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Après toutes ces guerres

Cet article a été initialement publié en introduction du dossier “Retour à la vie ordinaire” co-dirigé par Sandra Laugier et Marie Gaille.

Lily bud floating, yellow as sorrow,
grief today, what of tomorrow ?
Gone the bud, green the leaf
better unborn that know my grief.
Scrawny ewes with swollen heads,
the fish traps catch but stars.
What man has food now
after those many wars ?
Ezra Pound, Odes confucéennes.

Dans sa Lecture de la poésie américaine, Serge Fauchereau propose de ce poème d’Ezra Pound la traduction suivante : « Sur l’eau le nénuphar, jaune comme le chagrin, / la douleur aujourd’hui, et quoi demain ? / Plus de fleur, verte la feuille, / mieux ne pas naître qui doit connaître mon chagrin. / Les maigres brebis aux têtes enflées, / les nasses ne prennent que des étoiles. / Quel homme trouve sa nourriture maintenant / après toutes ces guerres ? ». Et il ajoute : « Une image se juxtapose à une image sans liaison entre l’une et l’autre, et le poème parvient à former un tout cohérent1 ». On ne se demandera pas si cette impression de juxtaposition tient aux formes d’ellipse présente dans la poésie chinoise : on le sait, les traductions que propose E. Pound du Livre des Odes2 sont particulièrement libres et problématiques. On remarquera cependant que la référence à la guerre présente dans le dernier vers n’apparaît que dans la traduction poundienne de ce texte, et probablement pas dans la source chinoise — plaçant ainsi la déliaison stylistique singulièrement en écho de l’expérience de la guerre. Qu’en est-il de l’expérience du chagrin, de la déliaison, et des moyens les plus ordinaires de vivre, dans l’ombre portée de la guerre ? Dans un ouvrage récent, Georges Didi-Huberman commente un film documentaire de Wang Bing dans les termes suivants : « Inutile par conséquent de convoquer la « vie nue ». L’Homme sans nom n’est pas un film sur le dénuement absolu, mais sur l’organisation d’une vie singulière dans les conditions d’un dénuement où il s’agit de trouver malgré tout les possibilités – les ressources – d’une véritable économie quotidienne3 ». Sur un tout autre registre, j’essayerai de m’interroger sur l’idée d’un retour à l’ordinaire dans l’après-guerre, dans les conditions d’un dénuement, à partir d’une enquête ethnographique que je mène dans l’est de la République Démocratique du Congo, dans la région de Pweto4.

Les dispositifs du « post-conflit »

Dans une enquête statistique menée en 2010 préalablement à la mise en œuvre d’un Projet d’amélioration des moyens d’existence de la population du territoire de Pweto, au titre de la coopération allemande, dans un ensemble de villages ayant connu la guerre dans les années précédentes, la population concernée par ce projet de développement apparaît constituée de 75 % de « retournés », c’est-à-dire de personnes ayant quitté la région pour une autre partie du Congo avant d’y revenir (IDPs, internally displaced persons), de 15 % de « rapatriés », revenus des deux camps de réfugiés que le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) administrait en Zambie, et de 10 % de personnes restées dans le territoire de Pweto dans les années précédentes5. En raison de l’histoire récente de cette partie du Haut-Katanga, la question du « retour » est en effet ouverte, en premier lieu en un sens géographique, migratoire.

            Donnons quelques éléments de contextualisation. Au cours des quinze dernières années, le territoire de Pweto a tout d’abord été traversé par les troupes armées de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo, mouvement rebelle que dirigeait Laurent-Désiré Kabila en 1996-1997, lors de son parcours d’est en ouest du Zaïre qui entraîna la chute du président Mobutu. Après sa prise du pouvoir, puis le renversement d’alliances contre ses alliés rwandais et ougandais en 1998, une guerre de cinq ans impliquant de nombreux pays se déroula sur le territoire congolais jusqu’en 2003. Pweto constitua une ligne de front à partir d’août 1998, avant de tomber le 6 décembre 2000 lors de ce qu’il est convenu d’appeler la bataille de Pweto. Joseph Kabila (alors âgé de 28 ans), l’un des fils du président, était en position de commandement de l’armée congolaise à Pweto en tant que général, et le gouverneur du Katanga originaire de Pweto, Augustin Katumba Mwanke, devint alors l’un de ses proches conseillers6. La chute de Pweto entraîna le départ de la presque totalité de la population locale, de crainte d’exactions contre les civils, qui se répartit entre camps de réfugiés gérés par le HCR en Zambie, et déplacements chez des proches à l’intérieur du Congo, notamment à Lubumbashi, la capitale provinciale. Le président Laurent-Désiré Kabila fut assassiné peu de temps après, en janvier 2001, et son fils Joseph lui succéda. A partir des accords de paix de 2003, un mouvement parfois qualifié d’auto-défense villageoise qui était apparu lors de la guerre contre le Rwanda, les « mayi-mayi » dirigés par Gédéon Kyungu, sema trouble et désolation dans une région qualifiée localement de « triangle de la mort », entre Pweto, Manono et Mitwaba, entraînant des violences nombreuses, et de plus nombreux déplacements. Ainsi, à la suite de ces années de violence, en janvier 2006, le HCR hébergeait 66 000 réfugiés congolais en Zambie, et recensait 312 000 déplacés au Katanga. Gédéon et son groupe milicien se livrèrent à la force internationale de l’ONU pour le Congo, la MONUC, en mai 2006, afin de participer aux opérations de DDR (désarmement, démobilisation, réinsertion) qui étaient alors en cours, notamment par l’intégration des principaux responsables miliciens dans l’armée nationale. Mais en raison de la gravité des crimes dont il était accusé, et des rapports d’ONG locales et internationales le concernant, il fut finalement livré à la justice militaire congolaise, et condamné à mort en mars 2009, sans être exécuté. La fin de la guerre et la démobilisation du mouvement mayi-mayi furent suivies de missions d’évaluation de la situation de la population locale, et rendirent aussi possible le retour des déplacés internes (qui rentrèrent spontanément à Pweto à partir de 2004, et surtout de 2005), et des réfugiés (encadrés par le HCR et une série d’ONG prestataires, entre 2006 et 2010). Ainsi, l’un de ces rapports posait : « La situation sécuritaire est calme dans la zone évaluée. Le calme est revenu et la situation politique s’est stabilisée dans cette partie du territoire de Pweto7 ».

            Les processus que nous venons d’évoquer sont fréquemment pensés au Congo (comme ailleurs) sous la catégorie du « post-conflit », à travers l’organisation du « retour à la paix » par des dispositifs publics ou de tutelle internationale, et le soutien complexe d’opérateurs internationaux, gouvernementaux ou non, chacun ayant ses propres logiques. Après une guerre de grande ampleur, des dispositifs militaires, civils et institutionnels visent à encadrer à la fois le retour à la paix et le retour des réfugiés, qui sont décrits dans une considérable littérature technique, en même temps qu’ils sont souvent réfléchis, déconstruits et critiqués par les sciences sociales. Les aspects militaires du post-conflit se déploient simultanément sous la forme d’opérations de DDR et de RSS (réforme des services de sécurité8 : il s’agit de collecter et de détruire les armes des groupes armés, de rassembler les combattants dans des centres de démobilisation, d’encadrer leur retour à la vie civile pour la plus grande partie d’entre eux, et leur insertion dans les troupes armées régulières pour les autres. Ce dernier point s’accompagne de l’affirmation de standards de « bonne gouvernance » dans les usages publics de la force armée. Dans le nord-Katanga, une série d’opérateurs ont joué en ce sens : des organisations congolaises ont agi à un niveau local, tel le PAREC9, avec un programme d’échange des armes contre des vélos ou des tôles, offrant à chaque personne apportant une arme à feu un vélo, un coupon de tissu, un pantalon, une chemise, une houe, un tee-shirt et 2500 francs congolais (de quoi acheter trois kilos de riz ou le double de farine de maïs). Des ONG internationales comme MAG10 ont contribué au déminage, à la collecte des engins non explosés ou à la destruction des armements recueillis lors du processus de DDR. La réforme de l’armée et de la police, pour tenter d’en faire des opérateurs publics plutôt que les représentants de groupes partisans, a été entreprise à travers la formation des services de sécurité par la MONUC (devenue MONUSCO en 2010) ou par des programmes de coopération intergouvernementale (belge en particulier).

Ces actions de démilitarisation s’inscrivent dans un cadre plus large d’institution des conditions de la paix, du développement ou de l’autonomie, pensée avant tout comme modèle d’action publique (nationale ou internationale, avec des opérateurs qui peuvent être intergouvernementaux, locaux, associatifs, etc). Soit la liste, parfaitement typique, des « actions prioritaires à court terme » du « Programme de stabilisation et de reconstruction des zones sortant des conflits armés », créé par Ordonnance présidentielle congolaise du 29 juin 2009, et qui devait encadrer l’organisation de ces actions, si possible de manière concertée, dans les parties de l’est du Congo traversées par la guerre :

– Domaine sécuritaire : casernement des militaires ; déploiement de la police dans les zones jadis occupées par les groupes armés.

– Domaine humanitaire : retour des déplacés internes et des réfugiés dans leurs milieux d’origine.

– Domaine économique : construction, réhabilitation et ouverture des routes d’intérêt national, provincial et de desserte agricole ; préparation des dossiers des zones sinistrées ; appui à la sécurité alimentaire ; industrialisation dans les secteurs agricoles et miniers11.

C’est dans un cadre comparable, mais sous responsabilité internationale, qu’eut lieu entre 2006 et 2010, avec l’appui d’un ensemble de partenaires associatifs, l’opération de rapatriement à Pweto des réfugiés congolais hébergés dans les camps du HCR en Zambie, à Kala et Mwange, dont certains étaient originaires du Territoire de Pweto, et de nombreux autres originaires de parties plus septentrionales du Katanga (Moba-Kalemie, sur le lac Tanganyka) et dans une moindre mesure du Sud-Kivu. Dans de telles situations, un organisme des Nations Unies — OCHA12— est particulièrement chargé de la coordination humanitaire, notamment à travers la définition de groupes de travail entre agences et ONG (ou « clusters ») prenant en charge tel ou tel dossier : protection, santé, eau, hygiène et assainissement, sécurité alimentaire et nutrition, logistique, éducation, etc. Cette opération encadrée de rapatriement de grande ampleur des réfugiés contraste avec le retour spontané des déplacés (IDPs). Après leur retour au Congo, une partie importante d’entre eux ont choisi de rester installés dans le territoire de Pweto, en raison de l’insécurité persistant plus au nord, et de la protection qu’ils pouvaient espérer trouver à Pweto suite aux investissements politiques et économiques d’Augustin Katumba Mwanke, devenu entre temps le principal (et richissime) conseiller du nouveau président Joseph Kabila, notamment pour les affaires économiques et minières13. Le processus organisé par le HCR de rapatriement de civils, entraîna la distribution aux retournés d’aide alimentaire (via le PAM14 et de « kits de réinstallation » ; en même temps qu’étaient lancés des projets de développement (ISF15, GTZ16 ; de suivi psychologique des retournés, via CVT17 ; de santé, en particulier pour traiter les épidémies de choléra, via Médecins sans frontières-Espagne ; et un certain nombre de « projets multisectoriels » — allant du forage de puits à la réfection de bâtiments publics, de l’assainissement de domiciles privés à la réhabilitation agricole, de la promotion de la santé à la microfinance, projets multisectoriels menés à Pweto notamment par ADRA18, UMCOR19 et ACTED20. Parmi les bénéficiaires de ces projets, et notamment du rapatriement opéré par le HCR, une attention particulière a été accordée aux « vulnérables », catégorie de l’action internationale regroupant les plus démunis et les plus isolés des bénéficiaires, notamment parmi les femmes, les enfants, les vieillards, les infirmes21. Ainsi est apparu à Pweto un quartier connu comme étant celui « des vulnérables », où leurs nouvelles maisons en tôles suscitent quelque jalousie.

Le dispositif ainsi défini tel qu’il s’est déployé à Pweto, en particulier entre 2006 et 2010, est tout à fait typique des interventions internationales « post-conflit » visant de manière implicite un retour à l’ordinaire. On peut très légitimement faire l’analyse, la critique, le dépeçage catégoriel de ce dispositif et de ses effets pervers — notamment le silence des bénéficiaires qu’il organise, leur réduction au statut de victimes, voire de corps, les effets de seuil dans la définition des bénéficiaires, etc. Dans ce cadre analytique et critique, très largement prédominant dans ce qui s’écrit sur le Congo aujourd’hui, y compris en sciences sociales, c’est le plus souvent le moment de la crise elle-même puis son immédiat après-coup qui sont privilégiés, au détriment de processus de plus longue durée. Dans le langage partagé par les institutions internationales, la majorité des ONG de développement et de démocratisation, et certains politistes, la reconstruction de l’État et le renforcement de la société civile sont l’objet privilégié d’une approche technique, conditionnant les relations d’aide économique avec des donateurs institutionnels : la « construction de la paix » (peacebuilding) est alors le langage d’une intervention internationale normative22, insistant sur la reconstruction de la justice, de l’armée et de la police, sur la démocratisation politique et sur la « bonne gouvernance »23. On peut alors analyser les modalités de circulation des techniques de pacification « par le haut » et « par le bas » et de reconstruction sociale24, le développement du modèle de la justice transitionnelle (commissions vérité et réconciliation) pour le retour à la paix, concurremment à un modèle de justice internationale, l’usage des catégories et des pratiques du soin physique et psychique, les continuités entre les actions de développement et celles de l’intervention coloniale et missionnaire, etc.

L’ordinaire des gens ordinaires

Dans un contexte de moindre actualité de la guerre, quelles sont les formes et les procédures de redéfinition de l’ordre et de la légitimité politique, de reconversion des pratiques violentes, de construction de nouveaux rapports sociaux ? C’est pour saisir autrement l’expérience de ce qu’il n’est sans doute pas aisé de penser alors comme un retour à l’ordinaire que j’ai commencé une enquête dans la région de Pweto, après la fin (en 2010) du programme du HCR de retour des réfugiés, et le départ subséquent de l’immense majorité des organisations urgentistes qui l’accompagnaient à différents titres (MSF, CVT, MAG, parmi d’autres). Je cherche ainsi à dépasser l’opposition du conflit et du « post-conflit », en procédant à plusieurs déplacements. Enraciner l’enquête en un lieu singulier permet d’accéder à un ensemble d’enjeux sociaux plus généraux que le seul moment de la sortie du conflit, et aux formes d’historicisation et de subjectivation de passés violents, à l’actualité rémanente des conflits et aux formes d’historicité qu’elle mobilise comme au poids des constructions juridiques coloniales dans des espaces post-coloniaux, et à la compréhension de l’État à partir de ses acteurs locaux et des intérêts propres qu’ils développent. Ainsi, l’articulation de durées plus longues peut être substituée à une focalisation sur la crise et sur la réforme des institutions.

Il s’agit de s’enraciner dans la condition empirique des sciences sociales, en faisant tout d’abord le choix de l’ethnographie : comme l’écrit Claude Imbert, « Emprunterait-on à l’ethnographie, viserait-on une « micro-histoire », l’avantage attendu n’est pas un surcroît de concrétude mais bien de préparer d’autres prises de réel, au prix coûtant d’une autre intelligence25 ». C’est faire le pari que l’expérience ethnographique, par le type de matériaux qu’elle produit, par l’interlocution et l’interaction26, donne accès à des discursivités et des visibilités autres que celles du discours cadrant l’action publique, et définit ainsi un accès descriptif à une expérience que nous pouvons prendre le parti d’appeler ordinaire : il s’agit alors de prendre pour point de départ la manière dont les acteurs évoquent leur propre situation, et éventuellement leur propre vulnérabilité – non plus comme catégorie d’action du HCR, ou comme assignation victimaire, mais plutôt pour essayer d’écrire d’une autre façon ce qui vient après le conflit, tout comme l’ethnologue Carolyn Nordstrom s’est employée à écrire une autre sorte d’histoire de guerre27, A different kind of war story, en mettant en avant la fragilité des acteurs, leur expérience de la blessure, physique et morale, comme constitutive de la relation au monde, leur expérience de l’exposition, en même temps que leur activité et leur énergie au sein d’une telle situation sociale28. Cette intention ouvre un problème méthodologique immédiat dans l’enquête, celui de l’étrangeté de la position de l’enquêteur européen pour ses interlocuteurs29, et de la confusion possible des registres de son identification. Disons simplement qu’il y a des protocoles méthodologiques pour éviter dans des zones de post-conflit d’être pris pour un donateur ou pour un membre d’ONG, afin d’entendre autre chose que le discours formaté de présentation de soi comme victime que les ONG suscitent parfois en raison des droits à prestations qu’un tel discours ouvre30. Il s’agit de cette manière de ne pas partir de l’État, de sa faillite, de son renforcement ou de sa reconstruction ; ni non plus des combattants, des camps de réfugiés ou de l’actualité la plus grande des conflits ; mais bien plutôt de villages, de bourgs et de petites villes, de lieux de vie commune d’hommes et de femmes, où se tissent et se recomposent les liens sociaux, où s’inventent et se confrontent les appartenances et les identités, par enquête in situ, pour saisir l’après-coup de la crise comme un lieu à la fois banal et expérimental de dynamique sociale, et d’inscription des acteurs dans de nouvelles configurations de rapports de pouvoir – pas forcément comme un retour à l’état antérieur, à la normale ou à l’ordinaire31.

Donnons un exemple : à compter de septembre 2009, le chef coutumier et administratif Médard Mpweto, appuyé par un comité organisateur largement issu de l’association des originaires Babwile de Pweto, a organisé chaque année une cérémonie d’anniversaire de son investiture comme chef, qui constitue une forme de mobilisation des esprits ancestraux à la fois pour le bien-être du pays et pour le renforcement de sa propre autorité, par la visite de sites funéraires et la distribution d’offrandes propitiatoires, dans une forme d’invention de la tradition inspirée de nombreux modèles comparables dans la région, en particulier dans la Zambie voisine32. Au Congo, on peut penser que le contexte « post-conflit » a permis le tissage d’un lien étroit entre le chef Médard Mpweto et l’homme politique Augustin Katumba Mwanke, les deux notables cherchant après la guerre à renforcer leur autorité locale : Katumba était gouverneur du Katanga à l’intronisation de Mpweto en 1999, et il a contribué par ses moyens propres à la réfection des bâtiments de la chefferie. L’enjeu de la cérémonie est alors simultanément l’ancrage local de l’homme politique, l’affirmation de l’autorité du chef, et leur commun souci de faire des Babwile et de leur association d’originaires, l’Insaka, leurs relais locaux et les principaux interlocuteurs à Pweto de l’Etat comme des ONG (notamment face aux représentants des réfugiés Batabwa originaires du lac Tanganyka, et des Baluba33 voisins — les principaux partisans du mouvement « mayi-mayi » de Gédéon). La célébration des malheurs des Babwile est une composante centrale de la cérémonie, à travers les louanges adressés en mémoire des notables Babwile morts violemment (un ancien ministre de Mobutu, un ancien administrateur du territoire adjoint, un ancien homme politique), et la mobilisation collective autour de l’identité coutumière pour se protéger de tels malheurs. La cérémonie contribue ainsi à la construction d’un récit de l’histoire locale articulé autour de l’ethnicité et de l’ancestralité, contre des formes concurrentes possibles de mobilisation collective. Elle constituait aussi le lieu d’une alliance privilégiée de ce collectif avec un homme politique puissant.

Or, cette alliance est particulièrement importante dans le cadre économique de la vie commune, marquée par une précarité certaine. Il est particulièrement difficile d’apprécier l’évolution de la situation socio-économique locale par des indicateurs généraux, faute d’appareil statistique adéquat. La République Démocratique du Congo se situe à la dernière place du classement multivarié que constitue l’indice de développement humain du PNUD, et qui combine des indicateurs portant sur le revenu, la santé, l’éducation et les rapports de genre34. A l’échelle du Katanga, le dernier rapport du PNUD témoigne d’une forte pauvreté, en particulier rurale, d’un revenu mensuel moyen de 27 $ par actif, de 49 $ par ménage, d’une faible scolarisation et de conditions de santé médiocres35. Nous n’avons pas de données comparables à l’échelle du Territoire de Pweto. On peut toutefois dire qu’une agriculture villageoise s’est reconstruite, à partir de la production vivrière (et peu commercialisée) de maïs, de manioc, d’arachides, de haricots et de patates douces, à quoi s’ajoute parfois, pour les mieux installés, l’élevage de poules et de quelques chèvres. L’accès à la terre semble peu problématique, même pour les réfugiés Batabwa (qui, sans être originaires de Pweto, ont un accès à des terres relativement plus éloignées du centre administratif, et une réputation bien établie d’agriculteurs talentueux, par opposition aux Babwile tournés vers la pêche sur le lac Mwero). Mais la paix n’est pas seulement retour à une utopie d’auto-suffisance villageoise, à la succession des travaux et des jours, dans une région marquée de longue date par la prédation politique et l’usage de la violence dans le contrôle des corps et de la main-d’œuvre comme dans la captation des ressources (terres, richesses naturelles et minières, commerce extérieur). La production s’inscrit ici entre prédation et protection. Ainsi, il faut pour comprendre la construction de la « paix » s’intéresser aux modalités empiriques de conversion locale de la violence militaire en violence criminelle, en exploitation économique ou en pouvoir politique, et d’éventuelle concentration de son usage sous une forme monopolistique. Carolyn Nordstrom a montré comment les réseaux militaro-criminels de la guerre contribuent de manière ambivalente à la construction d’une économie de paix36. Mats Utas s’est de la même façon intéressé à la logique politique du patrimonialisme politico-économique, du patronage ou du parrainage, et aux continuités qu’elle révèle entre les temps de la guerre et de la paix37. Au Congo, le déploiement des activités capitalistiques s’appuie sur des positions de contrôle de l’activité économique dans l’Etat. Les grands hommes locaux apparaissent ainsi simultanément en position de prédation sur l’activité, d’investissement et de redistribution, avec toutefois une préférence marquée vers une réalisation rapide de la plus-value, réinvestie ailleurs qu’en République Démocratique du Congo. Pour les gens ordinaires, l’accès à un emploi salarié est le plus souvent directement conditionné par la proximité avec de puissants protecteurs : l’accès à l’emploi à Pweto, sur les mines de cuivre de Dikulushi et Kapulo, dans les entreprises de travaux publics ou de production agricole capitalistique, à la télévision locale était ainsi marqué par l’influence directe ou indirecte mais décisive d’Augustin Katumba Mwanke — tout comme la pêche sur le lac Mwero a pendant longtemps été contrôlée par d’autres entrepreneurs puissants (dont certains sont devenus des hommes politiques katangais importants). L’exploitation de l’or de Kasama, ou de la cassitérite produite plus à l’ouest, est organisée selon une logique de mise en dépendance à crédit38 des « creuseurs » artisanaux (des jeunes, des migrants, d’anciens enfants-soldats), par des commerçants ou des responsables de groupes armés (militaires ou miliciens) qui écoulent les minerais produits sur le marché international, par des réseaux marchands plus ou moins légaux39, traversant la Zambie, la Tanzanie, et Dubaï40.

Ni paix ni guerre

En septembre 2011, Gédéon Kyungu, le leader milicien qui avait terrorisé la région de Pweto entre 2003 et 2006, s’est évadé de prison, probablement avec d’importantes complicités extérieures. En février 2012, l’homme politique Augustin Katumba Mwanke est mort dans un accident d’avion. Ces deux événements ont révélé l’extrême fragilité des horizons temporels des habitants de Pweto. Alors que mes interlocuteurs témoignaient sans cesse lors de mon premier séjour d’enquête en 2011 de leur reconnaissance envers « l’honorable Katumba », « l’enfant de Pweto », et de leur confiance pour le développement de Pweto dans les prochaines années, la tonalité s’est radicalement transformée l’année suivante, à la fois en raison du licenciement d’un certain nombre d’employés des différentes entreprises liées à l’homme politique, et aussi du recrutement de nouveaux mayi-mayi par Gédéon Kyungu début 2012, menant à l’attaque de la garnison et du centre administratif de Pweto par une centaine d’enfants-soldats en août 2012, probablement pour récupérer des armes. Suite à cela, l’anniversaire de l’investiture du chef coutumier prévu en septembre 2012 a été supprimé et remplacé par un simple après-midi de méditation à la chefferie, en présence d’une partie des autorités administratives locales. En raison du développement considérable du mouvement milicien, articulé à un mouvement indépendantiste katangais de plus en plus affirmé, les troubles se sont multipliés, entraînant la fuite des villageois qui craignent tout autant les exactions des miliciens que les pillages des militaires. Si ce n’est pas tout à fait la guerre, ce n’est plus tout à fait la paix41. De telle sorte que selon des chiffres publiés par l’agence des Nations unies pour les affaires humanitaires (OCHA), au cours de la présentation de son plan d’action pour 2013, la province du Katanga compterait 316 000 déplacés internes en février 2013 contre 55 000 en janvier 2012 (soit un retour aux chiffres de 2006) — et de nouvelles enquêtes sont menées par les organisations internationales et humanitaires pour évaluer les besoins correspondants42. Par ailleurs, les délestages d’électricité et les limitations dans le fonctionnement de l’adduction d’eau, auxquels ne pallient plus les aides d’Augustin Katumba Mwanke, ont contribué à la reprise d’une épidémie de choléra à Pweto. On peut avoir des raisons de douter de l’exactitude de ces chiffres, mais quoi qu’il en soit, voici de nouveau l’ordinaire de la guerre envahissant l’ordinaire du village. Il n’est donc plus question de comprendre les formes de construction de nouveaux rapports sociaux dans un contexte pacifié. Je fais ainsi l’expérience que retourner à l’ordinaire du lieu singulier qu’est Pweto, en partageant certains aspects très partiels de l’expérience des gens ordinaires, c’est douter profondément du dispositif de retour à l’ordinaire orchestré par l’articulation du HCR, de l’action publique congolaise et des ONG locales et internationales43, ce qui implique de prendre une autre perspective, comparable au déplacement proposé par Foucault dans son cours de 1976, dans lequel il opposait au discours juridique lié à la souveraineté du roi et à l’obligation d’obéissance des sujets la nécessité de laisser place à un discours non étatique, qui réintroduise la complexité des actions réelles, la confrontation et la revendication des droits et des intérêts de chacun. Tenir compte des pratiques effectives dans les situations de conflit, s’intéresser aux mécanismes infinitésimaux, partir des relations de pouvoir dans leur diversité, leur hétérogénéité, leur historicité et leur complexité, c’est ainsi s’inscrire strictement dans le champ descriptif et analytique des sciences humaines empiriques44. C’est aussi penser le politique dans les espaces d’autonomie et d’initiative que chacun cherche à construire dans l’ensemble des situations sociales qu’il rencontre plutôt qu’au sein des seules institutions. Une telle perspective, nous dit M. Foucault, « se développe entièrement dans la dimension historique45 ».

La région de Pweto, aussi loin qu’on puisse remonter dans la connaissance historique qu’on en a, témoigne de moments d’actualisation par la violence de la virtualité qu’est la fragilité de chacun, dans une concurrence toujours renouvelée, et à chaque fois singulière, d’entrepreneurs politiques prédateurs : de l’expansion des Etats Luba (à l’ouest) et Lunda de Kazembe (au sud) au 18e siècle46 visant à contrôler les salines de Pweto et les richesses en poissons du lac Mwero, aux interventions menées tout au long du 19e siècle par des traficants d’esclaves Swahili organisant les caravanes approvisionnant Zanzibar (dont le célèbre Tippo-Tip, Kafindo à Pweto, Simba sur le lac Mwero, etc.47, et à l’expansion des relations tributaires des commerçants d’ivoire Yeke de Msiri48. Le temps de la colonisation belge fut marqué par la mise en œuvre de formes très violentes de conquête49, puis d’administration indirecte et de cultures obligatoires dans les années 1930 pour approvisionner le développement de la ville minière de Lubumbashi. L’indépendance du Congo et la sécession katangaise (1960-1963) donna lieu à une véritable guerre civile à Pweto, avant la zaïrianisation des entreprises dans les années 1970, conduisant à un système de dépouilles pour les plus proches du régime, dans ce qui a été qualifié de kleptocratie mobutiste50 : autant de formes diverses du primat de l’extorsion, du prélèvement, de la prédation, sur les tâches toujours recommencées de la production et de la reproduction. Bref, comme l’écrit l’anthropologue Michael Taussig de la Colombie, s’inspirant de Walter Benjamin, c’est l’état d’exception, et la terreur, comme d’habitude51. Approcher la réalité par la violence, l’incertitude et la précarité sociale conduit à dire comme Benjamin que « La tradition des opprimés nous enseigne que l’« état d’exception » dans lequel nous vivons est la règle52 ». Cela ouvre un programme de recherche, c’est-à-dire d’écriture, qui n’est plus celui du retour à l’ordinaire :

Comprendre : élever sa colère devant la violence du monde — élever, symétriquement, son empathie devant la souffrance du monde — à la hauteur d’une pensée, d’un travail. Mais d’un travail qui n’oublie, dans sa précision scrupuleuse, ni la colère, ni l’empathie. Comprendre : exercer deux fois sa patience. Une fois pour le pathos (la souffrance, le temps subi), une fois pour la forme (la connaissance, le temps reconstruit ou remonté)53.

 

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NOTES

  1. S. Fauchereau, Lecture de la poésie américaine, Paris, Somogy, 1998, p. 34.[]
  2. Shijing, ici poème 233.[]
  3. G. Didi-Huberman, Peuples exposés, peuples figurants. L’œil de l’histoire 4, Paris, Editions de Minuit, 2012, p. 243.[]
  4. Région frontalière avec la Zambie ; le centre administratif de Pweto est situé au bord du lac Mwero.[]
  5. E. Kasongo Lenge Mukonzo, Enquête de base du Projet d’amélioration des moyens d’existence de la population du territoire de Pweto – Haut Katanga (PAMEP-GTZ), Pweto, GTZ, 2010.[]
  6. Voir J. Stearns, Dancing in the glory of monsters. The collapse of the Congo and the great war of Africa, New York, Publicaffairs, 2011, p. 271-276.[]
  7. Enquête Multi Sectorielle dans le territoire de Pweto 2 du 7 au 19 juillet 2007, Lubumbashi, mult., 2007, 16 p.[]
  8. Les acronymes que nous employons sont utilisés de manière habituelle dans la littérature concernée, et constituent un élément très typique de ce jargon technique qui l’éloignent du langage ordinaire.[]
  9. Programme œcuménique de paix, transformation des conflits et réconciliation.[]
  10. Mines advisory group.[]
  11. J. Hangi Binini,Défis de stabilisation et reconstruction des zones sortant des conflits armés : mission du programme STAREC, s.l., mult., 2009, p. 5.[]
  12. Office for the coordination of humanitarian affairs.[]
  13. J. Stearns, op. cit., p. 318-321.[]
  14. Programme alimentaire mondial.[]
  15. Ingénieurs sans frontières.[]
  16. Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit, devenu depuis lors Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, GIZ.[]
  17. The Center for victims of torture, dont les objectifs s’énoncent ainsi : « strengthening post-conflict communities ; healing individuals ; rebuilding civil society » (renforcer les communautés après les conflits ; soigner les individus ; reconstruire la société civile).[]
  18. Adventist development and relief agency.[]
  19. United methodist committee on relief.[]
  20. Agency for technical cooperation.[]
  21. M. Agier, « Le camp des vulnérables. Les réfugiés face à leur citoyenneté niée », Les Temps Modernes, no 627, 2004, p. 120-137.[]
  22. M. Agier, Gérer les indésirables. Des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, Paris, Flammarion, 2008.[]
  23. R. Marchal, « Terminer une guerre », dans R. Marchal & C. Messiant (éds), Les chemins de la guerre et de la paix. Fins de conflit en Afrique orientale et australe, 1997, p. 5-48.[]
  24. Voir S. Autesserre, « Construire la paix : conceptions collectives de son établissement, de son maintien et de sa consolidation », Critique internationale, no 51, 2011, p. 153-167 ; S. Dezalay, « Des droits de l’homme au marché du développement. Note de recherche sur le champ faible de la gestion de conflits armés », Actes de la recherche en sciences sociales, no 174, 2008, p. 68-79 ; S. Lefranc, « Convertir le grand nombre à la paix…. Une ingénierie internationale de pacification », Politix, no 80, p. 7-29 et « Du droit à la paix. La circulation des techniques internationales de pacification par le bas », Actes de la recherche en sciences sociales, no 174, 2008, p. 48-67 ; K. Vanthuyne, « Les contradictions d’une reconstruction démocratique “par le bas”. Le Guatemala dans l’après-conflit civil armé », Politix, no 80, 2007, p. 81-107.[]
  25. C. Imbert, « Le cadastre des savoirs. Figures de connaissance et prises de réel », dans J.‑C. Passeron & J. Revel (éds), Penser par cas, Paris, Éditions de l’ehess, 2005, p. 257.[]
  26. Voir M. Naepels, « L’épiement sans trêve et la curiosité de tout », L’Homme, no 203-204, 2012, p. 77-102.[]
  27. C. Nordstrom, A Different Kind of War Story, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1997.[]
  28. Voir en particulier J. Butler, Vie précaire. Les Pouvoirs du deuil et de la violence après le 11 septembre 2001, Paris, Amsterdam, 2005 et Ce qui fait une vie. Essai sur la violence, la guerre et le deuil, Paris, Zones, 2010 ; V. Das, Life and words. Violence and the descent in the ordinary, Berkeley, University of California Press, 2007 ; E. Ferrarese « Vivre à la merci. Le care et les trois figures de la vulnérabilité dans les théories politiques contemporaines », Multitudes, no 37-38, 2009, p. 132-141 et « Les vulnérables et le géomètre. Sur les usages du concept de vulnérabilité dans les sciences sociales », Raison Publique, no 14, 2011, p. 17-37 ; M. Gaille, 2011, « Vulnérabilité », dans M. Marzano (éd.), Dictionnaire de la violence, Paris, Presses Universitaires de France, 2011, p. 1440-1449 ; C. Gautier & S. Laugier (éds), L’ordinaire et le politique, Paris, Presses Universitaires de France, 2006 ; S. Laugier, « L’éthique comme politique de l’ordinaire », Multitudes, no 37-38, 2009, p. 80-88.[]
  29. Voir M. Naepels, « Une étrange étrangeté. Remarques sur la situation ethnographique », L’Homme, no 148, 1998, p. 185‑199 [réédité dans Ethnographie, pragmatique, histoire, Paris, Publications de la Sorbonne, 2011].[]
  30. Voir M. Utas, Sweet Battlefields : Youth and the Liberian Civil War, Uppsala, University Dissertations in Cultural Anthropology, 2003.[]
  31. Voir V. Das, A. Kleinman, M. Lock, M. Ramphele & P. Reynolds (éds), Remaking a World. Violence, Social Suffering and Recovery, Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 2001.[]
  32. Voir D. Gordon, « The Cultural Politics of a Traditional Ceremony: Mutomboko and the Performance of History on the Luapula (Zambia) », Comparative Studies in Society and History, 46 (1), 2004, p. 63-83 ; P. Petit, « “Be proud to be Bwile : it is your tribe !” Ethnicity, Political Jubilees and Traditions of Origins among the Bwile of Zambia », dans T. Otto & P. Pedersen (éds), Tradition and Agency. Tracing cultural continuity and invention, Aarhus, Aarhus University Press, 2005, p. 50-82.[]
  33. Les collectifs « Babwile », « Batabwa » ou « Baluba » sont localement mis en avant en tant que groupes « culturels » ou « ethniques ». Ba- est un préfixe pluriel servant à désigner les groupes humains dans les langues bantoues parlées dans la région.[]
  34. PNUD, Rapport sur le développement humain 2013. L’essor du Sud : le progrès humain dans un monde diversifié, New York, Programme des Nations Unies pour le Développement, 2013, p. 159.[]
  35. PNUD, Province du Katanga. Profil résumé Pauvreté et conditions de vie des ménages, Kinshasa, mult., 2009, 20 p.[]
  36. C. Nordstrom, Shadows of War. Violence, Power, and International Profiteering in the Twenty-First Century, University of California Press, 2004.[]
  37. M. Utas (éd.), African Conflicts and Informal Power: Big Men and Networks, Londres, Zed Books, 2012.[]
  38. A l’image des forestiers brésiliens décrits par Christian Geffray, Chroniques de la servitude en Amazonie brésilienne : essai sur l’exploitation paternaliste, Paris, Karthala, 1995.[]
  39. J. Roitman, Fiscal Disobedience: An Anthropology of Economic Regulation in Central Africa, Princeton, Princeton University Press, 2005.[]
  40. « Des éléments portent à croire que pendant la Transition, des Maï-Maï à Mitwaba ont collaboré avec les FARDC à l’exploitation des ressources naturelles en échanges d’armes. Alors que les Maï-Maï se chargeaient de la plus grosse partie du creusage, l’armée achetait les minerais et les revendait au marché. Les livraisons d’armes aux Maï-Maï ont probablement continué jusqu’en 2006. Ils affirment que les armes ont été échangées contre de l’or, des pierres précieuses et d’autres objets de valeur. Les Maï-Maï de Gédéon ne quittent pas leurs campements provisoires de Mitwaba car ils attendent leur intégration dans le programme de réinsertion. », S. Spittaels & N. Meynen, Cartographie des intérêts dans les zones de conflit : le cas du Katanga, Anvers, IPIS, 2007, p. 35.[]
  41. P. Richards (éd.), No Peace, No War: An Anthropology of Contemporary Armed Conflicts, Athens, Ohio University Press / Oxford, James Currey, 2005.[]
  42. Rapport de la mission inter-cluster à Pweto du 4 au 11 février 2013, 2013, Lubumbashi, mult., 24 p.[]
  43. S. Autesserre, The Trouble with the Congo : Local Violence and the Failure of International Peacebuilding, New York, Cambridge University Press, 2010.[]
  44. M. Foucault, « Il faut défendre la société ». Cours au Collège de France 1975-1976, Paris, EHESS-Gallimard-Seuil, 1997, p. 34 ; voir aussi « La philosophie analytique de la politique », 1978, dans Dits et Ecrits II,no 232, Paris, Gallimard (« Quarto »), p. 534-551, et « Le pouvoir, comment s’exerce-t-il ? », dans H. Dreyfus & P. Rabinow, Michel Foucault, un parcours philosophique, Paris, Gallimard, 1984, p. 308‑321.[]
  45. Ibid., p. 47-48.[]
  46. J. Vansina, Les anciens royaumes de la savane, Léopoldville, Université Lovanium 1965 ; T. Reefe, The Rainbow and the Kings: A History of the Luba Empire to 1891, Berkeley & Los Angeles, University of California Press, 1981 ; G. Macola, The Kingdom of Kazembe: History and Politics in North-Eastern Zambia and Katanga to 1950, Hambourg, LIT Verlag, 2002.[]
  47. Voir Tippo-Tip (Hamed ben Mohammed El-Murjebi), 1974, Autobiographie de Hamed ben Mohammed el-Mujerbi Tippo Tip (c. 1840-1905), Edition et traduction C. Bontinck, Bruxelles, Académie royale des Sciences d’Outremer, Classe des Sciences morales et politiques, XLII-4, 1974.[]
  48. H. Legros, Chasseurs d’Ivoire: une histoire du Royaume Yeke du Shaba (Zaire),Bruxelles, 1996 ; E. M’Bokolo, Msiri, bâtisseur de l’ancien royaume du Katanga, Shaba,Paris, ABC, 1976.[]
  49. Voir A. Roberts, A Dance of Assassins. Performing Early Colonial Hegemony in the Congo, Bloomington & Indianapolis, Indiana University Press, 2013.[]
  50. J. MacGaffey (éd.), The Real Economy of Zaïre. The Contribution of Smuggling and Other Unofficial Activities to National Wealth, Philadelphie, University of Pennsylvania press, 1991 ; A. Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000.[]
  51. M. Taussig, « Terror as usual : Walter Benjamin’s Theory of History As A State of Siege », Social Text, no 23, 1989, p. 3-20.[]
  52. W. Benjamin, « Sur le concept d’histoire », dans Œuvres III, Paris, Gallimard, 2000 [1940], p. 433.[]
  53. Georges Didi-Huberman, Remontages du temps subi. L’œil de l’histoire, 2, Paris, Editions de Minuit, p. 181.[]
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