Le travail de l’oeuvre Claude Lefort
Raison publique, n°23, mai 2019
Broché : 236 pages
ISBN-10 : 2900337046
ISBN-13 : 978-2900337042
16 euros
Volume disponible sur Cairn, en librairies et sur les sites de librairies en ligne, telles que BOD.
Dossier coordonné par Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère
Avec des contributions de Judith Revel, Warren Breckman, Etienne Tassin, Antoine Chollet, Serge Audier, Jean-Yves Pranchère, Daniel Tanguay, Nicolas Poirier.
Nous ne vivons plus, comme Claude Lefort dans les années 1940 et 1950, dans l’espoir d’un possible socialisme démocratique et conseilliste annoncé par « l’expérience prolétarienne ». Nous ne pensons plus, comme Lefort dans les années 1960, 1970 et 1980, dans l’horizon d’une menace totalitaire incarnée par des régimes bureaucratiques ayant monopolisé à leur profit le nom de « communisme ». Comme Lefort eut cependant le temps de l’entrevoir à l’issue des années 1990 et 2000, nous constatons que la globalisation capitaliste a de moins en moins le sens d’une mondialisation (qui devrait être le partage d’un monde commun) et prend la tournure d’un processus de « dé-démocratisation » dans lequel le démantèlement de l’Etat social nourrit un nationalisme revivifié et des modes de gouvernance autoritaire qui mettent en danger l’Etat de droit libéral lui-même.
Ce nouvel horizon de menaces, nous pouvons le penser avec Lefort, pourvu que nous appliquions à son œuvre les principes mêmes qu’il n’a cessé de mettre en jeu dans les lectures qu’il nous a données de Machiavel, de Tocqueville, de Marx, de Michelet ou de Quinet : suivre la trace du « travail de l’œuvre », de ce mouvement par lequel toute pensée non idéologique, faisant l’épreuve du réel dans ses contradictions, se porte au-delà d’elle-même ; penser « à l’épreuve de l’événement » – qui n’est plus l’effondrement totalitaire, mais la menace de cette nouvelle confusion du droit, du pouvoir et du savoir qui est au cœur du projet néolibéral, et qui peut faire alliance avec le nationalisme qu’il suscite comme sa propre compensation ; prendre garde à la « complication » qui entrelace sans les confondre les différentes dimensions de l’espace social et qui nous oblige, lisant Lefort, à rapporter les plis de l’œuvre aux plis de l’histoire qu’ils épousent.
Justine Lacroix est professeure de sciences politiques à l’Université libre de Bruxelles. Ses recherches portent sur la philosophie politique contemporaine et les dimensions normatives de l’intégration européenne.
Jean-Yves Pranchère, ancien élève de l’École Normale supérieure, est membre du Centre de Théorie Politique de l’Université libre de Bruxelles, où il enseigne au département de Sciences politiques. Il est l’auteur de travaux sur les traditions “antimodernes” dans leurs liens aux questions de la nation et de la laïcité.
Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère ont publié ensemble, en 2016, Les Procès des droits de l’homme. Généalogie du scepticisme démocratique (Paris, Editions du Seuil). Cet ouvrage a été publié en anglais, sous le titre Human Rights on Trial : A Genealogy of the Critique of Human Rights, par Cambridge University Press (2018).
Sommaire du numéro
Le travail de l’oeuvre – Claude Lefort
- “Introduction”, par Justine Lacroix & Jean-Yves Pranchère
- “Portrait de Claude Lefort en jeune homme”, par Judith Revel
- “Retour sur « l’idéologie invisible » selon Lefort”, par Warren Breckman
- “De la division”, par Etienne Tassin
- “Deux figures du pouvoir ?”, par Antoine Chollet
- “Quel individualisme démocratique ? Claude Lefort face aux discours contemporains sur l’individu”, par Serge Audier
- “La démocratie indéfinie et les « limites de l’autonomie ». Claude Lefort entre « principe d’anarchie » et « libéralisme »”, par Jean-Yves Pranchère
- “Permanence du théologico-politique dans la démocratie moderne”, par Daniel Tanguay
Claude Lefort et l’indétermination romanesque, par Nicolas Poirier
Varia
“L’éthique à l’épreuve de la Gestation pour autrui (GPA)”, par Christophe Salvat
“Les politiques de la mort, lieu du réenchantement argumentatif”, par Claude Proeschel
“L’articulation individu-collectif dans les théories de l’éducation scolaire”, par Sébastien Urbanski
Critiques
“Tolstoï et la lutte contre l’autocratie” – à propos de : Léon Tolstoï, Les Insurgés. Cinq récits sur le tsar et la révolution, traduit du russe, présenté et annoté par Michel Aucouturier, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2017 – par Jean-Baptiste Mathieu