». Il témoigne de la volonté d’encoder, par le droit, l’organisation d’un tel service.
[19] Ibid. V. également l’article 1er du 3e rapport qui dispose que « l’assemblée nationale déclare qu’elle met au rang des devoirs les plus sacrés de la Nation l’assistance des pauvres dans tous les âges et dans toutes les circonstances de la vie. », Ibid. p. 380
[20] L’assistance est un « devoir strict et indispensable de tout homme qui n’est pas lui-même dans l’état de pauvreté », Ibid., p. 310
[21] «Premier rapport », p. 327
[22] « Plan de travail », p. 309
[23] M. Borgetto énumère l’ensemble des projets qui consacrent un droit à l’assistance et l’existence d’une dette sacrée. Voir, BORGETTO, M., La notion de fraternité en droit public français, op. cit., p. 171 et s.
[24] Le rapport confirme en effet que « tout homme a le droit à la subsistance » et que « l’assistance du pauvre […] est le premier des devoirs imposés par le pacte social ». Il poursuit en expliquant que « c’est uniquement parce qu’ils ont besoin d’assistance, que l’intérêt de la société exige qu’ils soient assistés, que cette assistance est pour elle un devoir », in Rapport sur l’organisation générale des secours publics, et sur la destruction de la mendicité présenté à l’Assemblée nationale au nom du Comité de secours publics par M. Bernard d’Airy le 14 juin 1792, l’an quatrième de la liberté, Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale, p. 7, 8 et 11
[25] V. le titre 1er de la Constitution de 1791.
[26] BORGETTO, M., « L’articulation des droits et des devoirs dans le champ de la protection sociale », RDSS, n°1, 2009, p. 7
[27] Décret du 10 août 1792 qui accorde des secours provisoires aux hôpitaux pour l’année 1792, Voir DUVERGIER, J.-B., Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglements, avis du Conseil-d’État, Paris, A. Guyot et Scribe, T. 4, 2e éd., 1834, p. 291
[28] ROMAN, D., Le droit public face à la pauvreté, Paris, LGDJ, 2002, p. 254-255
[29] Art 122 de la Constitution de 1793 : « La Constitution garantit à tous les Français l’égalité, la liberté, la sûreté, la propriété, la dette publique, le libre exercice des cultes, une instruction commune, des secours publics, la liberté indéfinie de la presse, le droit de pétition, le droit de se réunir en sociétés populaires, la jouissance de tous les Droits de l’homme. »
[30] Décret du 19 mars 1793 concernant la nouvelle organisation des secours publics, in DUVERGIER, J.-B., Collection complète des lois, op. cit., T. 5, 1825, p. 255-256
[31] Décret du 28 juin 1793 relatif à l’organisation des secours à accorder annuellement aux enfants, aux vieillards et aux indigents, Ibid., p. 447-453
[32] Art 12 de la Loi du 7 frimaire an V, in DUVERGIER, J.-B., op.cit., T. 9, 1825, p. 273
[33] Même si ce droit est encore soutenu par certains. Voir par exemple le discours de J. Debry lors de la séance du 16 messidor an III, in Moniteur universel, Réimp, Paris, H. Pion, T. 25, n°289, 1862 p. 151
[34] DELECLOY, Rapport sur l’organisation générale des secours publics, séance du 12 vendémiaire an IV, Bib. Nat., Le 38 1700, p. 12
[35] V. HAURIOU, M., « De la formation du droit administratif français », Revue générale d’administration, 1892, p. 393 ; BERLIA, G., Gérando : sa vie, son œuvre, Paris, LGDJ, 1942, 64 p.
[36] GERANDO, J.-M., De la Bienfaisance publique, Paris, Jules Renouard et cie, T1, 1839, p. 463
[37] Ibid., p. 468
[38] Ibid.
[39] Ibid., pp. 468-469
[40] « Il faut aux malheureux non la ressource des procès, non l’appui des tribunaux et les plaidoyers des jurisconsultes, mais l’affection des cœurs généreux, le patronage de la vertu, les consolations », Ibid. p. 472
[41] Ibid., p. 447.
[42] V. les développements de M. Borgetto in BORGETTO, M., La notion de fraternité, op. cit., p. 286-288
[43] Coquerel, par exemple, estime que reconnaître « ce prétendu droit individuel tournerait au détriment de tous », in « Rapport fait par le citoyen Coquerel au nom de la commission chargée d’examiner le projet de la loi sur l’organisation de l’assistance publique » lors de la séance du 26 février 1849, Annexes au Compte rendu des séances de l’Assemblée nationale, Paris, Panckoucke, T. 8, 1949, p. 73. Pour Thiers, si « une classe entière au lieu de recevoir pouvait exiger, elle prendrait le rôle du mendiant qui demande le fusil à la main. On donnerait occasion à la plus dangereuse des violences » ; in THIERS, De l’assistance et de la prévoyance publique, Rapport présenté au nom de la commission de l’assistance et de la prévoyance publiques le 26 juillet 1850, Bruxelles, Gand et Leipzig, 1850, p. 17-18
[44] Gérando affirme, par exemple, que la bienfaisance publique « figure au premier rang » des devoirs de la société, GERANDO, J.-M., De la Bienfaisance publique, op. cit., p. 498.
[45] Ibid., p. 499
[46] Délécloy ne fait plus référence à une quelconque dette de la société et soutient que « le gouvernement ne doit rien à qui ne le sert pas »[46], in DELECLOY, Rapport sur l’organisation générale des secours publics, op. cit., p. 4
[47] V. Duchâtel qui affirme que les secours ne sont pas donnés « comme une dette », tout en reconnaissant que la charité relève du « devoir impérieux de tous », in DUCHÂTEL, T., De la charité dans ses rapports avec l’état moral et le bien être des classes inférieure de la société, Paris, Alexandre Mesnier, 1829, p. 287 et 302
[48] V. notamment J.-B. Say qui affirme que « la société ne doit aucun secours, aucun moyen de subsistance à ses semblables », in SAY, J.-B., Cours complet d’économie politique pratique, Paris, Chez Rapilly, T. 5, 1829, p. 347.
[49] DELECLOY, Rapport sur l’organisation générale des secours publics, op. cit., p. 4
[50] GERANDO, J.-M., De la bienfaisance, op. cit., p. 467
[51] DELECLOY, Rapport sur l’organisation générale des secours publics, op. cit., p. 4.
[52] THIERS, De l’assistance et de la prévoyance publique, op. cit., p. 17
[53] V. l’article 3 de la Déclaration des devoirs de l’homme et du citoyen de la Constitution du 22 août 1795
[54] Circulaire du 2 prairial an 8 du Ministre de l’intérieur L. Bonaparte ; in Circulaires, instructions et autres actes émanés du Ministère de l’Intérieur ou relatifs à ce département, Paris, Imprimerie royale, T. 1, 2e éd., 1821, p. 99
[55] V. circulaire de Nivôse an 10 du Ministre de l’intérieur, M. Chaptal, aux Préfets ; Ibid., p. 181
[56] V. l’alinéa VIII de la Constitution du 4 novembre 1848. Nous pouvons souligner ici qu’il est fait référence à un devoir de protection et plus à un devoir d’assistance, ce qui témoigne d’une évolution dans les conceptions.
[57] CASTEL, R., Les métamorphoses de la question sociale, op. cit., p. 39 et s.
[58] « 4e rapport du Comité de mendicité », p. 387
[59] V. circulaire du Ministre de l’intérieur, M. Chaptal, aux Préfets de Nivôse an 10 (déc. 1801), Circulaires, instructions et autres actes émanés du Ministère de l’Intérieur, op. cit., T. 1, 2e éd., 1821, p. 179
[60] V. le Premier rapport du Comité de mendicité, p. 330 ou encore Duchâtel qui soutient qu’il « ne faut placer l’ouvrier misérable par imprudence dans une condition aussi douce et agréable que l’ouvrier qui n’a pas failli », in De la Charité, op. cit., p. 298
[61] « Premier Rapport » du Comité de mendicité, p. 330
[62] Circulaire de Nivôse an 10, Circulaires du Ministère de l’Intérieur, op. cit., T. 1, 2e éd., 1821 p. 180. Ou encore la Circulaire Vaublanc de 1815, in , Ibid., 2e éd., T.2, 1822, p. 579
[63] V. notamment VISSOL, T., « pauvreté et lois sociales sous la révolution française 1789-1794 : analyse d’un échec », SERVET, J.-M., in Idées économiques sous la révolution, Lyon, PUL, 1989, p. 298 et s.
[64] Pour une étude sur les différentes initiatives privées entreprises, v. DREYFUS, F., L’assistance sous la seconde République, Paris, E. Cornély et cie, 1907, p. 9 et s.
[65] A titre illustratif, la création de telle ou telle institution doit être autorisée, les membres des bureaux de bienfaisance nommés depuis 1830, ou encore la vente de terrains et le versement de dons et legs, pour leur permettre de remplir leurs missions, approuvés.
[66] GERANDO, De la bienfaisance, op. cit., p. 475
[67] « 1er rapport », p. 328
[68] « Plan de travail », p. 327
[69] TOPALOV, Ch., « Invention du chômage et politiques sociales au début du siècle », Les temps modernes, n° 496/497, p. 53-92
[70] Le Comité prévoit le financement d’ateliers de secours entre le 15 novembre et le 15 février pour fournir du travail aux indigents. V. « 4e rapport », p. 434 et les articles les articles 8 à 14 du projet de décret, Ibid., p. 436
[71] V. notamment 4e rapport », p. 431 et s.
[72] V. notamment ROMAN, D., Le droit public face à la pauvreté, op. cit., p. 177 et s.
[73] « 4ème rapport », p. 454 et s.
[74] THIERS, De l’assistance et de la prévoyance publique, op. cit., p. 137
[75] DUCHÂTEL, De la charité, op. cit., p. 331
[76] Pour une étude sur les sociétés ouvrières de secours mutuels, v. HATZFELD, H., Du paupérisme à la sécurité sociale, Paris, A. Colin, 1971, p. 190-213
[77] V.de REMUSAT, Ch., Du paupérisme et de la charité légale, lettre adressée aux préfets du Royaume, Paris, Jules Renouard, 1840, p. 60
[78] CASTEL, R., Les métamorphoses de la question sociale, op. cit., p. 403
[79] Pour une étude sur les institutions patronales, v. HATZFELD, H., Du paupérisme à la sécurité sociale, op. cit., p. 103-126. V. également GEORGEL, C., « L’économie sociale au Creusot : patronage ou paternalisme », in Les Schneider, le Creusot : une famille, une entreprise, une ville (1836-1960), Paris, Fayard, 1995, p. 318- 331
[80] BORGETTO, M., LAFORE, R., La République sociale : contribution à l’étude de la question démocratique en France, Paris, PUF, 2000, p. 54
[81] V. par exemple Leroy-Beaulieu qui soutient que l’État en étendant son action en matière d’assistance, « supprime, chez celui qui fournit les ressources, la satisfaction morale de les offrir et d’en surveiller l’emploi ; chez celui qui les reçoit, il substitue le sentiment farouche et impérieux du droit au sentiment cordial et doux de l’obligation », in LEROY-BEAULIEU, P., L’État moderne et ses fonctions, Paris, Guillaumin, 1890, p. 312
[82] RENARD, D., « Assistance publique et bienfaisance privée, 1885-1914 », Rev. pol. et management public, vol. 5, n° 2, 1987, pp. 117-118
[83] V. BERTHÉLEMY, H., « Préface de la troisième édition : l’organisation de l’assistance intégrale », in DEROUIN, H., GORY, A., Traité théorique et pratique d’assistance publique, Paris, Sirey, 3e. éd., 1914, p. II
[84] V. note sous la loi du 15 juillet 1893 dans le Recueil Dalloz (D.4.23)
[85] V. loi du 27 juin 1904 relative aux services de l’enfance assistée
[86] V. loi du 15 juillet 1893 et celle du 17 juin 1913 relative au repos des femmes en couches
[87] V. loi du 14 juillet 1913 relative à l’assistance aux familles nombreuses
[88] Le législateur intervient dès 1874 pour organiser la surveillance des enfants placés en nourrice.
[89] RADBRUCH, G., « Du droit individualiste au droit social », op. cit., p. 387
[90] Une loi de 1841, vivement critiquée par les libéraux, avait fixé l’âge d’admission au travail à 8 ans. En 1874, il est augmenté à12 ans.
[91] En 1900, la durée de la journée de travail est fixée à 10h pour les mineurs de plus de 12 ans et les femmes
[92] En 1909, la mère a la faculté de cesser son travail après avoir accouché. Mais il faudra attendre 1913 pour que ce temps de repos devienne obligatoire et qu’une allocation journalière soit accordée sous certaines conditions.
[93] En 1848, la durée de la journée de travail effectif est fixée à 12 heures et en 1851 le contrat d’apprentissage réglementé.
[94] Pour ne prendre que quelques exemples des conditions de propreté, d’éclairage, d’aération ou encore des précautions contre les incendies doivent être respectées sous peines d’amende depuis 1893 ; la durée du travail baisse progressivement pour être fixée à 8h en 1919 ; un repos de 24h le dimanche est imposé en 1906 ; et un service d’inspecteurs, qui disposent du droit d’entrée dans les établissements, est mis en place dès 1875 pour contrôler l’application de cette législation du travail.
[95] Le travail de codification des lois ouvrières a commencé dès 1901. Le premier livre fut adopté par la loi du 28 décembre 1910 et ce travail se poursuivra jusqu’en 1927.
[96] V. DESCHANEL, P., « L’œuvre sociale de la troisième République », Rev. pol et parlementaire, n° 63, 1910, p. 450-451.
[97] Exposé des motifs du projet de la loi du 21 juin 1936 ; cité par CAPITANT, H. et CLUCHE, Précis de la législation industrielle, Paris, Dalloz, 5e éd., 1939, p. 280
[98] La loi du 15 février 1902 vise à améliorer l’hygiène, la salubrité, l’assainissement afin de prévenir la transmission de maladie.
[99] Les lois du 30 novembre 1894 et du 12 avril 1906 s’attachent à promouvoir le développement des HBM (habitation à bon marché)
[100] La loi du 27 mai 1885 prévoit, entre autre, « l’internement perpétuel sur le territoire des colonies » des mendiants et vagabonds condamnés plusieurs fois. L’objectif est de les exclure du corps social.
[101] V. loi du 27 mars 1907 concernant les conseils des prud’hommes
[102] DEROUIN, H., GORY, A., Traité théorique et pratique d’assistance publique, op. cit., p. 6
[103] V. note sous la loi du 15 juillet 1893 au Recueil Sirey, S.4.1894, p. 23, 27 et 28
[104] V. note sous la loi du 14 juillet 1905 au Recueil Sirey, S.4.1906, p. 126
[105] MIRMAN, L., « Une loi de solidarité sociale », Rev. pol et parl., n° 37, 1903, p. 54
[106] BORGETTO, M., La notion de fraternité, op. cit., p. 441
[107] HAURIOU, M. , Les principes de droit public, Rec. Sirey, 2e éd., 1916, p. 492
[108] Ibid.
[109] Ibid., p. 498
[110] Ibid.. Il précise que, si les bénéficiaires de ces droits « désertent ce que Ihering appelle la lutte pour le droit et ce que nous appelons le risque pour le droit, leur droit est perdu ».
[111] Ibid., p. 497. Pour Hauriou, les insurrections en 1789, 1830 et 1848 ainsi que les luttes ouvrières sont tout autant d’exemples de « risques courus » qui ont abouti à la consécration de droits individuels.
[112] Duguit définit cette notion comme « le pouvoir pour l’individu d’imposer sa personnalité comme telle à la société et aux autres individus », in Le droit social, le droit individuel et les transformations de l’État, Paris, Felix Alcan, 2e éd., 1911, p. 3
[113] Ibid., p. 10 et 17
[114] DUGUIT, L., Leçons de droit public général, Paris, de Boccard, 1926, p. 45
[115] Ibid., p. 46
[116] Ibid., p. 47
[117] Duguit est l’un des seuls auteurs à soutenir que la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 a une valeur constitutionnelle, DUGUIT, L., Manuel de droit constitutionnel, Paris, ed. Brocard, 4e ed, 1923, p. 218
[118] Ibid., 320
[119] DUGUIT, L., Les transformations du droit public (1913), Paris, Mémoire du droit, 1993, p. 69
[120] HAURIOU, M., « L’institution et le droit statutaire », Recueil de législation de Toulouse, 1906, p. 137
[121] HAURIOU, M. , Les principes de droit public, op. cit., 510
[122] Ibid., p. 509
[123] DUGUIT, L., Les transformations du droit public, op. cit., p. 62
[124] HAURIOU, M. , Les principes de droit public, op. cit., p. 545
[125] Ibid., p. 546
[126] Hauriou compare par exemple la situation de l’indigent et du citoyen : le premier, même en possession de son statut, «n’a aucun pouvoir individuel pour faire organiser effectivement le service d’assistance », tandis que le second, « pour la même raison […] peut bien réclamer son inscription sur la liste électorale et se créer ainsi son statut électoral par un pouvoir autonome […] mais […] une fois inscrit sur la liste, il ne votera que si l’administration le convoque pour une élection ; si l’administration ne convoquait pas les électeurs ceux-ci ne pourraient point se convoquer eux-mêmes. », HAURIOU, M., Précis de droit administratif et de droit public, Sirey, 12e éd., 1933, rééd. Dalloz, 2004, note de bas de page n°2, pp. 138-139
[127] HAURIOU, M., Précis de droit administratif et de droit public, op. cit. p. 138.
[128] Pour J. Donzelot, « dès lors donc que l’on considère les problèmes sociaux sous l’angle de l’interdépendance des hommes plutôt que de la querelle sur leurs devoirs et leurs fautes respectifs, la technique assurantielle apporte un mode de résolution infiniment plus efficace et plus moral »; in DONZELOT, J. L’invention du social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Seuil, coll. points, 1994, p. 132p. 132-133
[129] V. NETTER, F., « Les retraites en France avant le XXe siècle, Droit social, n°, 1963, pp. 358-359. Il cite notamment un édit d’Henry IV de 1604
[130] V. notamment EWALD, F., L’Etat providence, Paris, B. Grasset, 1986
[131] Or, dans la logique du code civil, sans imputation d’une faute, pas de responsable et sans responsable, pas de droit à réparation.
[132] Cette logique sera étendue progressivement à d’autres activités, avant de s’appliquer à tous les employeurs par la loi 1er juillet 1938.
[133] Les libéraux critiquent toute assurance obligatoire car, pour eux, ce système porte atteinte au principe de liberté, risque d’affaiblir l’initiative individuelle et de peser trop lourd sur l’industrie. Les syndicats et socialistes contestent, quant à eux, la contribution des ouvriers à cette prévoyance, car les salaires sont trop faibles. D’autres encore, estiment, comme Mirman, que le système proposé est insuffisant car il ne concerne que la vieillesse alors qu’il devrait couvrir l’ensemble des risques sociaux.
[134] Sous la pression syndicale, des régimes de prévoyance obligatoire ont déjà été mis en place, pour les concessionnaires de mines en 1894 et, pour les compagnies de chemin de fer en 1909.
[135] V. CCass, 11 déc 1911, D.P.1912.I.83. La chambre civile consacre quasiment « l’impossibilité de contraindre les intéressés au versement de leurs cotisations », in CAPITANT, H., CLUCHE, P., Précis de législation industrielle, Paris, Dalloz, 5e éd., 1939, p. 484
[136] Cette législation est complétée par le décret-loi du 28 octobre 1935 (modifié en 1938) qui met un peu de cohérence dans ce système.
[137] CASTEL, R. Les métamorphoses de la question sociale, op. cit., p. 466
[138] DESCHANEL, P. « L’œuvre sociale de la troisième République », op. cit., p. 462
[139] CAPITANT, H. et CLUCHE, Précis de la législation industrielle, op. cit., p. 126
[140] P. Deschanel précise que sans les libertés de réunion, d’association professionnelle ou de défense collective, l’ouvrier est « isolé, sans moyen de concert ni de défense, livré à tous les excès de la force », DESCHANEL, P. « L’œuvre sociale de la troisième République », op. cit., p. 461
[141] Duguit, Les transformations du droit public, op. cit., p. 51
[142] Ibid.
[143] BIGET, H., Le logement de l’ouvrier : étude de la législation des HBM, Paris, Jouve, 1913 p. 245-244
[144] V. notamment ROMAN, D., « La justiciabilité des droits sociaux ou les enjeux de l’édification d’un État de droit social », in Droits des pauvres, pauvres droits ? Recherches sur la justiciabilité des droits sociaux, nov. 2010, p. 4