Ce dossier reprend les actes de la journée d’étude et de la table ronde d’écrivains organisées par le Groupe phi (CELLAM, Université Rennes 2) et New York University (avec la collaboration de l’ANR « Pouvoir des arts ») le 9 novembre 2012 à NYU en France.
Que revêt le syntagme « fiction politique » : serait-ce un sous-genre du roman ? une figure d’engagement énonciatif ? une modalité de l’ethos auctorial ? un effet de lecture ? une expression en son fond pléonastique ? voire une pure chimère théorique ? À dire vrai, les mots « fiction » et « politique » ne font pas forcément aussi bon ménage qu’on pourrait le penser a priori, et la question se pose de savoir comment les associer sur le plan lexical (syntagmatique) et sémantique. Car quand bien même l’on partirait d’une formule simple – « fiction politique », où la « fiction » est substantive et où « politique » est un simple adjectif qui la qualifie (et en restreint l’extension) –, dès lors que l’on déplie le qualificatif, on peut le rattacher à plusieurs usages substantivés de « politique » : signifie-t-il du politique ou de la politique ? Ou seulement de la « police », pour poursuivre du côté des distinctions qu’a établies Jacques Rancière (le grand absent-présent de ce volume), en comptant (la politique) ou non (la police) la « part des sans-part1» ? Et si l’on change de langue (puisque c’était l’un des objets, également, de cette journée d’étude : penser en anglais la fiction politique), la difficulté demeure, inchangée – puisque « Political Fiction » peut recouvrir aussi bien les syntagmes de Fiction of the Politics / the Political /the Policy / or the Police – selon des partages sémantiques en partie distincts du français –sans qu’aucune évidence ne s’impose davantage.
Sommaire
Emmanuel Bouju, “La Fiction politique : hypothèses”
Emily Apter, “Fictions politiques, démarches impolitiques”
Marie-Eve Thérenty, “Les mystères urbains ou triomphes et échecs de la fiction politique au XIXe siècle”
Nicholas White, “Entre Flaubert et Rancière : le sort du métadiscours politique dans la fiction de la IIIème république”
Jacques-David Ebguy, “Reconfigurer le sensible : la fiction politique selon Jacques Rancière”
Gisèle Sapiro, “Politique de la fiction et fictionnalisation du politique face aux limites de la liberté d’expression”
Marc Crépon, “De la peur de mourir (trois récits russes)”
David Cunningham, “The Historical Novel of Contemporary Capitalism”
Nicole Caligaris, “Déréaliser le désert”
Noémi Lefevbre, “Réaliser le refus de la psychologie”
Alban Lefranc, “Ne dominez pas vos rats”
Ce dossier a tout d’abord fait l’objet d’une première parution dans la revue papier : Raison publique, 2014. Il est désormais intégralement accessible en ligne.
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NOTES
- J. Rancière, Aux bords du politique [édition augmentée], Paris, Gallimard, Folio essais, 1998, p. 239.[↩]