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Rousseau ou la voie du moi légendaire

Pour Véronique Wiel, l’oeuvre de Rousseau éclaire décisivement le récit de soi et son rôle dans la constitution du sujet en tant que tel. Analyse.

Pourquoi Rousseau ? Parce qu’il est l’un de ceux dont l’œuvre éclaire d’un jour cru les conditions historiques et anthropologiques qui ont favorisé l’ancrage, irréversible peut-être, d’évidences aujourd’hui indiscutées, mais non indiscutables, s’agissant du « récit de soi ».
En effet, pourquoi raconter sa vie, « appliquer le baromètre à son âme1 », s’éplucher le cœur pour l’exhiber aux yeux d’autrui ? En quoi cela aurait-il en outre un intérêt quelconque pour un lecteur ? Après tout ̶ et le rappel n’est pas trivial ̶ non seulement les hommes ont vécu des millénaires sans même y songer, mais encore, au XVIIe siècle, les inventeurs de ce que nous appelons la « littérature » ne l’entendaient pas ainsi.
Il est clair que le caractère d’évidence que notre époque attribue à une telle entreprise est à la fois historiquement et culturellement situé ; que cette entente spontanée, si ce n’est hégémonique aujourd’hui du projet littéraire n’est nullement universelle. Il est clair aussi qu’à bien des égards Rousseau a décisivement contribué à son établissement par la manière radicale, flamboyante même, dont il s’en est emparé, tout particulièrement dans son œuvre ultime et posthume, Les Rêveries du promeneur solitaire. Ce n’est pas (mal gré qu’il en ait) qu’elle soit un commencement absolu : c’est plutôt qu’elle produit comme un effet de loupe sur les principaux enjeux et difficultés d’une entreprise que la modernité a rendue pensable. Ce n’est pas non plus qu’elle en présenterait la figure pour ainsi dire canonique, au contraire : l’extériorité contraignante constitutive de l’hétéronomie contre laquelle Rousseau entendait affirmer son moi singulier, en narrer les conflits, lui conférer un relief littéralement exceptionnel s’est à ce point dissipée, qu’aujourd’hui les conditions d’écriture du « récit de soi » s’en trouvent fondamentalement bouleversées. Pour être obsolète de ce point de vue, l’entreprise de Rousseau n’en est pas moins éclairante : non seulement dans la manière dont il entend établir et résoudre les difficultés d’être un moi incomparable en inventant une hagiographie d’un genre nouveau ; mais encore en conférant à son récit et à sa lecture/relecture la charge de le constituer véritablement comme moi et comme moi vrai : un moi « légendaire » au sens où il s’offre comme « devant être lu », où il n’est qu’autant qu’il est lu et, ce faisant, connu dans sa vérité nue.

Les difficultés d’un moi-hapax

Il n’est pas inutile de rappeler succinctement quelques éléments de mise en perspective susceptibles d’en éclairer les conditions de possibilités, ainsi celles qui désormais permettent l’affirmation d’un moi, et d’un moi exhibé dans son « exceptionnalité ». En effet, Rousseau l’avait proclamé au seuil des Confessions auxquelles les Rêveries font suite :

Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu2.

Comprenons : Rousseau est un hapax. Mais établir cette altérité absolue, on le voit, suppose non seulement la comparaison, c’est-à-dire encore relation et critères communs, mais aussi la reconnaissance de cette dissemblance totale par ses semblables… Pour être radicale, la version rousseauiste d’une telle contradiction illustre parmi d’autres le développement du trouble de la co-appartenance au collectif corrélatif de l’avènement moderne de l’individu, lequel ne sait plus que faire d’autrui.

Bref retour sur une révolution anthropologique

De l’immense bouleversement qui se joue, ou plutôt s’accuse à partir de la fin du XVIe siècle, nous ne retiendrons ici que les aspects les plus saillants qui marquent l’invention moderne du moi3.

Au premier chef, et à la faveur de la dénaturalisation générale de l’Ordre socio-cosmique initiée par la révolution scientifique, la dissociation amorcée de l’individu, désormais premier chronologiquement et axiologiquement, et de la société, artefact humain résultant d’un contrat social et politique ; et conjointement, l’invention de la « nature », désanimée (res extensa), muette aussi, mais dont l’homme, qui ne lui appartient plus, s’empare et/ou dispose pour en jouir ab extra. L’individu, la société, la nature : tripartition inédite dont Rousseau hérite et qui atteste que l’antique « chaîne des êtres », principe de solidarité et de familiarité entre tous les éléments du monde, s’est disloquée et n’est plus qu’une métaphore – désuète.

L’on sait de reste comment, convertissant cette « chaîne » en chaînes de servitude, en réseaux d’assujettissements réciproques, Rousseau caractérise l’ensemble des relations humaines : figure véritable du mal né avec l’établissement de la société. Soulignons qu’il a suffi, à l’âge des cabanes, que les hommes s’assemblent pour chanter et danser, qu’ils s’entreregardent pour que naissent la concurrence des mérites, forcément inégaux, et « d’un côté, la vanité et le mépris, de l’autre la honte et l’envie4 » : autant de passions mauvaises auxquelles a satisfait ensuite l’institution de l’inégalité sociale, de la propriété et des richesses. C’est dire combien la présence d’autrui à soi seule vicie, qu’en ce sens altérité engendre altération et avec elle, dépendance et méchanceté. Mais surtout, c’est la logique du même, de la normalisation des comportements sociaux qui déchire intérieurement Rousseau, lui qui la porte en lui psychiquement pré-inscrite, en personnalité moderne qu’il est5. Toute sa vie, elle aura térébré l’innocence qu’il revendique : originelle, hors norme et au foyer le plus intime de lui-même.

Or si la restaurer avait toujours paru illusoire au philosophe, le vieil homme qui entame les Rêveries semble en caresser l’espoir : animé du seul désir de « jouir de [son] innocence6 », le solitaire pour qui « tout est fini sur la terre7 » compte pour cela « tenir le registre fidèle de [ses] promenades » ; seuls moments, écrit-il, « où je sois pleinement moi et à moi sans diversion, sans obstacle, et où je puisse véritablement dire être ce que la nature a voulu8 ». Version temporelle du désir récurrent de claustration, de confinement ou de séquestration heureuse qui, ailleurs dans les Rêveries, figure le moi-hapax topographiquement. Mais le fait est qu’être soi et à soi et, comme il le répète, jouir de soi, se nourrir de sa propre substance9 suppose l’adversité universelle qui le persécute autant qu’elle le distingue ; ainsi, mêlant inspiration cynique et physique mécaniste, il se campe volontiers en unique représentant de l’humanité pris dans un champ de forces :

Quand je vis une génération frénétique se livrer tout entière à l’aveugle fureur de ses guides contre un infortuné qui jamais ne fit, ne voulut, ne rendit de mal à personne ; quand après avoir vainement cherché un homme il fallut éteindre enfin ma lanterne et m’écrier : il n’y en a plus ; alors je commençai à me voir seul sur le terre et je compris que mes contemporains n’étaient par rapport à moi que des êtres mécaniques qui n’agissaient que par impulsion et dont je ne pouvais calculer l’action que par les lois du mouvement10.

Et c’est précisément cela qui lui permet à la fois de tenir debout et de garantir sa clôture sur lui-même : « réduit à moi seul j’ai repris mon assiette. Pressé de tous côtés, je demeure en équilibre parce que ne m’attachant plus à rien je ne m’appuie que sur moi11 ». Plus encore, être présent à lui-même dépend de cette extériorité hostile dont il a besoin pour construire l’antithèse reportant sur lui toute l’innocence et tout le mal sur les hommes. Dépendance nécessaire et souvent signifiée par des concessions redondantes :

Je continuerai, quoi qu’ils fassent, d’être en dépit d’eux ce que je suis12.

Je me ris de toutes leurs trames et je jouis de moi-même en dépit d’eux13.

Qu’ils jouissent à leur gré de mon opprobre, ils ne m’empêcheront pas de jouir de mon innocence et d’achever mes jours en paix malgré eux14.

Concession apparente, causalité réelle : c’est bien, et de son propre aveu, grâce à ses « persécuteurs » qu’il peut goûter ses « délices internes » : « sans eux je n’aurais jamais trouvé ni connu les trésors que je portais en moi15 ». Telle est la dette inévitable du moi-hapax : la rupture absolue requiert une relation préalable ; et l’immédiateté du jouir, la médiation du pâtir.

C’est pourquoi il ne s’agit plus ici de l’innocence originelle : certes, son « cœur s’est purifié à la coupelle de l’adversité16 », son amour-propre est redevenu pur amour naturel de lui-même. Mais il a fallu la médiation des souffrances d’une vie pour se doter de cette innocence nouvelle. Tous ses efforts doivent être désormais à la garder hors d’atteinte, à l’enclore. En effet, loin de l’anathème multiséculaire qu’à son tour il avait lancé contre la propriété privée, c’est le droit à la propriété intégrale de lui-même qu’il défend. En une projection pour ainsi dire cadastrale de son moi, Rousseau n’a de cesse de circonscrire son lieu propre, retranché des terres étrangères, inexpugnable de jure ; redoublant la précédente opposant moi et non-moi, cette stricte antithèse du sien et du leur est aussi celle qui dans la « Quatrième promenade » consacrée au mensonge caractérise « l’homme vrai »  : celui par « amour de la justice » s’emploie à « rendre fidèlement à chacun ce qui lui est dû en choses qui sont véritablement siennes » et qui « ne saurait s’approprier ce qui n’est pas à lui17 ». Propriété, droit, justice pour faire reconnaître et défendre ce pré carré d’innocence heureuse : un imaginaire juridique, d’inspiration lockéenne, déjà bien attesté à l’époque et imputable aussi à la révolution anthropologique en cours18.

Cependant, à elle seule, cette clôture ne saurait suffire à donner tout son relief exceptionnel au moi-hapax qu’est Rousseau. Après tout, à suivre le vicaire savoyard, chacun est en droit de se voir comme un cercle égocentré parmi d’autres. C’est donc la qualité intérieure, et plus précisément le sentir qui doit attester son exceptionnalité.

Les apories du moi sentant

Corrélée à l’affirmation de l’individu, la scission entre moi pensant et moi sentant et désirant s’est en effet accusée. Dès la fin du XVIIe siècle, un certain malebranchisme a exploité les vues du philosophe du « sentiment intérieur » dans le sens d’une valeur prééminente du sentir en son irréductible singularité.

On a d’abord tiré parti de l’idée que malgré leur obscurité, sentiments et sensations disent vrai, sans pour autant être connaissables : une épreuve de soi véridique et qui représente ce que chacun a de plus propre. Mais rompant avec Malebranche, l’on a peu à peu substitué à l’altérité divine, une altérité intime, une énigme de soi qui, tout en échappant à la raison et en soi incommunicable, actualise le moi vrai, lequel n’a décidément plus rien de haïssable. Pour l’explorer, la raison ayant contre elle de n’en rien révéler et d’être commune à tous, tout porte désormais à emprunter la voie du sentiment dès lors associée à l’originalité et à l’authenticité. Début XVIIIe siècle, c’était déjà celle de Mme de Lambert parodiant ainsi Descartes : « Je sens donc je suis, voilà toute la démonstration de mon existence19. »

Cette affectivité incommunicable est en outre, soutenait Malebranche, ce à partir de quoi, « par conjecture » seulement, on tente de percer le mystère d’autrui auquel tout accès est de facto impossible : conviction bien propre à renforcer la priorité donnée à la scrutation de soi-même.

D’autant que, autre point saillant chez Malebranche (mais toujours chez lui référé à la Causalité divine), le statut du plaisir a changé du tout au tout : devenu signe sensible de la présence actuelle du bien et du vrai, il n’a pas tardé à en devenir la principale pierre de touche ; raccourci qui n’a pas peu contribué à ouvrir la voie non seulement à la réhabilitation du désir, mais aussi à la confusion durable entre « impulsions naturelles » et vérité ou conscience vertueuse : en témoignaient déjà Marivaux ou l’abbé Du Bos qui, dès 1719, en faisait le principe du jugement esthétique infaillible20.

En témoigne plus encore Rousseau qui, s’appropriant cet héritage, en donne une version radicale. D’une part, il pousse à son plus haut degré d’incandescence le divorce entre moi pensant et moi sentant et désirant : seul ce dernier constitue le foyer intime de son innocence, de sa bonté et de sa liberté sans exemple21. D’autre part, il pousse jusqu’à l’exaltation la volonté d’auto-jouissance intransitive, ayant soi pour objet de plaisir et pour fin. On l’a vu, se posant comme l’absolument séparé, il entend être à la fois circonférence et axe autour duquel tourner en boucle22 (autrui le désaxe), être son propre objet d’amour, indemne de tout amour-propre faisant place au regard d’autrui. Ici l’ambition se précise : d’une part, être sa propre « pâture journalière23 », jouir exclusivement de soi, « de rien d’extérieur à soi24 » ; d’autre part, et pour n’en rien perdre, tenir le « journal informe de ses rêveries »25 dont il serait l’exclusif destinataire : « je n’écris mes rêveries que pour moi26 ». Mais ambition en trompe-l’œil et intenables en réalité.

Commençons par la dernière, la plus évidente à cet égard et exemplaire de l’aveuglement de qui ne voit dans autrui que contrainte ou menace : écrire, c’est toujours écrire quelque chose à quelqu’un ; pour le dire comme le linguiste Tesnière, c’est un verbe trivalent englobant destinateur, objet et destinataire en une triade infrangible. Écrire ne saurait se construire intransitivement, sinon en surface, et suppose altérité et extériorité, ne serait-ce que parce que c’est d’emblée s’inscrire dans une langue commune avec tout ce que cela implique. Il y a donc incompatibilité entre écrire et se poser comme l’absolument séparé. Du reste, Rousseau le sait si bien qu’il multiplie les signes adressés aux lecteurs potentiels et même, fusionnant épidictique et judiciaire, il déploie à nouveau dans les Rêveries un constant plaidoyer pro domo.

Mauvaise foi ? Ou plutôt faut-il en revenir à cet âge de la « personnalité moderne » mentionné plus haut dont à sa façon Rousseau atteste aussi de ce point de vue : l’antériorité de son inscription sociale sur son individualisation n’est pas entièrement méconnue, mais elle est intériorisée. L’ombre portée de l’hétéronomie est désormais intérieure. D’où le conflit aigu entre conscience de ce qu’il doit à l’extériorité du collectif et son désir intime de se singulariser. D’où aussi d’un côté, cette intolérance maintes fois signifiée à toute forme d’obligation, assimilée à la servitude ; et de l’autre, cette soif de reconnaissance réclamée à autrui érigé en « juge ». Où l’on voit au passage que la volonté d’échapper au regard d’autrui s’évanouit d’elle-même. L’acharnement à se dire libéré de toute obligation externe, le sentiment d’être persécuté et son appel à comparaître au tribunal de la postérité, c’est tout un et la contradiction est insurmontable.

Quant à la cause à défendre, c’est toujours celle d’un moi-hapax, ici envisagé dans sa capacité sans exemple de jouir de rien d’extérieur à soi, étant entendu qu’intensité maximale de plaisir vaudrait intensité maximale de bonté innocente. Ce qui soulève plusieurs difficultés.

D’abord, de quelque nature que soit cette « pâture » – sensations, méditations, souvenirs – qu’elle soit sujette à remémoration, reviviscence ou enrichissement, elle ne peut de toute évidence que résulter de l’impression du monde extérieur sur sa sensibilité : qu’il la recherche ou la subisse, c’est sa condition de possibilité, comme ça l’était de ses jouissances passées. Là encore, aucune déliaison possible. Ce qui lui est possible, c’est d’ignorer la réciprocité ou de cultiver l’unilatéralité. Significatives à cet égard, ses réflexions sur la « bienfaisance » à partir du souvenir du petit mendiant : dans ces pages précieuses pour l’histoire de l’individu souverain, Rousseau semble inaugurer l’incompréhension moderne de la « triple obligation » maussienne en démembrant la triade donateur, don, donataire – puisque comme « écrire », « donner » est un verbe trivalent. En un mot, le donataire n’est plus que le point d’application d’un mouvement donnant libre cours à une « effusion de cœur » pour revenir sous forme de « jouissances très douces » sur le donateur27. Non seulement le don, unilatéral, ne peut qu’être de Rousseau, mais encore il n’est fait que pour lui : « Quand je fais un don, c’est un plaisir que je me donne28 ». Dans ce genre de circonstances, autrui considéré dans son détail (tel autre rencontré) ou dans son ensemble (l’humanité malveillante) constitue une sorte de non-moi anonyme qui lui est nécessaire pour s’éprouver comme jouissance de soi.

Il en est de même pour cet autre non-moi qu’est « la nature », laquelle a l’avantage de ne rien réclamer et surtout de s’offrir à ses yeux comme un spectacle ; une appréhension esthétique, ou plutôt esthétisante qui, même s’il s’en défend, elle n’est pas « contemplation pure et désintéressée29 ». Le paradoxe soutenu dans l’Émile se vérifie plus que jamais. Spectacle médiatisé et non donné brut, « la nature » est inaccessible à un être neuf, dénué d’un passé de souffrances et de plaisirs, comme Émile qui ne voit que des « objets » juxtaposés, muets : « c’est dans le cœur de l’homme qu’est la vie du spectacle de la nature ; pour le voir, il faut sentir. […] Il faut une expérience qu’il n’a point acquise, il faut des sentiments qu’il n’a pas éprouvés, pour sentir l’impression composée qui résulte à la fois de toutes ces sensations30 ». Qui a senti, sent et voit ce spectacle, a fortiori qui achève une vie de malheurs – la « Septième promenade » est essentielle à ce sujet. En cela, se trouve confirmée, en ce siècle qui invente l’esthétique, la subjectivation du beau. Chez Rousseau, ce cœur qui sent est ce qui prête vie, sa vie sensible, à ce qui dans la « nature » n’est en soi qu’« objets » dés-animés : « parties de l’univers », « beau système », « formes », « structures31 », « machines » (les fleurs)32 « frappant les sens » réveillent en lui des impressions composées reliant passé et présent, des extases qui nourrissent sa « vie interne et morale33 ». S’il « s’y livre » entièrement (verbe récurrent), c’est simultanément qu’elles sont sans danger (aucune trace d’autrui), qu’elles « remplisse[nt] le vide34 » laissé par les passions évanouies et surtout, qu’aucune expérience sensible ne lui donne à ce point le sentiment d’existence. Rousseau y trouve donc la matière à se sentir dont il a besoin pour s’éprouver comme « le plus heureux des mortels35 ». C’est dire qu’il se recherche lui-même : jouant de l’analogie identificatoire, il y trouve une manière de miroir sensible où retrouver son « âme expansive étend[ant] ses sentiments et son existence sur d’autres êtres36 » et « [se] rendre compte de ses modifications37 ». La métaphore du baromètre tirée de l’abbé Du Bos38 (chez lui liée à la théorie des climats) est appliquée par Rousseau au climat de son âme, et c’est pour en trouver le reflet dans la nature :

La campagne encore verte et fleurie, mais défeuillée en partie et déjà presque déserte, offrait partout l’image de la solitude et des approches de l’hiver. Il résultait de son aspect un mélange d’impression douce et triste trop analogue à mon âge et à mon sort pour que je n’en fisse pas l’application. Je me voyais au déclin d’une vie innocente et infortunée, l’âme encore pleine de sentiments vivaces et l’esprit encore orné de quelques fleurs, déjà flétries par la tristesse et desséchées par les ennuis39.

Cependant, en quoi être ce moi sentant se procurant ces plaisirs inouïs, incommunicables de surcroît, mérite-t-il d’être exhibé, raconté, adressé à de possibles lecteurs ? En effet, le sentir ne peut à lui seul déterminer ce qui est significatif et porteur de valeur. Quelle signification, quel intérêt cela aurait-il pour autrui ? Pour répondre à la première question, il faut bien, on l’a compris, esquiver la seconde au profit d’une autre : que faire pour que ce moi-hapax soit distingué et reconnu dans sa valeur suréminente ? Or cette reconnaissance ne pouvant venir que d’autrui, il faut lui en produire les preuves, les soumettre à son jugement ; c’est-à-dire aussi, en passer par l’évaluation comparative, laquelle ne saurait se faire hors de critères reçus, communs. Typique en cela des contradictions du moi moderne, Rousseau est l’écrivain qui d’un même mouvement multiplie d’un côté les déclarations de sécession et de l’autre, les réclamations de reconnaissance. Ouverte déjà, la lutte pour la reconnaissance se fait plus farouche avec Rousseau.

Et précisément comme écrivain, il sait que pour conférer signification et valeur à sa vie de sentiment, il lui faut s’inscrire dans une précédence : linguistique, rhétorique, littéraire, axiologique, bref, sociale. Autrement dit, il doit passer par la médiation d’une forme, d’un jeu de langage connus et reconnus. C’est l’hagiographie. Genre dont il se saisit d’une manière nouvelle, il est vrai, ne serait-ce que parce qu’elle s’écrit à la première personne.

Une hagiographie nouvelle manière

Il peut paraître surprenant, sachant que le protestantisme récuse tout forme de vie supérieure, que Rousseau ait recours à ce genre. Mais c’est qu’il est particulièrement adapté à son projet. Plutôt que de compléter la Légende dorée, mais en la convoquant nommément40 pour s’en distinguer a contrario, il s’agit en effet pour lui d’écrire la légende de ce « saint » qu’il est : car comme l’indique Thomas Römer, « hagio » correspondant à la racine « qadash » a signifié d’abord « séparé », « à part », puis ensuite « sacré41 ». Peut-on trouver plus adéquat à celui qui se pose comme l’absolument séparé et pour qui le moi constitue une nouvelle forme de sacralité ? Soulignons aussi que c’est a priori vouloir concilier l’inconciliable : d’une part, son statut d’hapax et de l’autre, un genre très codifié, étranger à la question du moi et qui au contraire, traditionnellement, requiert de faire apparaître ce que la vie d’un saint a de commun avec celles des autres, dans leur même combat pour Dieu.

Le fait est que Rousseau soutient la gageure en entrelaçant habilement ces deux lignes en un texte hétérodoxe, voire hérétique à considérer la manière dont il use d’une riche matière biblique dans une prose recherchée – tout autre chose que le « journal informe de ses rêveries ».

Les principaux constituants de la fable hagiographique

Donner forme et sens à la matière de sa vie en la ressaisissant dans un cadre générique éprouvé permet que le lecteur s’y repère tout en rendant saillante la singularité de son « étrange situation », comme il le souligne à l’envi. Un être tenant à la fois du saint, du martyr et du prophète se dessine, étonnant palimpseste de figure de Christ, assez étrangère au christianisme.

Celle-ci tient d’abord à l’exterritorialité qu’il se découvre rétrospectivement dès la « Première promenade » : « Je suis sur la terre comme dans une planète étrangère, où je serais tombé de celle que j’habitais42 ». N’était la référence astronomique privant l’allochtone de dimension christique, n’est-ce pas insinuer qu’il est dans le monde sans être du monde ? C’est en tout cas reprendre de biais le topos de la naissance extraordinaire (attaché aux fondateurs de religion), laquelle s’est accompagnée de circonstances énigmatiques pour lui : « Tiré je ne sais comment de l’ordre des choses, je me suis vu précipité dans un chaos incompréhensible où je n’aperçois rien du tout ; et plus je pense à ma situation présente et moins je puis comprendre où je suis43 ». Et c’est en même temps faire le récit de sa chute. Mais loin d’être initiale, celle-ci se situe assez tardivement (1762 ? 1766 ?) et signe l’accomplissement de sa destinée : « Tout est fini pour moi sur la terre44 ». Version personnelle du « tout est consommé » du Christ en croix puisque cette « étrange révolution » le laisse seul…avec son moi : « Tout ce qui m’est extérieur m’est étranger désormais. Je n’ai plus en ce monde ni prochain, ni semblables ni frères. […] Seul pour le reste de ma vie, puisque je ne trouve qu’en moi la consolation, l’espérance et la paix, je ne dois ni ne veux plus m’occuper que de moi45 ».

Felix culpa ! – sauf à rappeler que la « faute » tient au seul fait social. Car l’on sait combien il a trouvé et trouve encore dans l’adversité matière à jouir de soi, à « convertir la douleur en volupté46 ». Mais c’est aussi que rappeler cette vie marquée par « la diffamation, la dépression, la dérision, l’opprobre47 », cette vie passée « au milieu des outrages sans nombre48 » – ainsi la « lapidation de Môtiers49 » – lui permet de donner un relief aigu à une figure d’« innocent persécuté50 », de « martyr51 », avili par la vie en société, celui de la bonté surabondante, pure, proprement impeccable : « « Si j’étais resté libre, obscur, isolé, comme j’étais fait pour l’être, je n’aurais fait que du bien car je n’ai dans le cœur le germe d’aucune passion nuisible52 », écrit-il, méditant sur la bienfaisance. Ces conditions initiales étant de l’ordre de l’irréel, au contraire des embûches qui l’ont piégé, quels témoignages la fable hagiographique peut-elle produire de ce cœur toujours pur ? Le dispositif rhétorique achevant cette « Sixième promenade » mérite d’être observé, où Rousseau procède en quatre moments ; et la fable qui se dédouble se fait densément syncrétique.

Une première hypothèse, à l’indicatif, lui permet de réénoncer les conditions dans lesquelles sa bienveillance et sa bienfaisance coïncideraient, à savoir pouvoir évoluer incognito au milieu des hommes indifférents à sa présence :

Livré sans contrainte à mes inclinations naturelles, je les aimerais encore s’ils ne s’occupaient jamais de moi. J’exercerais sur eux une bienveillance universelle et parfaitement désintéressée : mais sans former jamais d’attachement particulier, et sans porter le joug d’aucun devoir, je ferais librement et de moi-même tout ce qu’ils ont tant de peine à faire incités par leur amour-propre et contraints par toutes leurs lois53.

Avant que d’être convoquée, c’est déjà la légende de Gygès en filigrane, mais dans une version inédite de la thèse sophiste : ilote devenu roi (« j’exercerais sur eux »), affranchi des lois, certes, mais se livrant, à l’insu de tous, à une pleonexia inversée, excitée ici par une soif de bonté universelle. À cette memoria se mêle aussi sans doute une allusion au « noli me tangere » dans son insistance à récuser tout « attachement » qui le retiendrait dans les lacs de la sociabilité – réévaluant ainsi, mais sans surprise, le statut du « prochain ». Au total, une première éthopée où s’atteste imaginairement la pétulance d’une bonté hyperbolique prête à s’exercer. N’était l’entrave du réel. Pour la neutraliser, quitte à verser dans l’adynaton, Rousseau donne alors son plein essor à l’imaginaire avec deux hypothèses au subjonctif plus-que-parfait54. Mixant héritages platonicien et chrétien, il met en scène une sorte de Gygès divin, invisible et juge tout-puissant non seulement pour soumettre les hommes, mais surtout pour jouir seul et en surplomb du spectacle de ses bienfaits, dispensés souverainement à chacun selon ses « inclinations naturelles ». Ce détour affiché par la fiction détaillant les prodiges de sa bienfaisance vise en fait à rendre vraisemblable le passage de l’hypothétique au thétique, s’agissant de sa bonté naturelle, leur source réelle. D’où « le résultat tir[é] de toutes ces réflexions » qui n’est qu’une reprise, cette fois au présent de l’indicatif : « Tant que j’agis librement je suis bon et je ne fais que du bien55 ». Voilà enfin réassurée dans le réel la fable hagiographique exhibant l’impeccabilité d’une volonté bonne, indépendamment de ses effets : « j’ai fait très peu de bien, je l’avoue, mais pour du mal, il n’en est entré dans ma volonté de ma vie, et je doute qu’il y ait un homme au monde qui en ait fait réellement moins que moi56 ».

Offrant au lecteur, familier de ce type de superlatifs relatifs, le martyre d’une bonté bafouée et inconnue, Rousseau n’entend faire valoir ni miracles ni hauts faits éclatants œuvrant pour la propagation de la foi. Il s’agit certes d’attester un moi d’exception ; ainsi une capacité d’indifférence insolite à sa « situation » : « Loin de cela [périr de douleur et de désespoir], moi le plus sensible des êtres, je la contemple et ne m’émeus pas […] je me vois presque avec indifférence dans un état dont nul autre homme peut-être ne supporterait l’aspect sans effroi57 ». Mais plus encore, d’attester que cette exception vaut élection. Car telle est la révélation qui s’impose à lui au terme de la « Deuxième promenade ». Poussant à l’extrême l’antithèse moi/ « le commun complot » de tous, il ne peut d’abord que conclure à « un de ces secrets du ciel impénétrables à la raison humaine » : « cet accord universel est trop extraordinaire pour être fortuit58 ». Et afin de lester la révélation qui suit du crédit nécessaire au projet hagiographique, il convoque l’exemple d’Augustin pour introduire son ultime conclusion : 

Je ne vais pas si loin que saint Augustin qui se fût consolé d’être damné si telle eût été la volonté de Dieu. Ma résignation vient d’une source moins désintéressée il est vrai, mais non moins pure et plus digne à mon gré de l’Être parfait que j’adore. Dieu est juste ; il veut que je souffre ; et il sait que je suis innocent59.

Le schéma de l’élection serait incomplet sans la mention du décalage temporel affectant la justification qui lui est due : vilipendé, diffamé pour l’heure, mais justifié par les générations futures : « apprenons à souffrir sans murmure ; tout doit à la fin rentrer dans l’ordre, et mon tour viendra tôt ou tard », en écho à nombre de déclarations contemporaines des Rêveries60.

La rêverie comme figure du moi légendaire

Il n’est pourtant pas question, on l’a compris, d’ajouter un chapitre à la Légende dorée. D’autant que le « séparé » Rousseau se distingue aussi et peut-être surtout par des expériences de félicité extatique qui, loin de tout surnaturel, constituent néanmoins une forme de vie supérieure : la rêverie. Elle achève de le constituer simultanément comme moi-hapax et comme personnage littéraire (« Jean-Jacques61 ») à hauteur de légende et en vue de la justification finale.

À l’adresse du lecteur, Rousseau l’offre comme une expérience existentielle de jouissance de soi et une expérience d’écriture-relecture, celle-ci redoublant celle-là ; d’où la difficulté de les séparer. Écrire, c’est sentir ou mieux re-sentir, se livrer à nouveau au charme du « sentiment d’existence62 ». Mais là encore, il ne saurait en témoigner sans lui attribuer un caractère absolument inédit et aux confins de l’ineffable. C’est pourquoi l’expérience de la rêverie a trait électivement à la question de l’origine, du temps du commencement : la « nature » réinventée évoquée plus haut, l’enfance ou la naissance. Et plutôt que d’évoquer ici le fameux épisode de l’île saint-Pierre (dont la notoriété obnubile le reste du recueil), arrêtons-nous sur celui, non moins remarquable, du chien danois, enchâssé au cœur de la « Deuxième promenade63 ».

« L’événement » a lieu sur les pentes de Ménilmontant au soir du 24 octobre 1776. L’argument : brutalement heurté par un chien danois, il chute, perd connaissance, s’éveille et dans un état second est ramené chez lui par des inconnus. Accident banal ? Sauf que Rousseau le ressaisit et le magnifie par le biais d’une riche intertextualité et c’est le « ravissement de Jean-Jacques » qu’il convient de lire dans cet épisode. Le souvenir de Montaigne et sa chute de cheval hante évidemment ce récit64 ; mais s’il faut que le chien soit « danois » pour approcher la taille d’un cheval, c’est qu’il s’agit aussi d’évoquer la figure de Paul : Saül renversé sur le chemin de Damas65 et Paul narrant son « ravissement » aux Corinthiens66. Autant de sources mêlées et détournées en vue d’introduire le cœur du récit : l’épreuve d’une quasi mort engendrant non une conversion, mais l’extase de la vie pure, naturelle, retrouvée à sa source. La description de l’expérience euphorique d’un presque rien qui est tout, d’une perte de soi où il se retrouve, comme à l’instant de l’éveil du premier homme et de la résurrection réunis est essentielle à la poétique de la rêverie comme à la constitution du moi légendaire :

La nuit s’avançait. J’aperçus le ciel, quelques étoiles et un peu de verdure. Cette première sensation fut un moment délicieux. Je ne me sentais encore que par là. Je naissais dans cet instant à la vie, et il me semblait que je remplissais de ma légère existence tous les objets que j’apercevais. Tout entier au moment présent je ne me souvenais de rien ; je n’avais nulle notion distincte de mon individu, pas la moindre idée de ce qui venait de m’arriver ; je ne savais ni qui j’étais ni où j’étais ; je ne sentais ni mal, ni crainte, ni inquiétude. Je voyais couler mon sang comme j’aurais vu couler un ruisseau, sans songer seulement que ce sang m’appartînt en aucune sorte. Je sentais dans tout mon être un calme ravissant, auquel chaque fois que je me le rappelle, je ne trouve rien de comparable dans toute l’activité des plaisirs connus67.

Mais preuve encore qu’aucune expérience intime, si singulière soit-elle, ne peut se passer de la médiation d’une memoria qui lui donne forme et sens pour soi et pour autrui (c’est tout un) : cette description tient de la réécriture. Celle de Buffon, familier à Rousseau, imaginant l’éveil du premier homme :

Je me souviens de cet instant plein de joie et de trouble où je sentis pour la première fois ma singulière existence ; je ne savais ce que j’étais, où j’étais, d’où je venais. J’ouvris les yeux, quel surcroît de sensation ! La lumière, la voûte céleste, la verdure de la terre, le cristal des eaux, tout m’occupait, m’animait et me donnait un sentiment inexprimable de plaisir68.

Révéler de la sorte l’innutrition qui traverse ce texte et les Rêveries dans leur ensemble n’est en rien entacher la fable hagiographique ; c’est plutôt souligner l’une de ses conditions de possibilité : de son écriture aussi bien que de sa réception.

« Il y a des gens qui n’auraient jamais été amoureux s’ils n’avaient entendu parler d’amour », écrivait La Rochefoucauld (maxime 136). Concernant le récit de soi, il nous est loisible de reconnaître à Rousseau d’avoir imposé, voire popularisé, la valeur absolue du moi sensible et plus encore de son exhibition. En termes pascaliens, l’on dirait qu’il a voulu convertir une « grandeur naturelle » en « grandeur d’établissement »… littéraire si l’on songe à sa fortune, dès le romantisme. Mais précisément, il a formé une entreprise résolument anti-pascalienne, qui avec les Rêveries, achève de postuler le salut individuel par l’écriture. Un salut pour l’avenir, celui de la justification ; un salut pour le présent, celui de l’invention d’un moi légendaire où fusionneraient vie et littérature, comme en atteste la note laissée sur la carte à jouer n°1 :

Pour bien remplir le titre de ce recueil je l’aurais dû commencer il y a soixante ans : car ma vie entière n’a guère été qu’une longue rêverie divisée en chapitres par mes promenades de chaque jour. […] mon livre, si je le continue, doit naturellement finir quand j’approcherai de la fin de ma vie69.

Sans doute l’écrivain Rousseau voudrait-il s’abolir comme être social, être-pour-autrui, mais l’écrire, le clamer, c’est toujours chercher à constituer une image de soi pour autrui, non seulement acceptable par la postérité, mais encore admirable. Et malgré son opposition à admettre que ce n’est pas la subjectivité en soi qui importe (de nos jours, se voir comme un hapax est devenu…banal), il sait encore qu’il ne saurait faire sans la médiation d’une memoria commune ; et que pour rester dans la mémoire des hommes, il faut qu’un passage soit possible : celui qui conduit le lecteur d’un « de me fabula narratur » au « de te fabula narratur ».

 

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NOTES

  1. Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire [1782], éd. É. Leborgne, Paris, GF-Flammarion, 1997, p.43 ; notre édition de référence. Les dix « promenades » sont désignées par un chiffre romain.[]
  2. J.-J. Rousseau, Les Confessions, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, Paris, Gallimard, coll. Folio classique, 1973, p.34 ; nous soulignons.[]
  3. Voir la somme magistrale de Marcel Gauchet, L’avènement de la démocratie, Paris, Gallimard, 2007-2017.[]
  4. J.-J. Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, éd. J. Starobinski, Œuvres complètes, III, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1964, p.170.[]
  5. Sur « la personnalité moderne », voir M. Gauchet dans « Essai de psychologie contemporaine I », La démocratie contre elle-même, Paris, Gallimard, 2002, p.251.[]
  6. I, p.44.[]
  7. Ibid., p.40.[]
  8. II, p.45 ; nous soulignons.[]
  9. Ibid., p.46.[]
  10. VIII, p.144.[]
  11. Ibid.[]
  12. VIII, p.147.[]
  13. Ibid., p.152.[]
  14. I, p.44.[]
  15. Ibid., p.46.[]
  16. Ibid., p.42.[]
  17. IV, p.84.[]
  18. Voir par ex. Fontenelle : « Figurons-nous que notre bonheur devrait entièrement dépendre de nous, et que c’est par une espèce d’usurpation que les choses de dehors se sont mises en possession d’en disposer : ressaisissons-nous autant qu’il est possible d’un droit si important, et si dangereux à confier ; remettons sous notre puissance ce qui en a été détaché injustement. » Du bonheur (entre 1691 et 1699), Paris, Payot, Rivages-poche, 2015, p.44.[]
  19. Madame de Lambert, Œuvres, éd. R. Granderoute, Paris, H. Champion, 1990, p.295.[]
  20. Abbé Du Bos, Réflexions critiques sur la poésie et sur la peinture, Paris, Beaux-Arts de Paris éd., 2015.[]
  21. Par ex. VII, p.123 : comparé aux « extases qui passent toute autre jouissance » nées de la rêverie, « penser fut toujours pour moi une occupation pénible et sans charme. »[]
  22. Formule exemplaire qui initie ce mouvement de soi à soi repérable dans les Rêveries, l’affirmation simultanément liminaire et conclusive du recueil : « Me voici donc seul sur la terre, n’ayant plus de prochain, d’ami, de société que moi-même ».[]
  23. I, p.42.[]
  24. V, p.103.[]
  25. I, p.41.[]
  26. Ibid., p.43 ; nous soulignons.[]
  27. VI, p.109.[]
  28. Ibid., p.112.[]
  29. VII, p.128.[]
  30. Émile ou de l’éducation, Paris, GF-Flammarion, 2009, p.241 ; nous soulignons.[]
  31. VII, p.133.[]
  32. Ibid., p. 132.[]
  33. I, p.42.[]
  34. VII, p.134.[]
  35. Ibid., p.124.[]
  36. Ibid., p.129. Et ibid. : « Une rêverie douce et profonde s’empare alors de ses sens, et il se perd avec une délicieuse ivresse dans l’immensité de ce beau système avec lequel il se sent identifié. » Et p.124 : « Je sens des extases, des ravissements inexprimables à me fondre pour ainsi dire dans le système des êtres, à m’identifier avec la nature entière. »[]
  37. I, p.43.[]
  38. Du Bos, op. cit., p.387.[]
  39. II, p.47.[]
  40. VI, p.118.[]
  41. Thomas Römer, Les 100 mots de la Bible, Paris, PUF, coll. Que sais-je ?, 2016, p.114 : « “Être saint” signifie d’abord dans la Bible, “être séparé”, avoir un statut spécial par rapport à d’autres. La racine qadash n’a en premier lieu aucune connotation morale. Ainsi une prostituée peut-être appelée “sainte”, parce qu’elle a un rôle social à part par rapport au reste de la société. »[]
  42. I, p.41.[]
  43. Ibid., p.36.[]
  44. Ibid., p.40.[]
  45. Ibid. p. 41. []
  46. VIII, p.140.[]
  47. I, p.37.[]
  48. III, p.68.[]
  49. V, p.96.[]
  50. VIII, p.146.[]
  51. III, p.69.[]
  52. VI, p.117 ; nous soulignons.[]
  53. Ibid., p.116.[]
  54. Ibid., p.117 : « Si j’eusse été invisible et tout-puissant comme Dieu… […]. Si j’eusse été possesseur de l’anneau de Gygès… »[]
  55. Ibid., p.119.[]
  56. Ibid., p.120 ; nous soulignons.[]
  57. VIII, p.142.[]
  58. II, p.55.[]
  59. Ibid., p.56.[]
  60. Par ex. : « Un jour viendra, j’en ai la juste confiance, que les honnêtes gens béniront ma mémoire et pleureront sur mon sort. […] Mes oppresseurs peuvent reculer le moment de ma justification mais ils ne sauraient empêcher qu’il ne vienne », Dialogues, Rousseau juge Jean-Jacques, éd. É. Leborgne, Paris, GF-Flammarion, 1999, p.384.[]
  61. VII, p.132.[]
  62. I, p.41.[]
  63. II, pp.46-51.[]
  64. Essais, L.II, ch.6.[]
  65. Actes des Apôtres, X.[]
  66. 2, Co, 12, 1-10.[]
  67. II, p.49.[]
  68. Buffon, Histoire naturelle, t.III [1749], De l’homme, « Des sens en général ».[]
  69. Les Rêveries, éd. cit. p. 175.[]
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