Du suffrage universel à la participation universelle. Pour une obligation libérale de se rendre aux urnes
Peut-on, dans un régime politique soucieux de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles, mettre en place une obligation légale de se rendre aux urnes ? Une réflexion très actuelle de la politiste Justine Lacroix (Université libre de Bruxelles).
Une défense libérale du vote obligatoire est-elle possible1 ? De prime abord, la réponse ne semble guère faire de doute. C’est instinctivement qu’on oppose le principe d’une obligation civique à la primauté des droits individuels. Et c’est toujours sur ce même mode spontané qu’on se représente le débat entre partisans et adversaires du vote obligatoire sous la forme d’un affrontement entre, d’une part, les tenants d’une démocratie «coercitive » où l’égale participation de tous pourrait justifier certaines inflexions de la liberté privée et, d’autre part, les tenants d’un républicanisme libéral où l’intégration civique ne saurait en aucun cas être acquise au prix d’une atteinte portée aux droits des individus. Pour certains de ses détracteurs les plus acharnés, le vote obligatoire relèverait même d’une tentation « totalitaire » et n’aurait tout simplement pas sa place dans le vocabulaire des démocraties libérales2.
En outre, pour envisager la possibilité même d’une telle obligation civique, le libéralisme politique apparaît singulièrement mal armé. On sait à quel point la pensée libérale reste souvent, en France, assimilée à une mouvance de pensée aux vues étroitement individualistes, et donc relativement indifférente à la question de la participation politique des citoyens. En d’autres termes, si l’on veut réfléchir aux moyens de stimuler la participation démocratique (et a fortiori soulever la question d’une obligation civique) on n’aurait d’autre choix que de se tourner vers d’autres paradigmes de la pensée politique – et notamment vers des formes renouvelées de républicanisme.
C’est précisément cette grille d’interprétation que j’aimerais contester ici en commençant par réfuter l’assimilation trop fréquente du libéralisme politique à un pur agencement des libertés individuelles. En réalité, la pensée libérale – celle de Locke, de Tocqueville, de Mill, mais aussi celle de Constant et celle de Rawls, se signale bien par sa volonté de conjuguer la défense de l’indépendance individuelle et l‘exercice collectif de la liberté. C’est pourquoi il n’est pas forcément nécessaire d’en appeler à une théorie républicaine « forte » – dont on peut craindre qu’elle n’ait plus guère de pertinence pratique dans nos sociétés complexes et pluralistes – pour intégrer l’importance de la participation politique.
Cependant, il ne s’agit pas seulement ici de se demander si le libéralisme politique peut ménager une place digne de ce nom à l’autodétermination collective, mais bien de savoir si le paradigme libéral peut se concilier avec une obligation de participation. Sur ce point, l’exercice peut sembler plus délicat, dans la mesure où tant ses détracteurs que la plupart de ses partisans s’accordent à considérer le vote obligatoire comme une atteinte aux droits individuels – et ce, même si cette atteinte est justifiée en tant qu’elle serait « minime » ou « nécessaire » pour atteindre les autres biens d’une société démocratique, tels ceux liés à l’égalité sociale. Mais, à nouveau, on peut se demander si cette opposition entre« liberté des individus » et « obligation civique » n’est pas aussi hâtive que celle dressée entre « libéralisme » et « participation politique ». C’est pourquoi j’aimerais avancer l’idée que, loin de constituer un dommage porté à la primauté des libertés individuelles, l’obligation de se présenter au bureau de vote peut être envisagée comme la condition de réalisation du principe d’égale liberté qui est au cœur du paradigme libéral. En me fondant, notamment, sur certaines des ressources présentes au sein du modèle rawlsien, j’aimerais proposer une défense résolument non-utilitariste d’une obligation légale de se rendre aux urnes.
Libéralisme et participation politique
Depuis la Renaissance, le libéralisme politique s’est articulé autour d’une exigence centrale3 : « celle d’un gouvernement de la liberté pour la protection d’un sujet moral et politique qui est habilité à juger des actes du pouvoir qu’il a institué4 ». Le credo du libéralisme, c’est d’abord l’affirmation radicale de la liberté individuelle et du respect de l’autonomie de chacun. Cet engagement pour la liberté du sujet se retrouve au sein de toutes les positions qu’on peut qualifier de « libérales » – que ce soit chez Kant, Constant, Mill, Tocqueville ou, plus près de nous, chez Rawls, Dworkin ou Habermas. Pour les libéraux, la liberté, « cet unique droit originaire qui appartient à tout homme en vertu de son humanité5 » est « le but de toute association humaine ; sur elle s’appuie la morale publique et privée ; sur elle reposent les calculs de l’industrie, sans elle il n’y a pour les hommes ni paix, ni dignité, ni bonheur6 ». Bien sûr, on ne peut en rester là, sauf à négliger le fait que le vocable même de liberté n’a jamais cessé d’être un objet de controverse. Dans le même temps, affirmer – comme le fit Isaiah Berlin – que les libéraux ne peuvent défendre qu’une forme de liberté est sans doute aussi dogmatique que réducteur. A la suite de Berlin, puis d’Hayek, en effet, il est devenu courant de considérer que la liberté « négative » – ou plutôt une conception individualiste de la liberté – est la seule forme de liberté vraiment moderne, tandis que la liberté « positive » qui appelle in fine un exercice collectif de la liberté – est volontiers renvoyée à une position pré-moderne ou antilibérale. D’où l’assimilation fréquente du libéralisme à une forme de privatisme réduit à la défense de l’indépendance individuelle et à l’apologie de la sphère marchande7.
Pourtant, on peut se demander si la distinction tracée par Berlin n’a pas, depuis un demi-siècle, davantage contribué à brouiller qu’à éclaircir notre compréhension du libéralisme politique. Bien sûr, on ne peut nier que « sans individualisme, il n’y a pas de libéralisme8 ». Pour autant, l’idée de Berlin selon laquelle un Etat libéral serait concevable en dehors de la démocratie paraît relever d’une conception singulièrement mutilée d’une démocratie qui ne se soucierait que du « marché et des droits de l’Homme ». S’il est vrai qu’un gouvernement démocratique ne donne pas nécessairement vie à un Etat libéral, il paraît difficile, en revanche, d’imaginer un Etat libéral qui ne soit pas démocratique, sauf à trahir les principes mêmes de cette mouvance intellectuelle. En réalité, la lecture proposée par Berlin méconnaît l’importance d’un exercice « positif » de la liberté pour ces classiques de la pensée libérale que furent Tocqueville, bien sûr, mais aussi John Stuart Mill et Benjamin Constant – deux auteurs que Berlin lui-même considérait comme les « pères » du libéralisme. Certes, la pensée libérale se différencie du reste de la pensée moderne en ce qu’en instruisant le procès du Souverain, elle dissocie la loi de la souveraineté. Contrairement aux thèses de Hobbes qui font de la loi un instrument de la volonté du Souverain, le libéralisme entend combiner l’obligation individuelle envers la loi au refus de la souveraineté comme principe hégémonique9. En outre, et à la différence du modèle proposé par Rousseau, il n’y a pas, dans le libéralisme de « bon » Souverain qui libérerait en ordonnant. En lieu et place du Souverain, il faut, selon l’expression de Montesquieu « faire un système10 ». Cette méfiance vis-à-vis de toutes les formes de souveraineté s’est trouvée considérablement renforcée par les événements révolutionnaires, lesquels ont montré qu’il ne suffit pas que la souveraineté soit dite « populaire » pour que les libertés soient sauvegardées. C’est pourquoi, pour les libéraux, la souveraineté ne doit jamais exister que de manière « limitée et relative11 ». La souveraineté du peuple doit rester circonscrite dans les bornes que lui tracent la justice et les droits des individus, car « la volonté de tout un peuple ne peut rendre juste ce qui est injuste. Les représentants d’une nation n’ont pas le droit de faire ce que la nation n’a pas le droit de faire elle-même12 ». Pour autant, cette insistance sur une nécessaire limitation du pouvoir n’équivaut en rien, dans la pensée libérale, à une dévalorisation de la liberté politique. Bien au contraire, la pratique active des vertus civiques apparaît, chez nombre d’auteurs libéraux, comme un des principaux moyens de contenir l’omniprésence de l’Etat et donc de préserver les libertés privées.
C’est d’abord le cas chez Tocqueville pour lequel, contrairement à un préjugé en voie d’être dissipé, la « notion moderne », la « notion démocratique » de la liberté est aussi la « notion juste »13 – ce qui signifie bien davantage que la simple résignation d’un aristocrate aux avancées de la démocratie. On doit à Tocqueville, en effet, d’avoir énoncé clairement que vie privée et vie politique ne s’opposent pas l’une à l’autre, mais se renforcent mutuellement : le retrait dans le privé ne protège pas de l’emprise du social, du collectif, de l’Etat, mais la rend plus puissante. « Il n’y a donc pas contradiction, mais continuité entre la liberté indépendance que vise le common man et la liberté participation du citoyen14 ». C’est pourquoi l’auteur de De la démocratie en Amérique considérait la liberté politique comme le plus sûr moyen de préserver l’esprit de liberté dans les siècles d’égalité. Comme l’a montré Raymond Aron, la liberté au sens de Tocqueville comprend bien un élément positif car « la liberté indépendance, celle que Montesquieu aurait appelée sécurité ou absence d’arbitraire, ne s’accomplit authentiquement que dans la liberté proprement politique, c’est à dire par la participation du citoyen à l’administration des affaires locales et à la gestion des affaires publiques15 ».
Bien sûr, on pourrait objecter ici que Tocqueville fut un « singulier libéral16 » dans la mesure où contre ceux qui opposaient l’individu à l’Etat, il a défendu très tôt l’idée que l’individualisme est une faiblesse qui conduit tout droit à l’étatisme. C’est sans doute la raison pour laquelle Tocqueville est perçu dans le monde anglophone comme un « républicain ». Telle est, notamment, l’interprétation de John Rawls, qui le classe dans la catégorie du « républicanisme classique17 » (jugé par ailleurs compatible avec le libéralisme politique), ou celle de Charles Taylor qui le considère comme un des membres de la famille des conceptions de la liberté positive18. Mais que dire alors des plaidoyers en faveur d’une large pratique de la liberté politique de ces libéraux supposés plus orthodoxes que furent John Stuart Mill et Benjamin Constant ? A la suite de Tocqueville, Mill vantait les mérites des associations qui contribuent à « l’éducation individuelle des individus », qui les tirent du « cercle étroit de l’égoïsme personnel et familial pour les familiariser avec les intérêts communs », qui « les habituent à s’occuper des affaires publiques » et donc à agir avec d’autres au lieu de se replier sur la sphère privée19. En outre, amené à soulever la question classique de la meilleure forme de gouvernement possible, Mill se prononçait sans ambiguïté en faveur de la démocratie représentative : « La participation de tous aux bénéfices de la liberté est le concept idéalement parfait du libre gouvernement20 ». Une conviction qui l’a conduit à promouvoir une extension du suffrage en insistant sur la valeur éducative du vote : « Dans une nation civilisée et adulte, il ne devrait y avoir ni de parias, ni d’hommes frappés d’incapacité, excepté du fait de leur propre faute21 ».
Quant à Benjamin Constant, il est vrai qu’on lui doit la distinction entre la « liberté des anciens » – entendue comme la participation active et constante au pouvoir collectif – et la « liberté des modernes » – définie, notamment, comme la « jouissance paisible de l’indépendance privée22 ». Vrai également qu’il jugeait cette dernière mieux adaptée aux conditions contemporaines et invitait à se méfier de ces « réminiscences antiques », causes de tant de maux lors de la Révolution française. Mais on oublie trop souvent que Constant ajoutait aussitôt que « ces observations ne tendent nullement à diminuer le prix de la liberté politique, car ce n’est point la garantie qu’il faut affaiblir, c’est la jouissance qu’il faut étendre. Ce n’est point à la liberté politique que je veux renoncer ; c’est la liberté civile que je réclame avec d’autres formes de liberté politique23 ». Et, poursuivait Constant, « la liberté politique est le plus puissant, le plus énergique moyen de perfectionnement que le Ciel nous ait donné » car « elle agrandit l’esprit des citoyens, anoblit leurs pensées, établit entre eux tous une sorte d’égalité intellectuelle24 ». C’est dire que la jouissance de l’indépendance privée était loin, pour Constant, de constituer à elle seule le « tout » de la liberté moderne : c’était là, pour lui, « une part seulement de la liberté désirable25 ». Comme l’a montré Stephen Holmes, l’attachement de Constant à la liberté privée n’avait d’égal que l’ardeur avec laquelle il militait pour une intensification de la participation politique en France – ce dont témoigne son violent combat contre les Ultras qui cherchaient à restreindre le suffrage à un corps encore plus réduit que le contingent de 90.000 votants en 181926. C’est pourquoi, à force de la rapporter exclusivement au contexte des années 1793-1794, nombre d’interprètes ont manqué le sens de la distinction entre la « liberté des anciens » et la « liberté des modernes ». S’il est vrai que la Terreur a fourni à Constant, comme à tous les libéraux du XIXe siècle, une puissante raison de repenser le libéralisme, « le Directoire, l’Empire et le règne des Ultras sous la Restauration exercèrent aussi sur sa pensée une influence décisive. Le Directoire lui apprit l’insuffisance du ‘gouvernement limité’, tandis que Napoléon et les Bourbons contribuèrent à faire renaître le républicanisme sous-jacent qu’il avait un temps abandonné devant les convulsions de la guerre civile qui fit rage entre 1793 et 179927 ».
En conséquence, il paraît difficile d’assimiler la « liberté des modernes » à la « liberté négative »28 ou de considérer que, pour les libéraux du XIXe siècle, la vraie question n’était pas de « savoir qui exerce le pouvoir mais quelle quantité de pouvoir on place entre leurs mains29 ». Il suffit de (re)lire la définition que donne Constant de la liberté des Modernes, dès l’ouverture de sa célèbre conférence, pour constater qu’elle va bien au-delà d’un simple énoncé des droits individuels et qu’elle suppose une possibilité d’agir avec d’autres en vue, notamment d’exercer « le droit de se réunir », celui « d’influer sur l’administration du gouvernement, soit par la nomination de tous ou de certains des fonctionnaires, soit par des représentations, des pétitions, des demandes que l’autorité est plus ou moins obligée de prendre en considération30 ». Autrement dit, la liberté moderne, telle que la concevait Constant, n’est pas moins la capacité d’accomplir des actions positives que la liberté antique. Les vraies différences entre ces deux formes de liberté ne sont pas liées à leur caractère plus ou moins « positif », mais bien à leur nature et à leur champ d’exercice. D’une part, dans l’Antiquité, la « liberté politique » reposait sur la possession d’un statut privilégié31, tandis que le libéralisme moderne se fonde sur l’égalité des droits civiques32. D’autre part, la liberté des Anciens se fondait sur une participation directe, « active et constante33 » au pouvoir politique là où l’étendue des Etats modernes, l’émergence d’une sphère privée et les progrès du commerce interdisent désormais à la majorité des citoyens de concevoir la participation politique autrement que comme une activité à temps partiel. Mais, répétons-le, pour avoir eu la lucidité de reconnaître, après l’échec du jacobinisme, que l’indépendance individuelle est le premier des besoins modernes et que la « vertu » politique au sens antique du terme ne sera jamais plus, Constant n’en estimait pas moins que le principal danger, désormais, était qu’installés dans notre indépendance privée, nous ne renoncions trop facilement à notre droit de partage du pouvoir politique34. C’est ainsi qu’il disait, à propos d’une Chambre dominée par les Ultras : « Les législateurs s’efforcent de communiquer à la nation un sommeil que la tyrannie trouve commode35 ». En réalité, et plus sans doute que celle de Mill ou de Tocqueville, la pensée de Constant apparaît particulièrement pertinente pour toute réflexion contemporaine sur la participation effective aux scrutins électoraux. « L’égalitarisme latent36 » du libéralisme de Constant, sa conviction que nul idéal ne devait, au sein de l’Etat libéral, bénéficier d’un statut privilégié, son opposition radicale à l’Ancien Régime et son absence totale de nostalgie pour les hiérarchies féodales et les corps intermédiaires – ce « pluralisme de notables » que Necker, Madame de Staël et, plus tard, Tocqueville, assimilaient à la liberté37 – l’ensemble de ces éléments rendent sa réflexion directement utile pour penser une extension de la participation civique qui puisse se concilier avec la pluralité des conceptions de la « vie bonne » au sein de nos sociétés complexes.
Cette dernière observation vaut également pour la reformulation de la théorie libérale contemporaine proposée par John Rawls. Contrairement à un préjugé répandu38, ce souci « civique » n’est pas absent de l’oeuvre de l’auteur de Théorie de la justice. On doit d’abord rappeler que ce dernier a pris grand soin de préciser que la « théorie de la justice comme équité en tant que forme du libéralisme politique » n’est « en aucune façon » opposé au républicanisme classique39. Rawls définit le « républicanisme classique » comme « une position qui exige des citoyens d’une société démocratique, s’ils tiennent à préserver leurs libertés et leurs droits fondamentaux, y compris les droits civiques qui garantissent leurs libertés privées, qu’ils possèdent également, à un degré suffisant, les « vertus politiques » ainsi que je les ai nommées40 et soient prêts à prendre part à la vie publique41 ». Or dans la mesure où une telle conception, à la différence de « l’humanisme civique », ne présuppose aucune conception morale, religieuse ou philosophique particulière, elle n’est, répète Rawls, en « rien » incompatible avec le libéralisme politique qu’il décrit42. Dans sa réponse aux objections que lui adressait Jürgen Habermas quant à « l’éclipse du processus démocratique » qui caractériserait sa construction, Rawls a d’ailleurs clarifié sa position en précisant que sa pensée ne devait pas être interprétée comme un retour à théorie de la loi naturelle, dans la mesure où les principes de justice sont l’expression de la volonté du peuple et de leur pouvoir constituant et non la résultante d’un deus ex machina43. Surtout, on doit à Rawls d’avoir clairement posé que « le bien représenté par une société politique » – à savoir : ce bien « que les citoyens réalisent à la fois en tant que personnes et en tant que corps constitué quand ils soutiennent un régime constitutionnel juste et qu’ils y participent44 » – est non seulement un bien social, mais aussi un bien pour les individus considérés individuellement car « elle garantit ce bien qu’est la justice ainsi que les bases sociales d’un respect mutuel45 ».Par là, l’oeuvre de Rawls paraît ouvrir une piste pour insérer, au sein d’un libéralisme politique respectueux du pluralisme des conceptions de la « vie bonne », la possibilité d’une obligation légale de se rendre aux urnes.
Une obligation libérale de se rendre aux urnes
On l’a dit : pour défendre le principe d’une obligation civique du point de vue des principes libéraux, il ne suffit pas de souligner l’importance de la participation politique au sein du paradigme libéral. Encore faut-il pouvoir établir que le principe d’une telle obligation n’est pas attentatoire aux droits libéraux. Autrement dit, j’aimerais adopter ici une autre démarche que celle qui consiste à défendre l’obligation de se rendre aux urnes en arguant du fait qu’il s’agit là, somme toute, d’une « restriction mineure46 » apportée à la liberté individuelle, surtout si on la compare à d’autres contraintes imposées dans nos démocraties libérales (payer des impôts, inscrire ses enfants à l’école, voire effectuer un service civil ou militaire, etc.) et à ses avantages attendus en termes de participation électorale47 et d’équité sociale. A l’inverse d’une telle approche « utilitariste » – qui permettrait de justifier certaines atteintes portées au primat de la liberté individuelle au nom du bien-être de l’ensemble de la société, j’aimerais insister sur deux notions – celle de la liberté en tant qu’autonomie et celle de l’égale liberté – qui me paraissent de nature à légitimer une telle obligation au nom des impératifs du libéralisme politique lui-même.
La liberté en tant qu’autonomie
On sait que l’argument principal contre le vote obligatoire se fonde sur la primauté de la liberté individuelle par rapport aux autres idéaux démocratiques d’égalité et de participation. Le refus de l’obligation en matière de vote repose en conséquence sur le postulat que le citoyen doit pouvoir user de son libre arbitre en vue de décider de voter ou non. Tout citoyen a le droit d’être apolitique, et l’exercice du droit de vote doit relever de la responsabilité de chacun, et non d’une obligation48. Si cet argument semble de prime abord frappé du sceau du bon sens, il soulève, du point de vue même des principes libéraux, plusieurs difficultés.
Tout d’abord, au vu des données disponibles sur la participation au scrutin dans les démocraties libérales, on peut douter que l’abstention soit toujours la résultante de l’exercice d’un libre-arbitre49. Dans la mesure où toutes les études convergent pour indiquer que la présence dans les bureaux de vote est étroitement liée au niveau d’instruction, il est permis de se demander si la tendance à les déserter n’est pas davantage la résultante de déterminants sociaux que l’expression de l’autonomie individuelle50. On y reviendra dans un instant. A ce stade, on peut simplement souligner qu’une telle corrélation entre niveau d’instruction et participation ne semble pas être invalidée par l’émergence d’une abstention « informée » – celle des « abstentionnistes dans le jeu politique »51 – qui témoignerait, à sa façon, d’une nouvelle forme de « vitalité démocratique ». Même chez cette dernière catégorie d’électeurs (celle qui manifeste de l’intérêt pour la politique et ne sent pas politiquement impuissante), l’instruction reçue semble toujours être une cause de différence importante dans la propension à participer aux scrutins52.
En outre, rien dans l’obligation légale faite de se rendre aux urnes n’interdit à une telle abstention « délibérée » de s’exprimer – ce dont témoigne d’ailleurs la proportion plus élevée de bulletins blancs ou nuls dans les pays où le vote est obligatoire53. C’est là d’ailleurs une autre des difficultés soulevées par l’opposition rituelle entre vote obligatoire et liberté individuelle. On oublie trop souvent que le terme même de « vote obligatoire » est inexact et n’est utilisé que faute d’un terme mieux approprié54. Au sens strict, en effet, nul n’est tenu de voter. Nul n’est tenu de remplir un bulletin (ou de le remplir de façon valide) et de choisir un des partis ou une des personnalités en lice. Tout ce qui est demandé aux citoyens, c’est de se présenter au bureau de vote le jour où se tient un scrutin électoral. A partir de là, leur droit de ne pas voter est protégé par la présence de l’isoloir et le secret de la procédure. A cet égard, il est significatif que la Cour européenne des droits de l’Homme ait estimé que l’obligation de se rendre aux urnes n’était contraire ni à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme – relatif au droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion – ni à l’article 3 du premier protocole additionnel relatif au « Droit à des élections libres ». D’une part, a argué la Cour, la liberté de conscience de l’électeur est préservée, puisqu’il peut toujours remettre un bulletin blanc. D’autre part, le terme « élections libres » au sens du premier protocole signifie « non pas des élections où le vote n’est pas obligatoire, mais des élections où l’acte de faire un choix électoral est libre55 ».
En réalité, on peut se demander si l’argument qui oppose l’obligation légale de se rendre aux urnes à la liberté individuelle n’opère pas une confusion entre libéralisme et libertarianisme.Le primat conféré à la liberté individuelle dans le paradigme libéral n’a jamais signifié l’absence de toute contrainte. La liberté, au sens des libéraux, ne se confond pas avec la « liberté naturelle » – celle qu’auraient connue les hommes avant l’institution du contrat social et que John Locke opposait à la « liberté civile » – ni avec la « licence » – entendue comme l’autorisation illimitée donnée à l’individu de poursuivre ses propres caprices, et que dénonçait John Stuart Mill. Non, la liberté des libéraux s’apparente davantage au concept d’autonomie, lequel signifie non pas l’absence de lois mais bien l’obéissance aux seules lois qu’on s’est soi-même données. Né de l’opposition à ces absolutismes, à la fois concurrents et alliés, que furent la monarchie de droit divin et l’Eglise, le libéralisme s’est donné « pour tâche première de penser l’émancipation de la société et de l’individu56 », et donc d’opérer le basculement du monde de l’hétéronomie à l’autonomie. Forgé dans le contexte historique de la monarchie absolue, ce mouvement se signale par sa volonté de soustraire la société et le sujet politique à la domination du souverain en vue de « substituer le règne des lois au règne des hommes ». Dans ces conditions, on peut se demander si l’obligation civique ne fait pas que traduire dans les faits cette exigence d’autonomie. Dans la mesure où elle ne contraint pas la conscience individuelle dans un sens particulier, l’obligation de se rendre aux urnes ne viole pas en soi la frontière libérale entre la sphère privée et la sphère publique – frontière dont Judith Shklar disait qu’elle n’était ni « permanente » ni « inaltérable », car « ce qui importe pour le libéralisme, ce n’est pas tant où passe cette ligne, mais qu’elle soit tracée et qu’elle ne soit jamais ni ignorée ni oubliée57 ». Autrement dit, loin d’être une atteinte portée à l’autonomie individuelle, l’obligation de se rendre aux urnes peut être considérée comme une des conditions de mise en oeuvre d’une démocratie réellement libérale. C’est précisément parce qu’il est dans la nature humaine d’être libre et indépendante, qu’il s’ensuit, selon la formule de Locke, « que nul ne peut être soumis au pouvoir politique en dehors de son propre consentement ». Et Locke ajoutait : « le point de départ de toute société politique, ce qui la constitue réellement, c’est toujours l’acte par lequel des hommes libres (…) acceptent de se réunir et de s’associer de cette manière. Voilà l’origine, la seule, et la seule possible de tous les gouvernements légaux du monde58 ». En somme, le principe dit du « vote obligatoire » pourrait être considéré comme une de ces conditions politiques nécessaires afin que tout adulte soit« en mesure de prendre autant de décisions effectives, sans peur ni privilèges, à propos d’autant d’aspects de sa vie qui soient compatibles avec une liberté équivalente de tout adulte59 ».
Le principe d’égale liberté
Ce qui conduit à une deuxième notion libérale susceptible de justifier le principe d’une obligation de se rendre aux urnes : le principe d’égale liberté. Ici, il convient sans doute de s’attarder quelques instants sur les chiffres. Au Canada, toutes choses égales par ailleurs, la propension à voter est 17 fois plus élevée dans le groupe le mieux éduqué que dans le groupe le moins éduqué60. En France, en 2002, 80% des titulaires d’un diplôme universitaire ont pris part au vote contre 62% parmi les non-diplômés61. Tout indique que « le niveau d’instruction reste un puissant déterminant du vote »62. Il serait même « plus puissant qu’il ne l’a jamais été63 » dans la mesure où le déclin récent des taux de participation s’est révélé d’autant plus fort que le niveau d’éducation est bas. Pour le dire autrement : plus la participation décroît, plus les inégalités en termes de niveau d’éducation s’accroissent au sein de l’électorat64. Un constat que prolongent les études menées en Belgique en vue d’évaluer les effets d’une éventuelle suppression du vote obligatoire. On estime ainsi que, si l’obligation de voter était levée dans ce pays, près de la moitié des hommes et des femmes d’un degré d’instruction inférieur ne se rendraient jamais aux urnes contre moins de un sur dix parmi ceux qui ont reçu une instruction supérieure65. Il en résulte logiquement que la composition socioprofessionnelle du corps électoral effectif changerait également. D’après les données établies en Flandre, la part des travailleurs manuels et des personnes sans profession rémunérées diminuerait de plus de 6% par rapport à l’ensemble des participants au scrutin, tandis que la part des professions libérales, des cadres et des ouvriers dirigeants augmenterait de 4,8% – ce qui autorise à conclure que « l’inégalité dans la participation électorale va croissant si la participation au scrutin électoral n’est pas obligatoire66 ».
A l’évidence, nul n’est besoin d’adhérer aux thèses néo-républicaines pour considérer que de telles inégalités en termes de participation posent de sérieux problèmes quant à la légitimité d’une société libérale « bien ordonnée » au sens de Rawls. On pourrait même, sur cette question, tenter un parallèle avec la question sociale dans la mesure où les mécanismes redistributifs ont également été critiqués par les libertariens au nom de la liberté d’entreprendre. Or, pour nombre d’autres auteurs libéraux, il s’agit là d’un abus du vocable de liberté puisque, dans les faits, la liberté ainsi visée n’est que la liberté de quelques-uns qui signifie, en réalité, l’oppression et la contrainte pour le plus grand nombre. « Un idéal bien plus attrayant serait la liberté pour tous (…) autrement dit, l’engagement libéral pour la liberté recèle des ressources qui peuvent être opposées au ‘libertarianisme’ des conservateurs économiques67 ». C’est pourquoi l’engagement des libéraux a pu être requalifié de façon plus précise d’engagement pour l‘égale liberté, un principe qui permet de justifier des politiques de solidarité qui ne contreviennent pas aux droits individuels dans la mesure où elles visent à assurer la liberté de tous, et donc à mettre en place les conditions politiques d’un exercice effectif de la liberté individuelle. Le même argument peut être avancé pour défendre l’obligation de se rendre aux urnes : en incitant tous les citoyens, y compris les moins motivés, à s’informer et à se déplacer pour exprimer leur choix, une telle exigence permet de contrecarrer partiellement les déterminants sociaux et contraint les partis politiques à écouter la voix des électeurs les plus marginalisés68. D’autant que si on se souvient que, dans la construction rawlsienne, seules sont acceptables les inégalités qui bénéficient aux plus défavorisés de la société, on voit mal en quoi les inégalités relevées en termes de participation démocratique pourraient être à l’avantage des plus défavorisés. C’est peut-être là une des raisons pour laquelle Rawls considérait que « le vote n’est pas une affaire purement privée ni même personnelle ». Envisagée sous cet angle, la défense de l’obligation de se rendre aux urnes entre en résonance avec les observations formulées par Shklar au sujet de la démocratie. Comme le souligne Paul Magnette, « dans le libéralisme de Shklar (…), c’est d’abord la liberté des plus faibles que la démocratie protège ». Car si cette dernière ne rend pas les citoyens égaux, « elle érode du moins la soumission des plus faibles69 ». Même si elle ne produit pas en elle-même une société juste, attentive aux droits de tous, « au moins la démocratie ne condamne-t-elle pas au silence la voix des personnes blessées, et accepte-t-elle l’expression des injustices ressenties comme obligation d’agir, alors que la plupart des autres régimes recourent à l’oppression70 ». C’est en ce sens que l’objectif d’une participation (quasi) universelle peut être considérée comme le prolongement logique de l’extension du droit au suffrage considérée, il y a près de deux siècles, par Benjamin Constant comme un plus sûr contrepoids au pouvoir des gouvernants que l’appel à des corps intermédiaires ou à des associations fondées sur la valorisation d’un mode de vie particulier.
Où l’on voit, qu’il existe, pour les libéraux, deux façons distinctes de défendre l’obligation de se rendre aux urnes qui répondent chacune aux deux dimensions de la participation politique identifiées par Constant et Tocqueville : fin en soi, d’une part et moyen de protéger les libertés privées, d’autre part. Selon une première démarche – qu’on pourrait qualifier de « maximale »71, l’obligation de vote s’inscrit dans le prolongement d’une conception qui considère la participation politique comme une des conditions de l’autonomie et de l’épanouissement individuels et collectifs. Cependant, même le rejet d’une telle approche « perfectionniste » de la politique n’invalide pas une deuxième démarche « minimale » qui inscrit l’obligation de se rendre aux bureaux de vote parmi les mesures institutionnelles susceptibles de rendre les procédures de désignation des gouvernants les plus égales possibles, notamment en tant que contrepoids à d’autres formes de participation politique (telles que les associations) restées à vouer inégales72. Autrement dit, même au sein d’une conception strictement instrumentale de la démocratie, l’obligation faite de se rendre aux urnes peut être justifiée en tant « qu’elle permet de prévenir les risques d’arbitraire et de contenir la domination des plus puissants73 ».
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NOTES
- Je remercie Paul Magnette pour ses précieux commentaires sur une version antérieure de ce texte.[↩]
- W. H. Morris Jones, “In Defense of Apathy : Some Doubts on the Duty to Vote”, Political Studies 2 (1), 1954, cité par A. Lijphart, “Unequal Participation : Democracy’s Unresolved Dilemma”, American Political Science Review, vol. 91, n°1, Mars 1997.[↩]
- Cette première partie reprend, en les développant et en les modifiant partiellement, certains des arguments développés au chapitre 3 de mon livre : Communautarisme versus libéralisme. Quel modèle d’intégration politique? Bruxelles, Editions de l’Université libre de Bruxelles, 2003.[↩]
- L. Jaume, La liberté et la loi. Les origines philosophiques du libéralisme, Paris, Fayard, 2000, p. 12.[↩]
- E. Kant, Métaphysique des moeurs, t. II, trad. de Alain Renaut, Paris, Flammarion, 1994, p. 17.[↩]
- B. Constant, “Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs et particulièrement à la Constitution actuelle de la France” in Ecrits politiques, Paris, Gallimard, p. 481.[↩]
- Voir notamment la lecture de J.-F. Spitz : « la synthèse libérale (…) a toujours mis l’accent sur la nécessaire déférence des sujets en présence des élites compétentes et sur les bienfaits de la passivité en matière politique pour la stabilité du pouvoir ». J-F. Spitz, La liberté politique, op. cit., p. 21.[↩]
- N. Bobbio, Libéralisme et démocratie, Paris, Cerf, 1996, p. 21.[↩]
- L. Jaume, La liberté et la loi, op. cit., p. 15.[↩]
- Cité par L. Jaume, ibid., p. 112.[↩]
- B. Constant, “Principes de politiques” in Ecrits politiques, op. Cit., p. 313.[↩]
- Ibid., p. 319.[↩]
- A. de Tocqueville, Etat social et politique de la France avant et depuis 1789, cité par R. Aron, Essai sur les libertés, Paris, Hachette, 1998, p. 26.[↩]
- Ph. Raynaud, préface à R. Aron, ibid., p. 6.[↩]
- R. Aron, ibid., p. 26.[↩]
- Au sujet du “libéralisme singulier” de Tocqueville, voir : S. Audier, Tocqueville retrouvé, Paris, Vrin/EHESS, 2004, p. 163 sq.[↩]
- J. Rawls, Libéralisme politique, trad. de C. Audard, Paris, PUF, 1996, p. 250.[↩]
- Ch. Taylor, La liberté des modernes, Paris, PUF, 1997, p. 255.[↩]
- J. S. Mill, De la liberté, trad. de L. Lenglet, Paris, Gallimard, 1990.[↩]
- J. S. Mill, Considérations sur le gouvernement représentatif.[↩]
- Ibid.[↩]
- B. Constant, “De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes” in Ecrits politiques, op. cit. p. 602.[↩]
- Ibid., p. 602.[↩]
- Ibid., p. 617.[↩]
- L. Jaume, L’individu effacé ou le paradoxe du libéralisme français, Paris, Fayard, 1997, p. 83.[↩]
- Date du célèbre discours “De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes”.[↩]
- S. Holmes, Benjamin Constant et la genèse du libéralisme moderne, Paris, PUF, 1994, p. 53.[↩]
- I. Berlin, “Deux conceptions de la liberté”, op. cit., p. 210. [↩]
- Ibid., p. 210.[↩]
- B. Constant, “De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes”, op. cit., p. 593.[↩]
- “Sans la population esclave d’Athènes, vingt mille Athéniens n’auraient pas pu délibérer chaque jour sur la place publique”. B. Constant, “De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes”, op. cit., p. 599.[↩]
- “Toute liberté civile, toute garantie individuelle est impossible avec l’absence d’égalité”. B. Constant, Fragment d’un ouvrage abandonné, cité par S. Holmes, Benjamin Constant et la genèse du libéralisme moderne, op. cit., p. 47.[↩]
- B. Constant, “De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes”, op. cit., p. 602.[↩]
- Ibid., op. cit., p. 617.[↩]
- Discours du 8 juin 1824, cité par S. Holmes, op. cit., p. 53.[↩]
- S. Holmes, op. cit., p. 15.[↩]
- Ibid., p. 16.[↩]
- Préjugé auquel j’ai également cédé dans ma présentation initiale de Rawls. Cf. J. Lacroix, Libéralisme versus communautarisme, op. cit., p. 56-7. Sur la question du civisme dans l’oeuvre de Rawls, voir l’élucidation récente de A. Renaut, Qu’est ce qu’une société libre ?, Paris, Grasset, 2005, p. 33 sq. [↩]
- J. Rawls, Libéralisme politique, Paris, PUF, 1995, p. 250.[↩]
- Rawls fait allusion aux vertus de tolérance, de respect mutuel ainsi qu’au sens de l’équité et de la civilité. Cf. J. Rawls, Libéralisme politique, op. cit., p. 159.[↩]
- Ibid., p. 250.[↩]
- Ibid., p. 251.[↩]
- C. Audard, “Rawls in France”, European Journal of Political Theory, 1 (2), Voir la réponse de Rawls à Habermas dans J. Habermas et J. Rawls, Débat sur la justice politique, Paris, Cerf, 1997.[↩]
- J. Rawls, Libéralisme politique, Paris, PUF, p. 245.[↩]
- Ibid., p. 248.[↩]
- A. Lijphart, “Unequal Participation : Democracy’s Unresolved Dilemma”, art. cit.[↩]
- Comme l’a souligné Arend Lijphart, le vote obligatoire est le “seul mécanisme institutionnel qui puisse assurer une participation élevée virtuellement de lui-même”et son efficacité est d’autant plus remarquable que les pénalités imposées sont généralement(très) faibles.A. Lijphart, “Unequal Participation : Democracy’s Unresolved Dilemma”, art. cit., p. 9-10.[↩]
- On reprend ici la présentation de cet argument (auquel les auteurs s’opposent par ailleurs) par H. Dumont et F. Tulkens, “Citoyenneté et responsabilité en droit public” in H. Dumont, F. Ost, S. Van Drooghenbroeck (dir.), La responsabilité, face cachée des droits de l’Homme, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 203.[↩]
- Ibid., p. 202[↩]
- H. Dumont et F.Tulkens, “Citoyenneté et responsabilité en droit public”, art. cit., p. 202.[↩]
- P. Brechon ; A. Laurent ; P. Perrineau, “S’abstenir : hors du jeu ou dans le jeu politique?” in P. Bréchon ; A. Laurent et P. Perrineau (eds) Les cultures politiques des Français, Paris, Presses de Sciences Po, 2000, p. 19-38.[↩]
- J. Billiet ; P. Delwit ; K. Deschouwer ; H. Dumont ; J.-Cl. Scholsem ; L. Veny et M. Verdussen, Le renouveau politique. Démocratie représentative, op. cit., p. 78.[↩]
- En Belgique, le nombre de votes nuls a été en moyenne de 7% au cours des années 1990, contre 1% ou moins dans la plupart des autres pays. J. Billiet ; P. Delwit ; K. Deschouwer ; H. Dumont ; J.-Cl. Scholsem ; L. Veny et M. Verdussen, Le renouveau politique. Démocratie représentative, op. cit., p. 62. [↩]
- A. Lijphart, Unequal Participation : Democracy’s Unresolved Dilemma”, art. cit., p. 2[↩]
- Décision du 22 avril 1965, cité in J. Billiet ; P. Delwit ; K. Deschouwer ; H. Dumont ; J.-Cl. Scholsem ; L. Veny et M. Verdussen, op. cit., p. 85.[↩]
- L. Jaume, La liberté et la loi, op. cit., p. 12.[↩]
- J. Shklar, “The Liberalism of Fear” in Nancy L. Rosenblum, Liberalism and the Moral Life, Cambridge (MA), Harvard University Press, p. 24. Je dois cette référence à la lecture de P. Magnette, Judith Shklar, Le libéralisme des faibles, Paris, Michalon (à paraître en 2006).[↩]
- J. Locke, Deuxième traité de gouvernement civil, cité par P. Manent, Les libéraux, Paris, Gallimard, 2001, p. 176.[↩]
- J. Shklar, “The Liberalism of Fear” in Nancy L. Rosenblum, Liberalism and the Moral Life, op. cit., p. 21, cité par P. Magnette, Judith Shklar, Le libéralisme des faibles, op. cit.[↩]
- A. Blais ; E. Gidendil, N. Nevitte et R. Nadeau, “Where Does Turnout Decline Come From?” European Journal of Political Research, n°43, 2004, p. 229.[↩]
- Le Monde, 9 mars 2004, cité in P. Delwit, E. Kulhaci et J.-B. Pilet, Le vote électronique en Belgique : un choix légitime? Gand, Academia Press, 2004, p. 23.[↩]
- A. Blais ; E. Gidendil, N. Nevitte et R. Nadeau, “Where Does Turnout Decline Come From?”, art. cit., p. 232.[↩]
- Ibid., p. 232.[↩]
- A. Lijphart, “Unequal Participation : Democracy’s Unresolved Dilemma”, art. cit., p. 1.[↩]
- J. Billiet ; P. Delwit ; K. Deschouwer ; H. Dumont ; J.-Cl. Scholsem ; L. Veny et M. Verdussen, Le renouveau politique. Démocratie représentative, Avis du Comité scientifique chargé d’assister les commissions du renouveau politique de la Chambre des Représentants et du Sénat, Doc. Parl., s.o. 2000-2001, Chambre n°50 1421/001 et Sénat n°2-5°6/1, p. 72.[↩]
- M. Hooghe et K. Pellerieaux, “Compulsory Voting in Belgium : An Application of the Lijphart Thesis”, Electoral Studies, 1998, vol. 17 (4), p. 422, cité in J. Billiet ; P. Delwit ; K. Deschouwer ; H. Dumont ; J.-Cl. Scholsem ; L. Veny et M. Verdussen, op. cit., p. 79.[↩]
- J. Waldron, “Theoretical Fondations of Liberalism”, The Philosophical Quarterly, vol. 37, n°147, avril 1987, p. 129.[↩]
- H. Dumont et F. Tulkens, “Citoyenneté et responsabilité en droit public”, art. cit.[↩]
- P. Magnette, Judith Shklar. Le libéralisme des faibles, op. cit., chapitre IV.[↩]
- J. Shklar, “Faces of Injustice”, cité par P. Magnette, ibid.[↩]
- Cette formulation m’a été suggérée par Paul Magnette.[↩]
- A. Lijphart, “Unequal Participation : Democracy’s Unresolved Dilemma”, art. cit., p. 2.[↩]
- P. Magnette, Judith Shklar. Le libéralisme des faibles, op. cit.[↩]
Justine Lacroix est professeure en sciences politiques à l'Université Libre de Bruxelles où elle dirige le Centre de théorie politique. Elle est également vice-doyenne de la Faculté de philosophie et sciences sociales et professeure invitée à l'Université de Paris II Panthéon-Assas. Elle est co-promotrice (avec Thomas Berns et Jean-Yves Pranchère) du projet ARC Why Lefort Matters (2016-2021).