Troubles dans la définition juridique du viol. Retour sur les différents modèles en débat
Trujillo JuanComment qualifier juridiquement le viol? Pour tenter de répondre à cette question, Johanna Lenne-Cornuez passe en revue et discute différentes approches pivotant autour de la notion de consentement.
Comment définir le viol dans le droit ? L’enjeu principal d’une telle définition juridique est de délimiter la frontière entre le viol et le rapport sexuel, de façon à faire tomber sous le coup de la loi un ensemble de faits qu’il s’agit de criminaliser. La réforme législative est souvent avancée comme un moyen de lutter contre un constat répandu d’impunité, en fournissant aux institutions pénales un instrument efficace d’appréhension de la réalité sociale endémique des viols et de reconnaissance des victimes1. Sans être érigées en panacée ou en solution unique, les tentatives juridiques et philosophiques de redéfinition légale du viol ont pour but d’en redimensionner la compréhension, afin de ne plus laisser dans l’ombre de nombreux actes qui, sans correspondre à l’image stéréotypée du viol accompagné d’une grande brutalité et d’une forte résistance, exigent d’être qualifiés comme tels, et de ne plus dissuader les victimes de porter plainte, quand bien même celles-ci ne s’identifieraient pas à la « victime parfaite2 ».
En phase avec une longue évolution des mœurs et de la compréhension commune de la limite entre le sexe et l’agression, les débats sur la définition légale du viol portent principalement sur la notion de consentement et la façon opportune de l’inscrire ou non dans la loi. Alors que la parole des femmes3 est historiquement minorée, que le désir masculin, réputé incontrôlable, prévaut, et que le désir féminin, supposé à la fois pudique et forçable, est encore soumis au masculin, la « nouvelle civilité sexuelle4 » fait du consentement la ligne de démarcation entre le rapport sexuel et l’abus, entre le sexe licite et le viol. Le consentement est alors ce qui rend moralement acceptable la relation sexuelle. Contre la « culture du viol », de nombreuses associations féministes prônent une « culture du consentement ». Mais celles-ci alertent aussi sur les conceptions et interprétations contradictoires de ce terme.
En effet, la défense du consentement érigé en norme n’est pas dénuée d’ambivalences ni de faux-semblants. Tandis que la diffusion de l’idée selon laquelle tout sexe non consenti est un viol constitue une stratégie militante qui a son efficacité dans la sensibilisation au problème du sexe forcé ou contraint5, nombre de féministes dénoncent les « pièges6 », les « ambiguïtés7 », les « leurres8 » du consentement au sein d’un contrat libéral supposé égalitaire. Illusoirement conçu comme l’expression de la libre volonté d’un individu non genré et indépendant9, celui-ci n’a pas le pouvoir magique de changer une situation abusive en un choix libre et autonome. Aussi un courant majeur du féminisme cherche-t-il à transformer ce sens problématique du consentement en un véritable accord égalitaire10. Compte-tenu des difficultés historiques, juridiques et philosophiques qui traversent la notion de consentement, cette dernière ne semble pas avoir, en elle-même, le pouvoir définitionnel de clarifier la frontière entre le sexe permis et interdit, encore moins le pouvoir pénal de rendre soudain justice à toutes les victimes.
À partir de cette question du consentement, trois modèles juridiques de la définition du viol peuvent être discernés. Le premier, définissant le viol comme une pénétration sexuelle non consentie, se trouve par exemple dans le Sexual Offences Act de 2003 au Royaume-Uni : « Une personne (A) commet un viol si (a) il pénètre intentionnellement un vagin, un anus ou une bouche d’une autre personne (B) avec son pénis, (b) B ne consent pas à cette pénétration, et (c) A ne croit pas raisonnablement que B consent. »11 Le non-consentement suppose dans ce premier cas l’expression d’un désaccord ou une forme de résistance verbale ou physique qui le manifeste.
Le deuxième modèle définit le viol comme un acte de pénétration sexuelle sans consentement positivement exprimé de la part du ou de la plaignante. La loi canadienne modifiant le Code criminel en 1992 en fournit le paradigme en définissant le consentement comme « l’accord volontaire du plaignant à l’activité sexuelle » (art. 273.1), « concomitant à l’activité sexuelle ». Là où le premier modèle suppose l’expression d’un refus du ou de la plaignante, le deuxième n’exige rien de tel. Dans la mesure où le consentement doit permettre de qualifier une relation entre deux personnes, il ne peut être conçu comme un état mental inaccessible aux autres et requiert une expression manifeste du type d’autorisation donnée.
Le troisième modèle définit le viol comme un acte de pénétration sexuelle obtenu par un ou plusieurs moyens coercitifs. La loi française en donne l’exemple le plus célèbre : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise est un viol » (article 222-23 du code pénal ; loi du 21 avril 202112 ). La singularité de cette définition est régulièrement mise en avant car elle ne fait pas mention du consentement, sous quelque acception que ce soit. Cela ne signifie pas pour autant que la notion soit nécessairement absente de la conception impliquée par la définition : si le consentement est un acte de volonté, la coercition en abolit la liberté. Cela ne signifie pas non plus que la notion soit absente des procédures judiciaires : elle peut jouer un rôle dans la qualification des faits, dans les prétoires, et dans les jugements rendus.
Dans cette contribution, je chercherai à synthétiser les atouts et les difficultés conceptuelles de chacune de ces définitions, en m’appuyant notamment sur le débat entre les juristes Catharine MacKinnon et Catherine Le Magueresse, ainsi que sur certains arguments sur la limite entre le moral et le juridique avancés par les philosophes Manon Garcia et Amia Srinivasan. L’objectif sera de discerner, en les comparant, à quels problèmes chaque modèle essaie de répondre et quelles difficultés il soulève à son tour. L’évaluation portera essentiellement sur trois dimensions de ces définitions légales : le type d’actes qu’il peut s’agir de requalifier par une loi englobant des faits précédemment exclus ; la préservation des conditions juridiques de la présomption d’innocence du mis en cause ; et le renversement de la suspicion de culpabilité ou de faute que peut induire une définition qui se retourne contre les plaignantes. La définition pénale doit éviter (au moins) trois écueils : présupposer une image stéréotypée du viol qui en restreint drastiquement la qualification ; contraindre à un type de scénario sexuel qui criminaliserait potentiellement tous les faits qui s’en écartent ; présumer valide la défense d’une croyance au consentement d’autrui au seul prétexte que le sexe a eu lieu. Dans un dernier temps, je m’interroge sur la possibilité de dépassement, dans une définition légale hybride, des oppositions tracées au sein de la typologie, sans en éluder les difficultés.
Le viol comme pénétration sexuelle non consentie
Le consentement, une notion nécessaire à la définition juridique du viol
La définition courante du viol comme pénétration sexuelle non consentie peut apparaître comme une évidence largement partagée et son inscription dans la loi comme la conséquence de ce consensus. L’omniprésence du terme dans le débat public témoigne d’une double évolution des mœurs rejetant les carcans moraux pour affirmer la liberté sexuelle comme un droit fondamental de l’individu et interdisant tout rapport forcé.
Contre le moralisme juridique qui fixe pour l’individu la manière dont il doit mener son existence et les bornes morales de sa conduite, le consentement est le maître-mot de la libération sexuelle. Son inscription dans la loi permet une reconnaissance de l’autonomie sexuelle de chacun et chacune. Le rapport sexuel permis suppose le consentement des partenaires. En ce sens, aucune autorité morale hétéronome ou une tradition ne doit imposer les pratiques sexuelles légitimes ; l’individu fait des choix qui ne regardent que lui. L’exigence de consentement est l’aboutissement d’un mouvement de libération du sujet à l’égard d’autorités religieuses et étatiques oppressives13.
Contre le patriarcat14, en définissant la sexualité non consentie comme moralement interdite, les femmes se réapproprient leur corps et font entendre leur refus de céder sur ce qui les concerne en première personne et le plus intimement. Le sujet à qui revient de consentir ou de ne pas consentir détient un pouvoir de choisir qui ne peut pas être transféré ou soumis. Longtemps synonyme d’autorisation donnée par le père ou le mari à la femme qui n’était pas libre d’agir sans le consentement de son tuteur masculin, le consentement est devenu le maître-mot d’une morale sexuelle fondée sur la liberté de l’individu et sur la protection de sa volonté. Le « rapt » était un tort fait au père ou au mari ; définir le viol par le critère du non-consentement de la femme marque une rupture avec cette conception patriarcale, en faisant de la femme la victime principale et centrale15.
La définition du viol par le non-consentement de la victime apparaît juridiquement pertinente dans la mesure où elle permet d’inscrire dans la loi la double exigence de reconnaître à chacun le droit à une vie sexuelle autonome et de protéger les corps de toute atteinte subie. Le viol ne peut pas être dénoncé de l’extérieur, indépendamment de ce qu’en dit la victime, puisque c’est son autonomie sexuelle que le droit protège – ce qui justifie que la question du consentement soit mise hors-jeu dans le cas des mineurs dont la volonté n’est pas encore autonome. La définition juridique par le non-consentement exige la reconnaissance de la parole féminine, contre la surdité à leur égard, et de leur liberté, contre leur assignation à une position dominée. Entre adultes autonomes, la question du consentement ne peut être moralement congédiée sans les réduire à la place qu’il ou elle occupe dans l’espace social.
Le consentement, une notion insuffisante à la définition juridique du viol
Que le consentement compte en matière de sexualité ne signifie pas pour autant qu’il soit le seul critère définitionnel, ni que son inscription légale lève toute ambiguïté, en premier lieu parce que le terme est loin d’être univoque. Définir le sexe licite comme du sexe consenti ne permet pas de savoir ce qui est supposé valoir ou non pour un consentement sexuel. Un rapport sexuel auquel on ne s’est pas opposé est-il pour autant un rapport consenti ? À rebours de cette vision courante du consentement défini par la négative, un célèbre adage féministe affirme que céder n’est pas consentir. Or la définition du viol comme pénétration non consentie crée le risque que l’on mobilise cette croyance masculine répandue selon laquelle, tant que la femme n’a pas dit non, on peut supposer son consentement ; plus encore, bien que la femme ait dit non, son attitude peut être interprétée comme un oui.
Souvent cités en exemple de cette croyance misogyne, certains passages des œuvres de Rousseau fournissent la modélisation d’un consentement où la femme est assignée à une place passive et doit résister avant de céder à l’homme dont la position est naturellement active et entreprenante. La thèse rousseauiste exemplifie ici le paradigme d’un consentement-capitulation. Rousseau définit pourtant le viol par le non-consentement, en distinguant « l’audace » masculine « de l’insolence et de la brutalité ». Pour que le sexe soit autorisé, il faut que les sentiments soient partagés, et que la femme le veuille : « Ce n’est pas encore assez d’être aimé ; il faut de plus le consentement de la volonté16. » De même, la dernière leçon du gouverneur rousseauiste à son élève fictif est une leçon de sexualité consentie : non seulement le mariage doit être d’amour, mais l’époux n’acquiert pas un droit sur le corps de l’épouse, il faut que le consentement soit mutuel à chaque rapport17.
Néanmoins, toute l’ambiguïté de cette thèse est révélée par la manière dont le consentement peut être obtenu, et par ce qui vaut, du point de vue masculin, pour un consentement féminin. Dans une même phrase, Rousseau dénonce la brutalité illégitime d’un sexe non-consenti et justifie la contrainte morale par laquelle le consentement peut être obtenu : « Vouloir contenter insolemment ses désirs sans l’aveu de celle qui les fait naître, est l’audace d’un satyre ; celle d’un homme est de savoir les témoigner sans déplaire, de les rendre intéressants, de faire en sorte qu’on les partage, d’asservir les sentiments avant d’attaquer la personne18. » La sexualité est conçue sur le mode de l’attaque et de la défense : la femme, par une honte supposée naturelle, résiste aux assauts masculins avant de se rendre19. En outre, l’homme ne doit pas se fier à ce que dit la femme, car celle-ci dit toujours non par pudeur, alors même que son désir est illimité. Il se fait l’interprète des signes corporels censés lui témoigner l’accord que la parole refuse : « Arracher ce consentement tacite, c’est user de toute la violence permise en amour. Le lire dans les yeux, le voir dans les manières, malgré le refus de la bouche, c’est l’art de celui qui sait aimer20 ». Enfin, le corps féminin est considéré comme naturellement faible, à la fois fuyant et conçu pour céder aux attaques masculines21.
Face à une telle conception inégalitaire où consentir c’est refuser puis céder, et où la position de consentante est assignée à la femme tandis que l’homme importune et manipule, la notion de consentement dans la loi apparaît très ambivalente. Affirmer que tout sexe non consenti est un viol, c’est penser le consentement comme l’expression d’une volonté libre. Mais, si le consentement est en réalité une capitulation face à l’attaque, alors même le sexe consenti pourrait être un viol22. La zone grise n’est pas seulement à situer entre le « forçage23 » et l’acceptation enthousiaste, mais entre l’attaque et le renoncement à l’acte, comprenant tous les degrés de persuasion jusqu’au harcèlement.
Les dangers de la définition du viol par l’expression du non-consentement
Dans l’inscription en droit du non-consentement, deux dangers sont souvent discernés : la contractualisation des relations et la déresponsabilisation de l’agent.
Premièrement, affirmer qu’est licite tout sexe entre individus consentants a pour vertu de libérer la sexualité des carcans moraux qui réprouvent les plaisirs jugés hors-normes24, mais pour vice de ne pas sanctionner la brutalité au motif qu’elle serait voulue par la victime elle-même. Bien que la liberté sexuelle soit un droit fondamental de l’individu, le consentement qui en est l’expression pourrait rendre possible des actes de tortures. Un contrat qui autorise des sévices pourrait être validé par le consentement des parties prenantes et juridiquement protégé25. La difficulté est alors celle d’inscrire dans la loi les exceptions à l’argument du consentement, c’est-à-dire de délimiter les cas où sa question doit être neutralisée quand elle n’est pas pertinente pour juger des faits. À vouloir protéger les droits d’une sexualité sadomasochiste, on ne saurait oublier que la loi doit protéger tout individu (même par hypothèse consentant) d’actes de torture, y compris psychologiques. C’est en ce sens que les leurres libéraux du tout-consentement sont dénoncés26. De même que le consentement civil ou politique ne permet pas de légitimer un consentement à l’esclavage ou au despotisme, le consentement sexuel est invalidé quand il s’agirait d’autoriser l’exploitation, la mutilation ou le meurtre. Le schéma contractuel masque en outre la spécificité du consentement sexuel qui ne saurait être conçu comme un acte instantané formalisable et nouant un lien d’obligation enchaînant l’individu à un pacte inaugural.
Le deuxième danger est celui d’une déresponsabilisation de l’accusé qui plaide pour sa défense la méprise sincère dans l’interprétation des signes d’opposition manifestés par la victime. Si le non-consentement est supposé être un état intérieur de la personne qui refuse la relation sexuelle, celui-ci doit être non seulement communiqué, mais entendu comme tel par autrui. Il dépend alors d’une forme de croyance de la part de l’accusé dont on évalue la bonne foi et qui peut légalement servir d’excuse. Une défense courante des mis en cause est d’affirmer qu’ils n’ont pas compris que la victime n’était pas d’accord parce qu’elle ne s’est pas fermement opposée ou n’a pas manifesté avec clarté son non-consentement. Par un retournement fréquent, les paroles et gestes de la victime sont alors scrutés dans le but de déterminer si la victime était crédible dans son refus. On sait pourtant que les victimes de viol se trouvent souvent dans un état de sidération, de dissociation, ou de mutisme traumatique, qui les empêche de s’opposer, ou encore dans un état d’effroi qui leur fait craindre un déchainement de violence si elles résistent. Or la définition du viol par le non-consentement fait reposer sur la femme la charge de manifester son refus avec suffisamment d’éclat pour être prise au sérieux.
Face à de telles difficultés, deux solutions sont opposées, l’une consiste à spécifier la définition du consentement afin de se prémunir des interprétations nocives, l’autre à se passer de cette notion jugée inamendable.
Le viol comme pénétration sexuelle sans consentement positivement exprimé
La présomption de consentement
La définition du viol comme sexe non-consenti implique l’exigence d’une opposition de la part de la plaignante et ouvre à l’excuse d’un malentendu de la part de l’accusé. Cette double implication se retrouve au niveau de l’enquête de police (l’investigation porte sur la crédibilité de la plaignante et la clarté de son refus), de la justification d’un classement sans suite (le procureur juge qu’il n’y a pas de preuves suffisantes de l’opposition ou que la victime n’est pas suffisamment crédible), et des débats quand le cas arrive devant une Cour (l’argument d’une croyance au consentement de la plaignante peut être retenu)27. Le droit autorise cela en préservant, dans la définition juridique du viol, la présomption de consentement qui est à l’œuvre dans les sociétés patriarcales28 et qui a pour effet de dépénaliser la prédation du corps des femmes en n’imposant pas de se soucier de leur consentement réel, c’est-à-dire de la réalité de leur libre accord. On considère alors moralement et légalement que céder c’est consentir et qu’il est de la responsabilité de la femme de savoir repousser les avances malvenues.
Derrière la présomption de consentement, l’image stéréotypée du viol est en cause. Alors que l’on sait que la plupart des victimes de viol connaissent leurs agresseurs, la représentation commune demeure celle d’un inconnu qui surgit soudain le soir dans un endroit désert et use de toute la violence imaginable pour contraindre la femme. Or, si l’on considère que la majorité des viols se passent dans un cadre intra-familial et que la contrainte peut être morale plus que physique, force est de constater que la représentation commune du viol est dangereusement réductrice. Si le droit ne peut à lui seul modifier ces fausses croyances, il a au moins pour devoir de ne pas inscrire dans la loi une définition qui pourrait prêter le flanc à ce genre d’interprétations et de ne pas favoriser cette « culture du déni29 ».
L’excuse du malentendu s’appuie sur la négation de la mens rea du mis en cause. Sur le plan juridique, trois éléments sont en effet essentiels à la qualification de viol : outre le texte de loi, et l’actus reus (l’élément matériel de l’infraction), l’état d’esprit coupable doit être établi. Or la mens rea est souvent déniée au motif que le mis en cause n’aurait pas eu conscience du non-consentement de la victime. Dans son ouvrage intitulé Le droit au sexe. Le Féminisme au vingt-et-unième siècle, Amia Srinivasan prend l’exemple, en 1976, de deux Britanniques qui violèrent tour à tour la femme de l’un d’entre eux, dans un contexte de violence conjugale et d’alcoolisation. Le mari ne fut pas accusé d’avoir violé son épouse car ce n’est qu’en 1991 que la Chambre des Lords annula l’« exception pour viol conjugal ». Quant à l’ami du mari, le tribunal jugea qu’« il ne remplissait pas la condition de mens rea (d’intention coupable) requise pour la qualification de viol » au motif qu’il « croyait sincèrement que l’épouse était consentante » puisque le mari affirmait qu’elle l’était30. En Espagne, le viol collectif d’une jeune femme de 18 ans lors des fêtes de Pampelune, requalifié en « abus sexuel » en première instance en 2017, provoqua une vague d’indignation dans tout le pays. L’affaire de la « Manada » (la « meute », selon l’auto-appellation du groupe de violeurs) conduisit le législateur espagnol à une redéfinition du viol connue sous le nom « Solo sì es sì ».
Seul un oui est un oui
Afin de mettre un terme à la présomption de consentement impliquée dans la définition par le non-consentement, la voie empruntée par certains pays (et certains campus universitaires aux Etats-Unis) consiste à inscrire dans la loi l’obligation de recueillir un consentement positif et volontaire de la part de ses partenaires sexuels. Nul ne doit plus se contenter d’une absence de refus pour arguer du consentement d’autrui. Pour se prémunir de la restriction de la qualification de viol couverte par le critère du caractère non-consensuel, le Canada est le premier pays à redéfinir le consentement comme un « accord volontaire » et à imposer à tout individu désirant une relation sexuelle de s’assurer par « des mesures raisonnables » que le consentement du partenaire envisagé est libre et effectif. La Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, rédigée en 2011 et connue sous le nom de « Convention d’Istanbul », s’engage elle-aussi dans cette voie : définissant à l’article 36 tout acte de « pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel » comme un viol, elle précise que « Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes ».
Selon l’analyse de Catherine Le Magueresse, « le modèle fondé sur l’intégration, dans le droit pénal, d’une définition du consentement positif et volontaire appelle à changer de paradigme : il s’agit d’en finir avec la présomption de consentement aux actes sexuels et de poser la nécessité de recueillir l’accord explicite et librement communiqué de l’autre en préalable à une activité sexuelle, et tout au long de celle-ci31. » Depuis 1992, la loi canadienne affirme que le consentement ne peut pas se contenter d’être tacite ni d’être uniquement préalable. Ce modèle communicationnel32 présente plusieurs avantages. D’une part, il permet de rééquilibrer l’orientation investigatrice : il n’appartient pas à la plaignante de prouver son non-consentement par ses refus et l’intensité de sa résistance, mais au mis-en-cause de montrer qu’il s’est réellement soucié du consentement de la plaignante, avant et pendant l’acte. En vertu de la loi, l’enquête doit s’inquiéter du comportement de l’accusé qui peut être inculpé pour n’avoir pas pris « les mesures raisonnables » pour s’assurer du consentement d’autrui. Nul ne saurait plus être considéré consentant par défaut. Comme le déclare le préambule de la loi modifiant le Code criminel en 1992, la voie canadienne cherche à enrayer la minoration de la parole féminine et à transformer la vision du consentement en passant d’un modèle de soumission à celui d’un véritable choix.
De plus, l’absence de réaction ou de refus ne constitue plus une défense légale. La question posée à l’accusé ne relève plus d’une interprétation de signes jugés ambigus (dans un contexte culturel où la femme est souvent accusée de l’être) ni d’une croyance qui relèverait d’une attitude mentale, mais d’actes locutoires explicites. Même si une personne n’a pas affirmé, que ce soit par peur, sous le coup de la sidération, ou par incapacité à réagir, qu’elle n’était pas consentante, l’infraction à la loi peut être constituée. En changeant de critère, la définition du viol est redimensionnée : aux cas de viols où le refus a été explicité s’ajoutent tous les cas où aucune mesure n’a été prise pour s’assurer de l’accord mutuel et où l’acte sexuel a eu lieu en faisant sciemment abstraction du risque d’une absence de consentement.
La législation canadienne vise la « zone grise du consentement » qui sert de justification à l’accusé pour dénier toute coercition exercée. Dans cette zone se trouvent un ensemble de situations au cours desquelles la victime a pu dans un premier temps manifester une volonté ou un désir d’entrer en relation avec l’accusé, ce qui légitimerait la croyance à son consentement à l’acte sexuel. Le cas emblématique de cette situation est celui des violences conjugales. Le consentement initial à une relation de couple renforce la présomption de consentement au sexe, ainsi que les risques d’emprise et de manipulation morale. Ce sont aussi les « date rape » que la solution canadienne cherche à faire sortir de la « zone grise » pour les définir comme viol à part entière. Il s’agit de contrebalancer la tendance à présumer que le fait d’accepter un rendez-vous ou de monter boire un verre vaut pour un consentement tacite à l’acte sexuel. Enfin, la voie canadienne insiste sur le fait que le consentement peut à tout moment être retiré et qu’il appartient à chacun de se soucier de cette rétractation et de l’accepter, sans jamais penser que l’autre est « allée trop loin » pour pouvoir se soustraire.
Les difficultés soulevées par le modèle du consentement explicite
Cette définition légale du viol pose cependant plusieurs difficultés. Toute pénétration sexuelle qui n’est concomitante d’aucune conversation éclairée sur l’accord réciproque pourrait être classée dans la catégorie du viol. Le risque de l’importation du consentement « libre et éclairé » du droit civil dans le droit pénal est celui de tendre à renforcer la vision contractualiste du consentement où chaque geste doit formellement être validé par les parties en présence. Pour échapper à l’accusation de viol, la définition légale imposerait une réassurance du consentement de tous les instants qui paraît peu réaliste et qui renverse le modèle du consentement-capitulation par un contre-modèle très contraignant. Soit la loi est appliquée à la lettre, imposant un scenario sexuel difficile à suivre, auquel on peut objecter le droit fondamental à la liberté sexuelle33. Soit, de manière plus probable, comme le défend M. Garcia dans La Conversation des sexes, l’écart entre la prescription légale et les pratiques réelles demeure, et l’on peut alors se demander s’il ne vaut pas mieux œuvrer pour une éthique sexuelle égalitaire et mutuelle, et contre les préjugés misogynes, y compris chez les magistrats, par d’autres moyens que la définition légale.
Le consentement n’est plus ici conçu comme un état mental, un acte de la volonté, ni même comme l’expression d’un sujet, mais comme un type de relation conversationnelle où l’on se soucie constamment du bien-être mutuel. Si, d’un point de vue éthique, cet idéal peut être enviable, il ne peut délimiter le cadre pénal. Quand le consentement est conçu dans son sens maximal comme conversation égalitaire, volontaire, explicite et renouvelée, alors de nombreuses situations correspondent à du sexe non consenti, au sens idéal que M. Garcia donne au consentement : celles-ci appartiennent à une zone grise qui ne doit pas forcément être définie comme viol. Inversement, si on maintient que toute pénétration sans explicitation du consentement est un viol, alors on pourrait juger que tout viol n’est pas pénalement répréhensible, ce qui aurait le défaut de le banaliser, et le risque majeur d’accentuer la déconsidération des victimes34.
La zone grise du consentement comporte des situations complexes où la personne s’est impliquée dans une relation sexuelle qu’elle ne désirait pas, à cause de carcans sociaux qui pèsent sur elle, sans pour autant que le partenaire en soit individuellement responsable. A. Srinivasan relate l’histoire d’un étudiant nommé Bonsu, avec qui une étudiante entreprend une relation sexuelle jusqu’au moment où celle-ci réalise qu’elle ne désire pas ce qu’elle est en train de faire et finit par partir. Accusé de viol, l’étudiant sera renvoyé de l’université du Massachusetts. Srinivasan avance alors deux idées concomitantes. D’une part, la qualification de viol est ici abusive : de l’aveu même de l’étudiante, Bonsu ne l’a pas forcée à l’acte sexuel, et il l’a laissée partir dès qu’elle s’est sentie mal. D’autre part, si l’étudiante s’est sentie obligée de pratiquer une fellation, les attentes intériorisées par de nombreuses femmes, exerçant sur elles une « forme de coercition35 », sont en cause. Autrement dit, la conduite de Bonsu ne doit pas être criminalisée, même si ce genre de situations pose de réels problèmes culturels, moraux, sociaux.
Plusieurs raisons peuvent être invoquées contre l’extension de la qualification de viol à de telles situations. D’un point de vue pénal, il n’est pas sûr que l’intérêt de la société soit de condamner pour viol de tels actes encourant alors des peines de réclusion. S’il est souhaitable d’accorder un « crédit de véracité36 » à la plaignante, prôner « l’inversion de la charge », en présumant tout rapport sexuel non consenti, et en exigeant de l’accusé qu’il prouve le consentement37, rentrerait en contradiction avec les principes fondamentaux du droit qui ont pour but légitime de garantir la sûreté de tout citoyen mis en cause38. D’un point de vue moral, un des arguments souvent invoqués à l’appui du consentement affirmatif est que la loi doit aussi être un outil pour changer les mentalités et les valeurs. Or, si la conscience des effets nocifs de la survalorisation du désir masculin ou des représentations stéréotypées du désir féminin est un progrès social, la législation ne saurait se charger d’imposer un scenario de relations sexuelles permises sans nuire à la liberté commune. En ce sens, le pouvoir de civilisation des mœurs sexuelles ou de normalisation de la sexualité par le droit pénal doit demeurer circonscrit.
Cependant, la crainte d’une vague de délation féminine est nourrie par le stéréotype misogyne de la femme calomnieuse ou vengeresse. La réticence à porter plainte et à se lancer dans une bataille judiciaire demeure un obstacle bien plus grand à la justice, que les dénonciations mensongères minoritaires. La difficulté principale de la définition positive du consentement est plutôt qu’elle n’a pas vraiment le pouvoir de résoudre les problèmes soulevés par la définition négative. Même si le passage de la croyance au consentement, aux « mesures raisonnables » pour s’en assurer, améliore la position des victimes, le modèle communicationnel ne peut pas échapper au débat contradictoire. Cela n’est pas en soi un problème, dans la mesure où le contradictoire est un des principes judiciaires fondamentaux. Cela ne le devient que si une des paroles est minorée. La résolution de cette minoration relève d’une politique judiciaire et d’un changement sociétal39. Mais l’évaluation de ce qui est « raisonnable » ne peut échapper à une interprétation de chaque cas singulier et une tentative d’établir une vérité judiciaire qui repose sur la confrontation des récits40. De plus, la présomption d’innocence dans le système judiciaire vaut dans tous les cas, y compris en cas de soupçon de viol, et le refus de la présomption de consentement ne saurait se transformer en un renversement de la charge de la preuve, l’accusé étant alors présumé coupable sauf à prouver qu’il a bien reçu un consentement explicite de la plaignante. Enfin, ce modèle a pour point commun avec la précédente définition de demeurer centrée sur le moment de l’acte (juste avant, pendant) sans prendre en compte le contexte plus général dans lequel celui-ci s’inscrit, contexte qui est souvent déterminant pour évaluer la contrainte subie.
Le viol comme acte de pénétration sexuelle obtenu par un ou plusieurs moyens coercitifs
Le viol comme « sexe inégal »
La troisième voie entend se passer purement et simplement du consentement pour définir légalement le viol. Le problème principal auquel une définition centrée sur l’usage de moyens de coercition veut remédier est celui d’une focalisation de l’attention investigatrice et judiciaire sur le moment de l’acte, les paroles et la psychologie de la plaignante, plutôt que sur le contexte et sur les agissements du mis en cause. MacKinnon alerte sur le fait que toute définition du viol par le prisme du consentement – qu’il soit tacite ou explicite – présente le défaut majeur de psychologiser le viol, comme s’il relevait d’un état mental de la plaignante, et de concentrer les débats sur cette dernière, en oubliant que ce sont les agissements de l’accusé qu’il faut décrire et que ceux-ci s’inscrivent dans des rapports plus généraux dont il faut tenir compte.
Pour MacKinnon, l’intégration de la notion dans la loi, même sous la forme du consentement explicite, nuit aux victimes et explique en grande partie le mauvais traitement judicaire de leurs plaintes. Son introduction dans la législation française constituerait, selon la juriste états-unienne, une véritable régression là où la loi a pour principale qualité de ne pas la faire apparaître. Le viol n’est pas tant du « sexe non désiré » que du « sexe inégal ». En le définissant comme un « crime d’inégalité de genre41 », MacKinnon nous enjoint de regarder du côté de ceux qui sont en position dominante et susceptibles d’abuser de leur pouvoir, plutôt que du côté de « ce que [fait] ou ne [fait] pas sa victime alléguée avec son corps ou dans sa tête42 ».
La position de MacKinnon met en lumière la nécessité juridique de prendre en compte les places occupées par les protagonistes d’une affaire et la domination que rend possible l’inégalité des positions. À se focaliser sur le consentement de la plaignante, on en vient à isoler ses paroles et ses gestes, à faire l’exégèse de son désir, et pour finir à renverser l’accusation contre elle. En outre, partout où l’on pourrait interpréter un oui, le sexe serait légitimé, sans penser qu’en contexte inégalitaire le consentement peut être forcé par l’abus de la position dont jouit le dominant et par les moyens de coercition morale dont il dispose. Loin d’être émancipateur, le modèle fondé sur le consentement est, selon MacKinnon, un « modèle de résignation, d’obéissance ou de soumission43 ».
Les promesses ambivalentes de la législation française
Selon MacKinnon, à rebours de toute législation intégrant la notion de consentement dans la définition du viol, la législation française serait bien plus « prometteuse44 », car elle se focalise sur la coercition exercée par l’usage de quatre types de « forces » (la violence, la menace, la contrainte ou la surprise). Non seulement les tentatives pour déterminer le degré de consentement de la victime en disséquant ses paroles et ses actes sont contre-productives et injustes, mais aux yeux de MacKinnon toute loi qui définit le viol par le non-consentement est ensuite forcée de déterminer de multiples cas où ce prétendu consentement ne vaut pas pour un accord véritable ou ne disculpe pas l’accusé.
Plutôt que de rendre essentiel le consentement dans la loi pour ensuite avoir besoin de le disqualifier, la proposition de MacKinnon consiste à introduire la notion d’inégalité en définissant le viol comme une forme d’abus de position dominante. Le viol est rendu possible par le profit tiré d’une situation inégalitaire. De l’article 222-23 du code pénal français, MacKinnon propose alors de conserver trois formes de coercition sur quatre (en y retirant la surprise), et d’y ajouter la mention des inégalités : « Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur […] commis avec violence, contrainte ou menace en exploitant ou en profitant de(s) (l’)inégalité(s), est un viol45. »
Les analyses de la loi et de la jurisprudence françaises dans les travaux de Le Magueresse montrent cependant que celles-ci ne prémunissent pas de la conception inégalitaire du consentement dénoncée par MacKinnon. Tout comme dans les systèmes législatifs qui définissent le viol par le non-consentement, la loi française conduit elle aussi à présumer que toute personne est consentante jusqu’à preuve suffisante de son refus et de sa résistance aux assauts sexuels. La loi française fait du consentement un implicite qui doit être réfuté par la preuve de la violence, menace, contrainte, ou surprise ; et l’interprétation jurisprudentielle de la loi en fait un présupposé, qui a pour effet pervers d’exiger de la victime qu’elle fournisse la preuve suffisante de son opposition aux actes sexuels. Les différents acteurs du système judiciaire (policier, procureur, juge) écartent notamment les plaintes qui ne comportent pas de preuves tangibles du refus.
MacKinnon idéalise le « modèle français » et sa distinction d’avec un « modèle britannique » fondé sur la recherche de preuves du non-consentement de la victime, tout en reconnaissant pourtant leur « convergence » dans les faits46. Or, le droit pénal français présente le même défaut de se focaliser sur les réactions de la plaignante. L’absence de mention du consentement dans la loi française ne prémunit en rien des effets injustes de sa présomption, ni ne protège mieux dans les faits les victimes contre les abus, la jurisprudence montrant que la notion est tellement présente dans les consciences et centrale dans la définition courante du viol, qu’elle est déduite du code pénal par les différentes parties du monde judiciaire – la résistance à la coercition prouve le non-consentement qui définit donc le viol. Symétriquement, on l’a vu, il n’est pas pour autant plus sûr que l’introduction de la notion prémunisse mieux des difficultés soulevées par cette interprétation de la loi.
Les difficultés soulevées par la définition du « sexe inégal »
La proposition de définir le viol comme un « sexe inégal » présente elle-aussi des difficultés. La critique courante adressée à la thèse de MacKinnon est qu’elle conduirait à une généralisation potentielle du viol à toutes les relations hétérosexuelles. Le droit étant sommé de reconnaître les inégalités de genre qui structurent nos sociétés et de définir le viol comme une violence sexuelle rendue possible par ce contexte inégalitaire, on pourrait craindre que rien ne puisse plus distinguer le sexe de l’agression, si on refuse de prendre en considération le consentement. Tout rapport sexuel homme-femme serait par définition un viol dans la mesure l’homme profite de sa position structurellement dominante.
À rebours de cette objection, la focale de la proposition de MacKinnon ne permet en réalité de viser que les cas extrêmes et ne peut prendre en charge l’examen des zones grises mentionnées précédemment. Le caractère surdimensionné de la définition n’est pas tant à craindre que sa restriction aux cas les plus graves d’abus de position dominante dans une situation d’inégalités manifestes. Le paradigme mobilisé par MacKinnon pour définir le viol comme sexe inégal est celui du contexte génocidaire (au Rwanda notamment). Dans ces contextes, la question du consentement est indéniablement hors sujet et il serait tout à fait abjecte de minimiser les violences au motif d’une croyance au consentement des victimes. Mais dans le cas du « viol génocidaire47 », l’inégalité structurelle de genre est indissociable d’extrêmes inégalités entre des groupes racialisés, et l’abus de la position masculine indissociable d’une intention génocidaire. En inscrivant les inégalités dans la définition du viol, la charge de la preuve pourrait être considérablement accrue en temps de paix.
En effet, la mention proposée par MacKinnon d’une « utilisation directe48 » d’une position inégalitaire dans la définition du viol pourrait accroitre la difficulté à laquelle le droit est confronté. En toute rigueur, il devrait alors être prouvé que la violence, contrainte ou menace a été commise « en exploitant ou en profitant d’une ou plusieurs inégalités49 ». Or l’inégalité de genre n’est qu’une « forme potentielle de force50 ». Comme MacKinnon elle-même le considère, un contexte général d’inégalité des sexes est insuffisant en soi à prouver le viol. Pour être en mesure de prouver l’« exploitation de l’avantage51 », il faudrait alors ou bien démontrer le profit tiré du contexte général d’inégalité de genre par l’usage de la violence, contrainte ou menace (sans résoudre les difficultés pointées dans la section précédente), ou bien prouver le profit tiré d’une autre forme d’inégalité que l’inégalité de genre – ce qui semble être le cas des contextes asymétriques envisagés par MacKinnon52. Une seconde inégalité des positions (entre patron et salarié par exemple) vient alors activer l’abus de position dominante au sein de la première inégalité – l’inégalité de genre ne pouvant à elle seule fonctionner comme une preuve. De ce fait, on exclut de la définition du viol toutes les situations qui ne sont pas a priori asymétriques au-delà du contexte structurel.
De plus, l’effacement de la notion de surprise par MacKinnon, au motif que celle-ci « peut être agréable dans les bonnes circonstances53 », est révélateur du fait que le prisme unique des inégalités de positions peut rendre aveugle aux circonstances singulières d’un acte indépendamment de l’avantage tiré d’une inégalité. La notion de surprise dans le droit français désigne en effet une stratégie de neutralisation de la volonté de la victime, ou un acte commis dans une situation où la conscience de la victime est altérée au point de rendre impossible un consentement (elle est par exemple en train de dormir ou bien elle est ou a été droguée) – les agressions commises par surprise ayant pour effet courant de plonger dans un état de sidération qui rend incapable de réagir. En ce sens, la surprise ne porte pas tant sur la psychologie de la victime (son étonnement ou son indécision) que sur le stratagème élaboré par l’auteur des faits pour fausser ou déjouer le consentement. Or la surprise peut être totalement déliée du profit ou de l’avantage tiré d’un contexte inégalitaire. La perspective inégalitaire pourrait ainsi conduire à ne considérer que la dimension statutaire du viol (l’avantage tiré d’un statut supérieur), sans considérer sa dimension situationnelle (les stratagèmes qui peuvent avoir lieu pour parvenir à ses fins, même entre individus statutairement égaux).
Enfin, même si l’on considère uniquement les contextes d’inégalités statutaires, la loi doit distinguer deux types de cas : ceux où l’inégalité statutaire disqualifie la question du consentement54 ; ceux où l’inégalité statutaire n’interdit pas a priori la relation. Dans ce second type de cas, le consentement demeure essentiel pour faire la part entre le viol et le sexe licite. À moins d’interdire en amont toutes les relations en contexte d’inégalités statutaires (la liste risque de ne jamais être exhaustive), la parole de la victime doit être prise en considération et on ne saurait l’assigner de l’extérieur à une position soumise.
Une alternative à ces trois modèles ?
Fusionner les deux modèles ?
Les deux modèles précédemment analysés, celui (n°2) centré sur le consentement explicite et celui (n°3) centré sur la coercition, cherchent à remédier à la définition restrictive et inégalitaire du viol du modèle n°1. Dans la définition n°2, on cherche à neutraliser la stratégie de défense courante consistant à invoquer sa croyance dans l’accord d’autrui en vertu de son mutisme, de sa passivité ou de son ambiguïté supposée. Dans la définition n°3, on vise à intégrer dans la catégorie de viol ces cas où, sans avoir recours à la violence physique, le mis en cause a exploité son ascendant moral sur la victime. Ainsi, les deux modèles ne cherchent pas à subsumer les mêmes cas sous la catégorie de viol. Dans le modèle n°2, il s’agit avant tout de qualifier ceux où l’accusé tire profit de circonstances pour parvenir à ses fins sexuelles, en éludant avantageusement la question de la volonté réelle de la victime. Dans le modèle n°3, il s’agit plutôt de qualifier des cas où l’accusé use de moyens coercitifs pour contraindre la volonté, sans que ces moyens ne se réduisent à l’usage de la force.
Tandis que les cas pris en compte par le modèle n°3 impliquent l’usage de moyens coercitifs, les cas du modèle n°2 passent plutôt par des stratégies de déconsidération de la volonté d’autrui. Dans la mesure où ces deux ensembles de cas ne sont pas exactement superposables (même s’ils peuvent se recouper), une définition hybride pourrait être requise, à condition d’échapper aux difficultés pointées plus haut pour chacune d’entre elles. Une reformation du « consentement affirmatif » en termes de « participation volontaire », peut notamment avoir le double avantage de se centrer sur les actes (et non sur ce qui se passe « dans la tête » des parties-prenantes), et d’éviter les connotations asymétrique ou contractuelle que peut véhiculer le terme de consentement. La mention de l’exigence de la participation volontaire des partenaires insiste sur la dimension consensuelle d’une relation sexuelle licite, plutôt que sur l’explicitation des termes d’un accord qui peut être faussé ou supposé équivoque.
La définition générale du viol dans le code criminel suédois peut fournir un exemple de modèle hybride dans la mesure où celle-ci comprend (1) une qualification générale par la non-participation volontaire de la victime (avec la mention d’« une attention particulière » qui sera « accordée à la question de savoir si le caractère volontaire a été exprimé par des mots, des actes ou d’une autre manière »), et (2) une catégorisation des moyens coercitifs qui anéantissent le caractère volontaire de toute participation (l’agression, la menace, l’exploitation de la vulnérabilité, ou l’abus d’une situation de dépendance)55.
Dans un modèle hybride reste cependant à déterminer si la qualification de viol requiert :
- Les critères (1) et (2) ensemble – la qualification requérant l’absence d’expression de la volonté en plus de la coercition – ce qui apparaîtrait comme une interprétation maximaliste indéfendable au regard des analyses menées plus haut
- Le critère (2) en tant qu’il est une explicitation de (1) – le caractère non-volontaire étant prouvé par la coercition – auquel cas il s’agit d’une explicitation de ce qui était implicite dans le modèle du viol par un ou plusieurs moyens coercitifs
- Le critère (1) ou (2) – deux types de définition du viol étant juxtaposées, le viol pouvant être qualifié soit par l’absence d’expression de la volonté soit par l’usage de la coercition – ce qui pose la question de l’unité définitionnelle.
Deux types de viols ?
En considérant l’hybridation de la troisième option évoquée ci-dessus, la distinction entre le modèle n°2 et le modèle n°3 de la définition du viol ne résiderait pas tant dans la mention du consentement que dans l’exigence d’un type d’intentionnalité, plus forte dans le modèle n°3 (il faut avoir voulu un rapport non consenti, la volonté étant prouvée par l’usage de la coercition) que dans le modèle n°2 où, sans chercher à contraindre, le choix de passer outre le doute sur le consentement permet la qualification de viol. Au viol par coercition s’ajoute un viol par opportunisme ou profit tiré d’une situation56. Ce dernier ne peut être pénalement répréhensible que si la conscience du risque de non-consentement était non seulement possible mais exigible, en faisant apparaître que l’accusé aurait dû s’en rendre compte, et qu’il n’a pris aucune précaution pour dissiper le doute. Le risque de non-consentement peut par exemple être établi à partir de l’altération du jugement de la victime (surconsommation d’alcool) ou d’un refus exprimé dans des circonstances antérieures à celles de l’acte.
Quand bien même subjectivement l’auteur n’aurait pas eu l’intention de commettre un acte sexuel non consensuel, sa faute réside dans son insouciance rendue manifeste par son absence de mesure prise pour lever un doute qui profite au crime57. Mais la faute ne pourra être objectivée que par le caractère déraisonnable de la conduite, que l’aveuglement soit allégué ou feint (la plupart des accusés plaidant le malentendu). Ni le consentement ni la croyance en celui-ci ne sont à chercher dans l’intériorité des individus, mais dans le déroulement de faits auquel on applique rétrospectivement un critère de raisonnabilité qui a sa part de subjectivité et qui dépend de la confrontation des récits. Le devoir, moral et juridique, de se soucier de la volonté d’autrui ne peut pas être prédéfini par des étapes ou passages obligés. Aussi le caractère raisonnable de la conduite sera-t-il nécessairement évalué en contexte, au regard de la réalité du risque de non-consentement dont l’accusé aurait dû se rendre compte.
Mais on peut alors se demander si la notion juridique de « surprise » n’est pas à même de subsumer des cas d’insouciance volontaire, en mettant l’accent sur la stratégie d’évitement adoptée par le mis-en-cause plutôt que sur une imprudence. L’accent mis sur cette dernière, plutôt que sur la stratégie de l’agresseur, pourrait avoir pour effet délétère de faire passer une catégorie des viols comme relevant du malentendu. Le fait de surprendre la victime ne consiste pas à se tromper sur son désir, mais à tirer un profit criminel d’une situation où sa volonté ne peut pas s’exprimer, ou pas librement (le degré de gravité dépendra de la distinction entre une situation mise en place par l’accusé et une opportunité dont il choisit de profiter). La distinction de niveau de gravité à partir d’intentionnalités et de procédés très divers a la vertu de porter l’attention sur la non-équivalence des affaires, mais elle ne doit pas nécessairement se traduire par deux définitions du crime selon deux standards distincts. Tout comme l’explicitation de la surprise, le renforcement du sens de la contrainte morale peut permettre de prendre en compte les contextes d’emprise, d’isolement, d’abus de confiance ou de position dominante. En ce sens, l’explication des modalités coercitives pourrait fournir un cadre législatif pertinent de façon à endiguer les inégalités de traitements judiciaires.
Au terme de cet essai de typologie imparfaite, les limites inhérentes à toute définition juridique, singulièrement à celle du viol, doivent être soulignées. Aucune loi, si limpide soit-elle, ne peut démêler par avance la complexité des affaires. Juridiquement, le consentement ne saurait être trouvé dans ce qui s’est passé « dans la tête » de la plaignante (pas plus que la croyance en celui-ci ne se passe « dans la tête » de l’accusé) mais dans le déroulement de faits dont on cherche à déduire rétrospectivement la dynamique volontaire ou subie. Reste que ces faits seront évalués, dans leur singularité, principalement par leur mise en récit, et que leur qualification, infirmée ou confirmée par la décision judiciaire, n’énoncera jamais qu’une vérité propre au droit.
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NOTES
- Afin de ne pas les réduire à leur statut de victimes, le terme « survivantes » est parfois préféré. Cet article se situant dans un cadre judiciaire, je conserve le mot victime, sans pour autant négliger l’importance de pas confondre la personne avec ce statut.[↩]
- Sur la construction culturelle de ce mythe dans les procès, par exemple en Grande-Bretagne, voir Kim Stevenson, « Unequivocal Victims: The Historical Roots of the Mystification of the Female Complainant in Rape Cases », Feminist Legal Studies 8 (3), 2000, p. 343-366.[↩]
- Étant donnée la très forte proportion des femmes victimes de violence sexuelle, mon propos sera généralement au féminin. Ce n’est pas seulement pour des raisons statistiques : le consentement est une notion qui qualifie historiquement les rapports hommes-femmes et leur dynamique relationnelle. Alors que la notion est individualisée (comme si le consentement était une décision ou une volonté sui generis qui surgirait dans la tête d’une personne), on ne peut pas faire abstraction de la manière socialement et historiquement construite autour des pôles masculins et féminins dont cette relation opère. Mais je n’oublie pas que des garçons et des hommes (cis ou trans) sont eux aussi victimes d’agressions et de viols. [↩]
- Irène Théry, Moi aussi. La nouvelle civilité sexuelle, Paris, Seuil, 2022.[↩]
- La force désigne plus directement la violence physique, la contrainte a un sens plus large qui inclut la notion d’emprise psychologique ou les pressions morales.[↩]
- Catherine Le Magueresse, Les pièges du consentement. Pour une redéfinition pénale du consentement sexuel, Éditions iXe, 2021.[↩]
- Manon Garcia, La conversation des sexes. Philosophie du consentement, Flammarion, 2021[↩]
- Muriel Fabre-Magnan, L’institution de la liberté, PUF, 2018, chapitre 2.[↩]
- Carole Pateman, Le contrat sexuel (1988), La découverte, 2010.[↩]
- Voir Geneviève Fraisse, Du Consentement, Seuil, 2007 ; « Le consentement est un mot archaïque », entretien du 31/10/2017, dans Féminisme et philosophie, Folio, 2020, p. 107-112.[↩]
- UK Public General Acts, 2003, c. 42, Part 1, Rape Section 1. On laisse de côté les problèmes de la restriction du viol à la pénétration avec un pénis[↩]
- La dernière modification de la loi française intègre dans la définition du viol la fellation forcée pratiquée soit sur la victime soit sur le mis en cause.[↩]
- Le moralisme juridique condamne une pratique au nom de valeurs morales, quand bien même cette pratique ne nuirait à personne ; le paternalisme entend empêcher l’individu de se faire du tort à lui-même. Voir H. L. A. Hart, Le Droit, la liberté et la morale, Classiques Garnier, 2021. [↩]
- Le terme caractérise ici une société où les pères de famille commandent et imposent leur volonté. Mais comme l’a montré Carole Pateman, ces individus dominants sont d’abord des hommes qui s’identifient à un pouvoir masculin gouvernant les femmes.[↩]
- Voir Irène Théry, op. cit, et Georges Vignarello, Histoire du viol, 1998. [↩]
- Jean-Jacques Rousseau, Lettre à d’Alembert, Œuvres complètes, vol. V, Pléiade, p. 78 (note *).[↩]
- Voir Jean-Jacques Rousseau, Émile ou de l’éducation, Œuvres complètes, vol. IV, Pléiade, p. 863.[↩]
- Lettre à d’Alembert, op. cit, p. 78 (note *).[↩]
- Voir aussi Émile ou de l’éducation, op. cit., p. 694-5.[↩]
- Lettre à d’Alembert, op. cit, p. 78 (note *). Cf. Émile ou de l’éducation, op. cit., p. 734 : « la bouche dit non, et doit le dire ».[↩]
- La nature « les rend craintives afin qu’elles fuient, et faibles afin qu’elles cèdent » (Lettre à d’Alembert, op. cit, p. 78). Pour une tout autre lecture, voir Claude Habib, Le consentement amoureux, Hachette, 1998.[↩]
- Le cas des viols sur mineurs le fait apparaître plus encore. Le récit de Vanessa Spingora, intitulé Le consentement, montre qu’une enfant de treize ans peut « consentir » à des rapports sexuels avec un homme de cinquante ans, au sens où, durant tout le temps de l’emprise, elle n’est pas en mesure de s’opposer au violeur, sans que cela n’ôte rien à la gravité des crimes commis par ce dernier et à la réalité de l’abus.[↩]
- Voir Clothilde Leguil, Céder n’est pas consentir. Une approche clinique et politique du consentement, PUF, 2021. [↩]
- Voir Ruwen Ogien, « L’incohérence des critiques des morales du consentement », Cahiers de recherche sociologique, 43, p.133-140, 2007.[↩]
- Voir Muriel Fabre-Magnan, « Le sadisme n’est pas un droit de l’homme », Recueil Dalloz, 12/2005, Numéro 43 (CEDH, 1re sect., 17 février 2005, K. A. et A. D. c/ Belgique). Voir aussi L’institution de la liberté, PUF, 2018, chapitre 2. MacKinnon critique également la manière dont la liberté sexuelle sadomasochiste sert d’alibi aux violences au motif qu’elles sont consenties. Plutôt que de protéger les victimes, la loi « sécurise le SM » alors qu’il est le « paradigme sexuel » d’une société qui sexualise le pouvoir des dominants (Catharine A. MacKinnon, Le viol redéfini. Vers l’égalité, contre le consentement, Flammarion, Climats, 2023, p. 114).[↩]
- J’emprunte l’expression à Muriel Fabre-Magnan, L’institution de la liberté, op. cit. À rebours, Ruwen Ogien critique la condescendance à l’égard d’individus déniés dans leur capacité autonome de consentir, au nom du principe de dignité.[↩]
- Les travaux de Catherine Le Magueresse aussi bien que de Catharine MacKinnon fournissent de nombreux exemples. Voir aussi Océane Pérona, « Déqualifier les viols : une enquête sur les mains courantes de la police judiciaire », Droit et société, 2018/2 (N° 99), p. 341-355.[↩]
- Voir les résultats de l’enquête IPSOS sur les représentations des Français et Françaises sur le viol, commandée en 2022 pour l’association Mémoire traumatique et victimologie.[↩]
- Denis Salas, Le déni du viol. Essai de justice narrative, Michalon Éditeur, 2023.[↩]
- Amia Srinivasan, Le droit au sexe. Le féminisme au vingt-et-unième siècle, PUF, 2022, p. 57. Les mêmes arguments de la défense se retrouvent jusqu’à aujourd’hui dans le procès des viols dits de Mazan. [↩]
- C. Le Magueresse, op. cit., p. 141.[↩]
- Voir Tom Dougherty, « Yes Means Yes : Consent as Communcation », Philosophy & Public Affairs 43, no. 3, 2015.[↩]
- Voir la critique libérale de ce modèle du consentement affirmatif par Janet Halley, « The Move to Affirmativ Consent », Journal of Women in Culture and Society, 2016, vol. 42, no. 1.[↩]
- M. Garcia, op. cit., chapitre 6.[↩]
- A. Srinivasan, op. cit., p. 70. [↩]
- I. Théry, op. cit., p. 387.[↩]
- « Proposons l’inversion de la charge de la preuve. (…) Je veux l’émancipation avec le consentement, et la critique de la domination masculine avec l’inversion de la charge de la preuve. » (Entretien avec Geneviève Fraisse, Le Un Hebdo, n° 485, 28 février 2024).[↩]
- Comme l’affirme M. Garcia, « Considérer que le consentement ne peut pas être présumé (par une présomption simple [ie qui peut être réfutée par la partie adverse, contrairement à une présomption irréfragable] signifierait présumer que tout rapport sexuel est, sauf preuve du contraire, une agression sexuelle ou un viol. Cela aurait pour conséquence que toute personne qui aurait une relation sexuelle avec une autre devrait être en mesure d’établir la preuve, juridiquement recevable, du consentement de son ou sa partenaire, au risque d’années de prison. Cela n’est sans doute ni possible ni souhaitable. » (op. cit., p. 243). [↩]
- Holly Johnson dresse un bilan négatif de la capacité de la réforme du droit pénal canadien à améliorer le traitement des crimes sexuels, « Limits of a Criminal Justice Response : Trends in Police and Court Processing of Sexual Assault », in E. Sheehy (ed.), Sexual Assault in Canada : Law, Legal Practice and Women Activism, University of Ottawa Press, 2012, p. 613-634.[↩]
- Pour une vision nuancée des effets de la définition du consentement affirmatif dans le droit canadien, Lise Gotell, « Rethinking Affirmative Consent in Canadian Law : Neoliberal Sexual Subjects and Risky Women », Akron Law Review, 41, 2008, p. 865-898.[↩]
- C. MacKinnon, Op. cit., p. 29. Voir aussi Susan Brownmiller, Le viol, Stock, 1976. [↩]
- Ibid., p. 25.[↩]
- Ibid., p. 11.[↩]
- Ibid., p. 51.[↩]
- Ibid., p. 200.[↩]
- Ibid., p. 50. De même que MacKinnon semble surestimer la différence entre une « définition française » du consentement dans la langue usuelle qui serait comprise comme un véritable accord, et une « définition anglaise » qui désignerait une forme d’abandon ou de résignation (Ibid., p. 67). En réalité, les féministes françaises cherchent elles aussi à défendre un sens du consentement qui le distingue définitivement de l’abandon. Geneviève Fraisse propose de remplacer le terme par « accord » (« Le consentement est un mot archaïque », art. cit.).[↩]
- Ibid., p. 189.[↩]
- Ibid., p. 199.[↩]
- Ibid., p. 200.[↩]
- Ibid., p. 165, je souligne.[↩]
- Ibid., p. 200.[↩]
- Voir la liste donnée p. 180. [↩]
- Ibid., p. 188.[↩]
- C’est généralement le cas des mineurs (la loi française du 21 avril 2021 fixe l’âge du consentement sexuel à 15 ans). [↩]
- Le droit suédois ajoute une sous-section sur « le viol par négligence » que nous pouvons discuter que latéralement dans le cadre de cette contribution.[↩]
- Au moment de publier cet article, nous prenons connaissance de la tribune dans le journal Le Monde du 2 octobre 2024 par Irène Théry qui avance l’idée d’un « viol d’opportunité » à proos du procès de Mazan[↩]
- Dans le droit canadien, l’accusé ne peut justifier d’une croyance au consentement si celle-ci résulte de « son insouciance (recklessness) ou d’un aveuglement volontaire » (Criminal Code, L. R.C. (1985), ch. C-46, 273.2 a) ii). [↩]
Johanna Lenne-Cornuez est Maîtresse de conférences en Philosophie morale et éthique appliquée à la Faculté de Philosophie de l’Université Jean Moulin Lyon 3/Irphil)