Sécularisation contre sécularisation : une compréhension du système de la République islamique d’Iran

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Cet article a été initialement publié dans le dossier “La sécularisation en Iran sous la République Islamique” dirigé par Farhad Khosrokhavar et Marie Ladier-Fouladi.

La sécularisation est un processus aboutissant à un nouvel état de fait qui se caractérise grossièrement par une autonomisation de la sphère publique par rapport au religieux, et à un recul du religieux. Ainsi les sciences humaines occidentales définissent-elles le terme de sécularisation, un processus coextensif à la modernité occidentale et qui est l’expression d’un monde qui se désenchante.

L’Occident a surtout étudié le phénomène autour de la question de la nature de l’effacement du religieux de la sphère publique : il a pu être considéré comme un retrait pur et simple du religieux de la sphère publique, retrait nécessitant une réélaboration de la pensée (telle est d’ailleurs la thèse de Hans Blumenberg)[1], ou encore, sous la plume de Karl Shmitt[2], comme un transfert de contenu du champ religieux au champ politique. Au-delà de la question des raisons du processus, la sécularisation se définit comme un concept circonscrivant un espace réglé par la séparation de la religion et de l’État. Le débat théorique au sens fort s’est concentré autour de la question de l’effacement du religieux ou de sa reconversion, mais il nous semble qu’une autre acception, plus littérale, consistant en une application en ce bas-monde d’éléments issus de l’au-delà-du-monde, doit être aussi considérée.

Cette définition littérale aurait paradoxalement poussé la pensée occidentale à crier à la contradiction : comment la sécularisation conçue comme une perte d’hégémonie du religieux sur la société pourrait-elle comprendre l’idée d’un plein investissement du siècle par des éléments au départ transcendants ? Cette deuxième vue de la sécularisation, notamment envisagée par des sociologues comme Farhad Khosrokhavar,[3] doit être comprise comme le processus par lequel des questions passent « de la transcendance à l’immanence », devenant ainsi les notions phares d’idéologies politiques globalisantes resacralisées[4].

L’actuel régime iranien qui repose sur le velayat-e faqih, à savoir la guidance du jurisconsulte religieux, entre de façon paradoxale dans le cercle des idéologies séculières par un complexe processus à deux temps, processus symptomatique à notre sens, de toute entrée dans la modernité : la religion traditionnelle est désacralisée de sorte à rendre séculiers et modernes ses piliers transcendants, puis resacralisée pour être érigée en religion politique. Ce type de sécularisation, au sens d’immanentisation, est un processus diffusé par le haut, contrairement à l’aspiration séculariste nouvelle qu’on observe actuellement en Iran, aspiration populaire coextensive à la désillusion du modèle théocratique, qui, elle, se diffuse à l’échelle de la société, en deçà de la sphère de l’État.

L’établissement de cette deuxième acception aux côtés de la définition traditionnelle de sécularisation constitue un des points d’Archimède de la compréhension de l’Iran actuel : la République islamique n’est ni la résultante d’une rupture avec la sécularisation, ni d’une « dé-sécularisation », telle que Peter L. Berger notamment l’avait appréhendée[5]. Envisager l’établissement de l’islam et de ses traditions en Iran comme un retour en arrière, reviendrait à se cantonner à l’application pure et simple au contexte iranien du concept de sécularisation dans son acception occidentale.

La République islamique est en soi une sécularisation du chiisme, à savoir une théocratie, un gouvernement selon les lois de Dieu. On pourrait voir dans cet état de fait inédit l’aboutissement d’une politique de modernisation et d’occidentalisation initiée sous l’ancien régime qui n’aura su trouver d’écho homogène dans une population ayant, dans une large mesure, perçu la donnée étrangère comme une intrusion. L’islamisation de la sphère politique iranienne incarne, nous semble-t-il, une réaffirmation d’une donnée religieuse avec les moyens et les apports politiques modernes.

La sécularisation à l’occidentale : entre assimilation et rejet

L’occidentalisation a fait son entrée en Iran sous des traits politico-économiques dès le XIXe siècle, et a très vite été perçue par nombre d’intellectuels iraniens comme un phénomène culturel dangereux pour l’identité iranienne. Si des événements antérieurs ont témoigné de l’amorce du processus (pensons notamment au soulèvement de la régie des Tabacs de Talbot en 1890)[6], la révolution constitutionnaliste de 1906 nous semble être le point culminant du double phénomène naissant de la confrontation à l’Occident. Cette révolution incarne à la fois l’intégration de données occidentales (forme politique constitutionnelle inspirée du modèle belge, nature des droits revendiqués, etc.) et son rejet à travers l’opposition à un pouvoir qui laisse l’Occident et sa modernité « piller » le pays.

Ce fut aussi aux petites heures de la révolution constitutionnaliste que la voix des religieux en politique se fit entendre. Les premières vagues de la modernité se sont donc accompagnées d’un double mouvement traduisant un paradoxe de taille : c’est notamment à travers l’utilisation des outils de la modernité occidentale qu’on vit les prémices d’un retournement contre cette même modernité, à l’initiative d’une certaine élite. L’aboutissement théocratique, cinq décennies plus tard, s’est présenté comme l’incarnation de l’anti-occidentalisme tout en parlant, sans le dire, à travers l’intégration de ses structures. Cette analyse, notamment dessinée par la pensée de Daryush Shayegan dans son Regard mutilé,[7] présente l’attitude de repli et de rejet face à l’Occident comme le fruit du sentiment d’une aliénation extérieure (concessions octroyées aux Russes et aux britanniques pour permettre à la cour Qajar[8] un train de vie dispendieux et une mauvaise gestion du gouvernement central), puis comme le résultat d’un épuisement intérieur tout opposé au modernisme des Pahlavi (1925-1979) qu’on confond volontiers avec l’occidentalisme : l’empire fait désormais face à un cheval de Troie, du point de vue de la population, puisque l’étranger est véhiculé de l’intérieur. La République islamique est donc deux fois le fruit de la politique séculariste du Shah : d’abord parce qu’on la rejette elle et tous ses pendants, ensuite parce qu’on utilise les outils importés « de force » d’Occident (comme les sciences humaines critiques) pour se retourner contre elle. La modernisation s’est accompagnée de l’importation des modèles éducatifs occidentaux (que Saeed Paivandi nomme madreseh djadid, « la nouvelle école »[9]), et des sciences humaines, sciences permettant le développement de facultés critiques qui auront su desservir la légitimité de la monarchie (déjà sous les Qajar, plus encore sous les Pahlavi).

Les années 1970 voient dès lors l’émergence d’idéologues qui entreprennent de penser ce qui ne se pensait pas : la légitimité du pouvoir ou une relecture des grandes figures et des grands principes religieux. Dans ce contexte, repenser l’immuable et l’absolument vrai n’est pas blasphématoire, c’est un symptôme paradigmatique de la sécularisation au sens d’application séculier du religieux. On voit plusieurs grands piliers de l’islam chiite immanentisés pour être politisés : la figure de l’Imam trouve une incarnation dans le Guide suprême, l’Umma devient nation, l’attentisme traditionnel[10] est détourné au profit de l’action révolutionnaire puis politique, enfin le martyre de Dieu devient le martyre d’État tombant pour la nation.

La sécularisation du chiisme au sens d’application littérale de la religion dans le siècle est donc l’expression d’une entrée de l’Iran dans la modernité d’une part, et d’une réponse circonstancielle au ressentiment, affect notamment étudié par Djalal Al-e Ahmad[11] sous le nom d’ « Occidentalite » (gharbzadegi)[12], d’autre part.

La sécularisation comme immanentisation des grands piliers islamiques

La figure de l’Imam est centrale dans le chiisme : elle crée sa nature, sa dynamique, son cadre eschatologique. Cette centralité est telle qu’elle dessine les différentes branches du chiisme[13] et en constitue son essence même. L’Imam a fait l’objet d’une désacralisation par une humanisation à l’heure du chiisme révolutionnaire, puis à celle du chiisme institutionnel du velayat-e faqih. L’institutionnalisation du chiisme, sous les traits de la République islamique, a aussi dû faire l’objet d’une désacralisation de la figure de l’Imam pour répondre à l’exigence théocratique. L’incarnation de l’intendance de Dieu par le Guide suprême a désengagé l’essence imamique de l’immortalité, de l’ésotérisme et de l’infaillibilité. Le titre d’ « imam » octroyé à l’ayatollah Khomeiny n’était certes qu’honorifique, puisque cette appellation ne trouve pas d’occurrence dans la Constitution, mais elle reste tout de même significative. Elle aura même fait l’objet de débat concernant son successeur Ali Khamenei[14]. L’infaillibilité (isma’) coextensive à l’Imam se trouve relativisée dans le cadre d’un ancrage séculier.

C’est d’ailleurs de ce détournement politique et temporel de la figure de l’Imam qu’émerge l’exigence d’une circonscription bien séculière et géographique de l’idée transcendante d’umma. Les conjonctures géo-stratégiques dans lesquelles l’Iran a dû évoluer au-delà de son identité théocratique ont forcé la redéfinition de l’idéal de communauté islamique. Traditionnellement, l’umma, c’est-à-dire la cité idéale est une communauté dont le ciment est, avant le sang, la foi commune. Elle est en quelque sorte l’horizontalité du religare, et la foi sa verticalité. Dans le Coran, le terme désigne une communauté de conventions de l’agir autour des principes religieux de Bien et de Mal[15]. Aux petites heures de la République islamique, le message khomeyniste entendait recouvrir les contours de cet idéal, mais les incompatibilités avec les réalités politiques du siècle ont obligé une cristallisation autour du terme de nation. Au-delà du plus éclatant des exemples de repli national à l’heure de la guerre Iran-Irak, on peut aussi penser à la révolte de Damas de 1982 : Khomeiny y a oublié son projet d’unification des peuples de l’islam pour laisser le gouvernement syrien massacrer des milliers de musulmans portant le sceau de leur islam, puisque c’est une révolte des frères musulmans que Damas écrasa dans le sang[16]. Par ailleurs, le conflit contre l’Irak dessina de la façon la plus franche la nécessité d’une défense nationale (si sacrée la terminologie guerrière a-t-elle pu se circonscrire), confondant la « sauvegarde de l’Islam » à l’ « illustration de la nation iranienne »[17].

Le mobilisé (Bassidji) est ainsi encouragé à faire don de lui-même pour la nation sacralisée sur les bases d’une religiosité détournée : elle est l’incarnation séculière d’une pureté redessinée. Une autre clef de voûte du chiisme fait ici également l’objet d’une immanentisation : celle du martyr. Si le martyr avait déjà été humanisé à l’heure du chiisme révolutionnaire, avant l’établissement de la théocratie, le nouveau martyr trouve une continuité parfaitement illustrée par l’esprit sacrificiel du tournant Fahmideh[18], à l’heure de la République islamique. Hossein Fahmideh, ce très jeune mobilisé (Bassidji) avait pris l’initiative, le 30 octobre 1980, de se jeter sous un char irakien armé d’une grenade dégoupillée, dans l’espoir de remédier un tant soit peu un au déséquilibre des forces armées. Le désarçonnement des troupes irakiennes confrontées à un phénomène nouveau a conforté la République islamique dans une politique de promotion du martyr, sous couvert de religieux, pour en fait servir les intérêts de la nation.

L’humanisation du martyr s’est donc solidifiée dans les réalités géostratégiques de la République islamique, mais avait déjà commencée son épopée à l’heure du chiisme révolutionnaire des années 1970. L’imam Hossein[19] trouve notamment des traits humains sous la plume d’un des théoriciens les plus influents du chiisme révolutionnaire, Ali Shariati[20]. Traditionnellement, Hossein, en sa qualité d’Imam, est infaillible (ma’sum), incapable de commettre une erreur. C’est ce qui distingue par essence l’Imam de l’humanité en dehors de la question du sang du prophète. L’homme est par nature un pêcheur, ou du moins un être capable d’erreur si malencontreuse soit-elle. C’est là que le martyre traditionnel prend tout son sens : incapable d’être dans l’erreur, Hossein ne s’est pas rendu à Kerbala dans l’espoir de vaincre les hommes de Yazid, et s’est rendu à sa mort symbolique. Sa mort est en soit un message : elle est la pleine expression de l’oppression des justes et de leur dévotion contre l’injustice en surnombre[21], d’après la tradition chiite. En ce sens donc, le martyr semble être hors de portée humaine. Les célébrations doloristes de la Passion de Hossein (lors de la Ashura) ne constituent pas une imitation du martyr, mais un hommage rendu année après année, voire une façon de revivre le martyr par procuration, la procuration signant d’ailleurs le caractère impossible de la chose qu’on vit par l’autre (ici Hossein l’infaillible et le surhumain). Avec la sécularisation de la figure du martyr, c’est celle du chiisme dans toute sa dimension qu’opère Shariati. La dimension eschatologique proprement quiétiste du chiisme traditionnel devient révolutionnaire et on assiste à un renversement des valeurs : le chiisme authentique (quiétiste) devient inauthentique et l’inauthentique (activiste) devient authentique[22].

Dans ce cadre, force est d’observer qu’un tel travestissement rabat aussi la figure du martyr dans un exotérisme éclatant puisque réduit à son seul versant biologique. Le martyr est traditionnellement (au-delà du sens juridique[23] de témoin qu’il recouvre au départ) celui qui met sa vie biologique en-dessous de ses idées. Une tradition sunnite rapportée par Al-Bukhari met en évidence la beauté de cette mort, seulement la pureté qui doit émaner du sang du martyr ne prend de sens que le jour de la résurrection (donc hors du siècle)[24] Ainsi, même à considérer les textes religieux les plus portés sur la corporéité, la conception moderne quasi-fétichiste du corps relève bien d’une sécularisation puisqu’elle consiste en une sacralisation de ce qui relève du plus bassement biologique. Pour le nouveau martyr, le salut n’a pas lieu à l’heure de la résurrection, mais bien en un temps T du siècle, au moment où le sang jaillit d’un corps qui s’éteint. Le salut n’est plus le fait d’un au-delà du monde, mais est contenu dans la mort même du biologique.

Ainsi la pensée de Shariati contribue-t-elle à l’édification d’un chiismemartyrophile que Farhad Khosrokhavar appelle « mortifère », puisqu’il construit l’identité dans la mort. L’humanisation du martyr est telle qu’elle est à la portée de n’importe quel homme. Elle permet de transcender les anciens critères d’ascension sociale, comme l’éducation ou l’être-bien-né. C’est donc dans le cadre de cette promotion sociale dans le sacrifice de la vie que s’esquisse « l’individu-dans-la-mort », notion largement développée par Farhad Khosrokhavar dans Les nouveaux martyrs d’Allah[25], ou dans « le nouvel individu en Iran »[26]. La politisation du martyr le rend désormais non seulement accessible à l’humain mais trouve, dans son institutionalisation, une expression hautement séculière du fait que même l’idée de bonheur se traduise désormais en des termes financiers et sociaux : différentes fondations étatiques promettent aux familles de martyrs, sécurité économique et distinctions sociales[27].

Avec le désenchantement né du constat du chiisme institutionnel, le nouveau martyr incarne dès lors un fait transcendant le contexte iranien moderne, la République islamique, son message révolutionnaire et sa désillusion : il est l’une des figures témoignant de l’impossibilité théocratique. Le détournement politique du martyr incarne l’expression d’une lucidité nouvelle quant à l’impossibilité de marier des dimensions littéralement différentes. Le mariage entre la mouvance du réel et l’immuabilité du dogme est impossible, et le martyr d’un système qui ne croit plus en ses fondements se donne la mort par désespoir de voir ces noces célébrées.

Du désenchantement à la sécularisation de la société

La restructuration des critères d’ascension sociale sur une religion sécularisée sous une forme théocratique a notamment été à l’origine de l’émergence de l’opportunisme. Une certaine catégorie d’engagés ont vu la possibilité d’une place dans la société, plus que l’expression d’un engagement réel dans les rangs servant l’Etat. À notre sens, on trouve déjà en germe dans cette population, les prémisses d’une désacralisation du chiisme sécularisé sous la forme du velayat-e faqih (la guidance du jurisconsulte). Ces opportunistes qui ne cherchent pas forcément la mort pour exister, mais qui acceptent de risquer leur vie pour accéder à la promotion sociale que promettent les corps armés des pasdaran[28], utilisent le système pour s’assurer une place de choix : utiliser, c’est désacraliser, et ainsi décelons-nous la possible perspective d’une remise en question de ce chiisme politique moderne.

Les mouvements critiques s’élevant contre le chiisme politisé émergent depuis plusieurs décennies, mais ont trouvé une pleine expression – et une expression étendue à la population, qui plus est – à travers le Mouvement vert, mouvement qui s’est constitué en contestation aux élections présidentielles de 2009.

Les manifestations de 2009, en réponse à la fraude électorale, sont l’expression de la confrontation d’une sécularisation (des éléments du chiisme) contre une sécularisation (du chiisme qu’on veut reléguer à la sphère privée au profit de valeurs nouvelles). Ce mouvement est celui d’une volonté de ré-inaugurer un espace privé, d’affirmer le droit face au devoir, de briser le discours totalisant au profit de l’approche réformatrice, d’ouvrir la voie du pluralisme, de désacraliser la nation au profit de la société civile (giron même du nouveau processus de sécularisation) et de s’affirmer, non plus par la mort, mais par la négation de l’autre type de sécularisation relégué au rang d’utopie.

Dans ce cadre nouveau, l’élément sécularisé le plus paradigmatique est très certainement celui du keramat, généralement traduit par « dignité », comme on a pu récemment le rencontrer, scandé dans les slogans ayant porté les révolutions arabes de 2011[29], ou en Palestine[30], ou encore dans le nom de la flottille  internationale ayant quitté la Grèce pour Gaza le 19 juillet 2011[31]. Le terme a, au départ, une acception traditionnelle et religieus[32], généralement associée aux grâces mystiques, au charisme et à l’immatérialité du corps[33]. Sécularisé, le terme a progressivement recouvert le concept occidental de « dignité ». Si la Révolution de 1979 défendait l’honneur collectif de l’identité iranienne contre l’« occidentalite » (l’islam était considéré comme un élément constitutif fort de l’identité iranienne – voir les œuvres d’Al-e Ahmad et de Shariati), l’Iranien entend, en 2009, être reconnu en tant qu’individu ayant des droits et une voix s’exprimant par le vote.

La revendication de la dignité, profondément individuante, répond ainsi à une sécularisation au sens premier, voire au sens développé par Carl Schmitt faisant du religieux l’ultime horizon du politique : les revendications populaires de l’Iran d’aujourd’hui proposent une opposition de l’opinion individuelle à l’absolue vérité du velayat-e faqih, ce qui témoigne de la certitude que la religion peut être remise en question dans le cadre de la politique. Cette opposition n’est possible qu’au nom de la reconnaissance de la faculté décisionnelle de l’individu et de sa dignité. Or comme nous l’avons vu, la dignité dans toutes ses dimensions modernes (philosophique, juridique, bioéthique) est la sécularisation d’un concept au départ religieux[34] (d’où l’idée que la religion est l’ultime horizon du politique dans une société sécularisée). C’est au nom de cette dignité qu’on revendique son droit à la participation à la vie politique. Cette position s’accompagne d’une distanciation d’avec les mœurs religieuses constituant ainsi une cohérence dans la distinction des sphères publique et privée. Comme l’explique Farhad Khosrokhavar en décrivant les manifestations de 2009, « l’atmosphère festive était un symbole de la sécularisation, les gens prenant leurs distances vis-à-vis des normes publiques religieuses qui prévalent sous le régime islamique[35]. » Cette prise de distances se manifeste à travers divers phénomènes sociaux symptomatiques des sociétés sécularisées : mixité, place plus conséquente réservée à la femme, éducation comme paramètre de définition de l’individu sur l’échelle sociale (contre le niveau de dévotion), désintérêt pour le religieux dans la volonté de redéfinir la sphère publique, remplacement de l’honneur par la dignité.

La caractéristique première de ce second souffle de sécularisation réside en ce qu’elle est l’apanage de la société contre la sphère étatique. L’éclosion d’un phénomène de prises de parole hors des cadres officiels et traditionnels d’expression en est le symptôme le plus paradigmatique : le saisissement d’Internet et l’émergence d’une intellectualité nouvelle sortant de tout contour professionnel situent les aspirations sécularistes dans la société, et non plus par le gouvernement. L’intellectuel nouveau déborde de la sphère de l’intellectualisme telle qu’on la considère conventionnellement : l’intellectuel est traditionnellement un individu dont la profession consiste en une production de pensées liées à des données, circonstancielles ou conceptuelles au départ, qui s’inscrivent dans un champ théorique. Il est le représentant d’un ensemble socio-professionnel. Cet ensemble implose avec la nouveauté du phénomène de l’intermédiaire. Phénomène inédit lié à trois données, l’Iranien s’individue désormais par l’expression de ce qu’il nie en ouvrant lui-même une brèche dans l’espace public : il investit les nouvelles technologies, recherche une réponse ailleurs que dans les solutions religieuses, et entend participer à la vie publique. La sécularisation nouvelle est une dynamique sociale qui dépasse le système de la République islamique. Désormais, sa ligne de conduite politique doit composer avec des manœuvres tendant à la pérennité. Ce système holiste, pour continuer à tenir un discours de plus en plus décalé par rapport à une société qui a su se soustraire à lui, et même s’individuer, doit recourir au « bricolage » pour justifier son maintien (projet d’un Internet national, confiscation du vote, etc.) Le nouveau noyau de subjectivité individuelle progresse dans une lisibilité publique qui sait aussi utiliser les armes du régime : l’absorption de la sphère privée par la sphère publique a poussé l’individu à ériger ses réflexions dans la clandestinité, puis à s’exprimer dans la négation. De la même façon désormais, on observe une volonté de l’individu d’absorber la sphère publique par la sphère privée, et le corps devient un vecteur privilégié dans cette entreprise. Ôter son voile en public devient par exemple un signe de revendication politique[36], et le choix d’une sexualité contraire aux règles imposées par la République islamique, un signe d’identité politique dans l’opposition[37]. Au-delà des moyens de télécommunication les plus modernes, la sécularisation nouvelle s’exprime désormais, et avant tout, par la nouveauté du phénomène de l’investissement massif de l’espace publique par un individu qui « s’est fait » dans la sphère privée. Montrer, c’est désormais nier.

L’Iran actuel est la résultante non seulement de l’imbrication de deux mouvements sécularisants différents, mais aussi d’une mesure à trois temps : désacralisation du religieux traditionnel, resacralisation du religieux politisé, désacralisation du religieux politisé. Les manifestations de 2009 incarnent d’ailleurs l’expression de la désacralisation de la légitimité du pouvoir : le Guide sacralisé, ainsi que ses décisions politiques, font désormais l’objet de critiques, ce qui constitue en soi l’explosion d’une approche globale qui, par définition, est porteuse d’absolu et d’immuable. L’évolution des aspirations sociales sécularistes dégage toute remise en question de l’ordre du blasphème. Le pouvoir théocratique est désormais « attaquable » au nom de la dignité humaine, du droit de chacun à participer à la vie politique, et de la capacité décisionnelle de chacun comme étant l’égale de celle des autres, y compris de celle du Guide de la Révolution. À la question du « qui doit gouverner ? », question traditionnelle du chiisme jurisprudentiel, se substitue désormais celle du « comment gouverner ? ».


[1] H. Blumenberg, Die Legitimität der Neuzeit, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1966, 2ème éd., trad. fr. La légitimité des Temps Modernes, Paris, Gallimard, 1999.

[2] C. Schmitt, Politische Theologie, 1922, 2ème éd., 1934, rééd. Berlin, Duncker und Humblot, 2004, trad. fr. Théologie politique, 1922, Paris, Gallimard, 1988.

[3] F. Khosrokhavar , « Two types of Secularization, the Iranian case » in Worlds of difference, Sage publications, 2013.

[4] Ibid. p. 121.

[5] P. L. Berger, The Desecularization of the world, Resurgent Religion and World Politics, Grand Rapids, Eerdmans 1999, 135 p.

[6] En 1890, la concession garantissant le monopole du marché du tabac fut confiée au major britannique Talbot en échange d’une annuité octroyée au Shah Qajar (à savoir 15 000 livres et le quart des profits annuels). Suite à cette concession perçue comme une intrusion européenne de taille dans le marché, l’économie et la politique iranienne, des clercs s’élevèrent pour la première fois de façon explicite contre le Shah. Les mosquées abritèrent ainsi des prêches dénonçant les marchés de la cour, et des mouvements contestataires déferlèrent, et une fetwa interdisant la culture du tabac fut même lancée par ayatollah Mirza Hasan Shirazi, en 1891.

[7] D. Shayegan, Le regard mutilé, pays traditionnels face à la modernité, éditions de l’aube, 1996, p. 221-222.

[8] Cette dynastie a régné sur l’Iran de 1786 à 1925. L’ère Qajar a été marquée par le Grand jeu, à savoir une course d’intérêt économiques et stratégiques menée par la Russie et le Royaume-Unis en vue de protéger les routes commerciales vers l’Inde. Le Grand jeu aura notamment abouti aux traités de Golestan (1812) et de Turkmanchaï (1828) impliquant de lourdes pertes territoriales aux dépens de l’empire Perse. La dynastie a incarné un ordre despotique de « rois fainéants » perméable aux assauts stratégiques des grandes puissances.

[9] Voir S. Paivandi, « La religion d’état à l’école », Journal des anthropologues [Online], 100-101 | 2005, http://jda.revues.org/1582, et Religion et éducation en Iran.  L’échec de l’islamisation de l’école, L’Harmattan, 2006.

[10] L’eschatologie chiite repose sur la Grande Occultation, ou ghayba, à savoir la disparition du douzième imam, Mahdi. Cette occultation implique l’attente du fidèle. L’imam caché est supposé revenir à la fin des temps. L’intervention humaine théocratique ne saurait traditionnellement se substituer à l’attentisme.

[11] Dj. Al-e Ahmad (essayiste, critique, écrivain et traducteur iranien – 1923-1969) a développé l’idée de Gharbzadegi (terme en premier lieu utilisé par Ahmad Fardid, qu’on pourrait traduire par « toxicité occidentale », ou « occidentalite », traduction retenue pour la version française de l’ouvrage Gharbzadegi), ou de Morteza Motahhari (Cf. Dah goftâr, Téhéran, Sadrâ, 1361/1982).

[12] On doit au départ le terme au professeur en philosophie, spécialiste de Heidegger, Ahmad Fardid, mais l’occidentalite aura surtout fait l’objet d’un développement de l’auteur et traducteur Jalal Al-e Ahmad à travers un essai publié en 1962, portant le titre de Gharbzadegi.

[13] La branche la plus importante est le chiisme duodécimain (entre autres, présent en Iran, en Irak et au Liban). Cette branche se construit sur la reconnaissance en douze imams, le premier étant Ali et le dernier, Mahdi, ne saurait admettre un successeur du fait de sa disparition. Nous avons aussi la branche des ismaéliens qui trouve son origine à la mort du sixième imam Ja’far al-Sadeq. Sa succession entraîne une scission : les ismaéliens pensent que c’est au fils aîné, Ismail, que revient la succession de la direction de la communauté, tandis que les chiites duodécimains considèrent que l’imamat fut transféré à Musa Kazem, le cadet de Ja’far Sadeq. Les chiites zaydites (surtout présent au Yémen), quant à eux, reconnaissent Zayd Ibn Ali comme cinquième et dernier imam, contre Mohammad Al-Baqer. Ces courants présentent des scissions internes qui peuvent être dues à des teintes mystiques (par exemple le courant nazârite dans la branche ismaélienne) ou plus radicalement encore à des revendications de détachement du terreau musulman chiite c’est le cas des druzes (issus de la branche ismaélienne) ou des alevis (issus de la branche duodécimaine). Notons que l’alévisme, en plus de son identification à un détachement de l’islam chiite, est également un courant mystique.

[14] En avril 2010, une conférence intitulée « Pourquoi doit-on dire “Imâm Khamenei” ? » (Tcherâ bâyad beguyim « Emâm Khamenei » ?), a été donnée à Téhéran par Mohammad Ali Ramin, analyste politique, conseiller de Mahmoud Ahmadinejad et intendant du ministre de la culture et de la Presse en République Islamique. Ce dernier qui a été par ailleurs chargé de l’organisation de l’International Conférence to review the Global Vision of the Holocaust a œuvré dans le cadre d’un mouvement nouveau vers l’officialisation de l’attribution du titre d’Imâm pour Ali Khamenei. Plus récemment encore, en août 2010, le chef du Hezobllah libanais, Hassan Nasrallah, lors d’une intervention télévisée a annoncé : « L’imâm Khamenei suit le même chemin que l’Imâm (Khomeiny) après sa mort » (« Emâm Khâmenei hamân râh e emâm râh ba’ad az rehlat ishân edâmeh dâdand »). L’intervention a très largement été diffusée par Fars News, agence iranienne d’information, contrôlée par les Gardiens de la révolution, les Pasdaran.

[15] L’idée répose notamment sur le verset 10 de la sourate Al-Imran : « Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allah. Si les gens du Livre croyaient, ce serait meilleur pour eux, il y en a qui ont la foi, mais la plupart d’entre eux sont des pervers. »

[16] En 1982, Hafez el-Assad écrase dans le sang la révolte des Frères musulmans dans la ville de Hama. Le nombre de morts enregistré diffère selon les sources (entre 10 000 et 40 000 en passant par les 2000 affichés par un rapport officiel de la Defense Intelligence Agency, voir http://www.foreignpolicy.com/files/fp_uploaded_documents/DIA-Syria-MuslimBrotherhoodPressureIntensifies.pdf). La révolte de Hama est caractérisée par son isolement : non seulement la répression a été telle qu’elle a étouffé toute aspiration révolutionnaire mais aussi parce qu’elle n’a reçu aucun soutien extérieur.

[17] Voir le discours de Khomeiny du 22 mars 1982 à Khorramchahr rapporté par Yann Richard : « Que soit sanctifiée votre existence, valeureux combattants et soldats dans la voie de Dieu qui avez sauvegardé l’honneur de l’Islam, illustré la nation iranienne et relevé la tête de ceux qui s’engagent dans la voie de Dieu. La grande nation iranienne (mellat-e bozorg-e Iran), et les enfants de l’islam sont fiers de vous qui avez placé votre patrie sur l’aile des anges et l’avez relevée parmi toutes les nations du monde. » L’islam shi’ite, Fayard, 1991 : p. 265.

[18] Né en 1968 dans une famille religieuse de Qom, Mohammad Hosseyn Fahmideh est rapidement acquis aux causes défendues par le khomeynisme et la République islamique. Il s’inscrit à l’organisation Bassidj chargée d’envoyer des volontaires sur le front de la défense sacrée. En 1980, alors âgé de treize ans, il œuvre à Khorramchahr. Son jeune âge le prive des premières lignes du front, mais son nom reste associé au phénomène, jusqu’alors inédit, de l’attentat-suicide.

[19] L’imam Hoseyn (626-680) est le troisième imam du chiisme. Petit-fils de Mohammad, il incarne la résistance face à l’oppresseur en défendant la communauté chiite face au calife omeyyade Yazid, à Kerbala, en 680. Il signe par sa mort et par celle de soixante-douze compagnons son refus de prêter allégeance. Il incarne, dans toute sa dimension, la figure du martyr.

[20] Ali Shariati (1933-1977) est considéré comme l’idéologue de la révolution iranienne et aurait eu, selon certains iranologues comme Yann Richard, « au moins autant d’inluence que Khomeiny sur l’islamisation de l’idéologie politique et la politisation de l’islam avant la Révolution. Il allait aussi dans un sens très différent, ce qui créa des tensions au sein de la militance islamique. Né à Mashhad dans une famille de clercs réduits à l’état laïc par des mesures antireligieuses de Rezâ Shâh, il fit des études ‘modernes’, au lycée et à l’université, puis, lauréat d’une bourse d’étude, se retrouve à Paris entre 1959 et 1964 : il fréquenta différents intellectuels et universitaires français comme Gurvitch, Jacques Berque et certains militants de l’indépendance algérienne et du tiers-monde, comme Frantz Fanon. […] Rentré en Iran, il devint à son tour un penseur de l’indépendance et de la Révolution, en utilisant des thèmes islamiques et notamment chiites comme le martyre de l’Imam Hossein et sa révolte contre l’iniquité, l’attente eschatologique de l’Imam-guide, […]. Les écrits de Shari’ati, librement publiés depuis sa mort devinrent une source d’inspiration pour l’activisme politique et le militantisme parmi les jeunes intellectuels qui refusaient le modèle occidental, la dictature aliénante et soumis à l’Occident du Shâh, mais aussi l’interprétation traditionnelle de l’islam donnée par les ulémas ». Y. Richard, 100 mots pour dire l’Iran moderne, Maisonneuve et Larose, Paris, 2003, pp. 188-190. Au sujet du modèle qu’incarne l’imam Hoseyn, il écrit : « Ceux qui sont devenus martyrs ont pris Hossein comme modèle ; ceux qui restent, devront faire passer leur message et prendre Zeyneb comme modèle ; sinon ils sont comme Yazid (le calife ommayède) » A. Shariati, Œuvres complètes, n° 19, p. 200. Trad. NIKPEY A., Politique et religion en Iran contemporain, L’Harmattan, 2001, p. 124.

[21] Les récits chiites rapportent que Hoseyn Ibn Ali et ses soixante-douze compagnons ont été massacrés par les trente milles hommes de Yazid. Leurs familles furent torturées par le calife ommeyade.

[22] Ainsi Ali Shariati fait-il l’apologie du chiisme révolutionnaire : « La poussière de l’oubli l’avait simplement recouverte, et il a fallu attendre que l’Europe la remette à l’ordre du jour pour qu’elle touche à nouveau les intellectuels iraniens. Il s’agit de la question du ‘retour à soi’. Si vous savez que je m’appuie sur la religion et sur l’islam, sachez également qu’il s’agit de l’islam ouvert que je considére avec un regard renouvelé et lucide, et sur la base de la renaissance intellectuelle islamique. Je ne suis pas arrivé à cette vision après avoir considéré les différents courants et les différentes religions en choisissant pour finir l’Islam comme ‘meilleure religion’. » A. Shariati, Retour à soi, Albouraq, 2011, p. 20 ; « Le faux chiisme, appelé chiisme safavide (tashayyo-e-safavi) est denoncé par Shariati comme la religion du quiétisme, de la soumission au gouvernement oppresseur et du comportement apolitique, tandis que le chiisme authentique, appelé chiisme d’Ali (tashayyo-é alavi), est glorifié en tant que religion du martyre révolutionnaire et héroïque. » F. Khosrokhavar, « Two types of secularization, the iranian case », op. cit.: p. 125.

[23] Le sens originel du terme « martyre » est celui de « témoignage » au sens juridique, tant pour le terme français venant du grec (lui-même emprunté au latin) que pour le terme persan venant de l’arabe ; tant pour le chrétien que pour le musulman. Dans son ouvrage  Martyrdom and Rome, Cambridge University Press, 3 oct. 2002, Glen W. Bowersock explique le développement du concept de martyr auprès des populations musulmanes au cours de la conquête de la Palestine au VIIe siècle : la notion de témoin (shahid) désigne dès lors la mort sacrée en référence à la notion grecque de marturos, et prend de la même façon un double sens (celui du témoin juridique et du témoin privilégié de Dieu, et au même titre, celui qui porte un témoignage et qui en incarne un).

[24] « Quiconque reçoit une blessure au service de Dieu viendra le jour de la résurrection avec cette blessure saignante. Sa couleur est celle du sang et son odeur est celle du musc. » Al Bukhari, Muslim.

[25] F. Khsrokhavar, Les nouveaux martyrs d’allah, Paris, Flammarion, 2002.

[26] « Le nouvel individu en Iran », Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien [En ligne], 26 | 1998, mis en ligne le 16 mai 2005.

[27] On compte parmi ces bonyad (fondations) la Fondation des déshérités et blessés de guerre (mostaz’afan va janbazan) fondée en 1979, la Fondation des martyrs, fondée en 1980, celle du Quinze khordad (panzdah-e khordad) créée en 1981 ou encore le Comité de l’assistance de l’Imam, datant de 1979.

[28] Depuis le décret du 5 mai 1979, les pasdaran (gardiens de la Révolution islamique) constituent une force soumise au guide suprême (à l’époque Khomeiny). Ces gardiens de la révolution ont pour tâche, comme leur appellation l’indique, de garder le message révolutionnaire au sein du pays. Ils sont la force chargée du maintient des legs de la révolution ainsi que du réseau religieux au pouvoir.

[29] Pensons au slogan tunisien « shughl, hurriyya, karama wataniyya », (« Travail, liberté, dignité nationale »), scandé dès les premières manifestations entamées dès décembre 2010.

[30] Pensons aux écrits de l’historien palestinien Rashid Khalidi sur la quête de la dignité collective (L’identité palestinienne, La construction d’une conscience nationale moderne, traduit de l’anglais par Joëlle Marelli, La Fabrique, Paris, 2003.)

[31] La flottille portait de nom de « Dignité », « Al-Karama ».

[32] Parmi elles, la tendance soufies affirmant que bien que le miracle soit du ressort du prophète, les karâmât sont des faits extraordinaires qui peuvent être opérés par des fidèles musulmans élevés au rang de saints. Les karâmât, faits extraordinaires, ne sont pas à confondre avec le miracle (mu’jizât), qui eux, ne sont que l’apanage d’êtres échappant à l’humanité (Cf. R. A. Nicholson Reynold The Mystics of Islam, Forgotten Books, 2008, p. 95).

[33] Voir A.-M. Edde, La principauté ayyoubide d’Alep, (579/1183-658/1260), Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1999, p. 416-418.

[34] Même si on trouve un concept de dignitas dans la littérature romaine antique lié à l’idée d’honneur et de charisme, le concept occidental de dignité a surtout été forgé à partir de la tradition biblique et de l’idée selon laquelle l’homme a été créé à l’image de Dieu (l’homme ressemble au Créateur (Gn 1,26), il est modelé par la main divine (Gn 2,7), il bénéficie de l’insufflation dans ses narines du souffle de vie (Gn 2,7), il reçoit l’ordre de maîtriser la création (Gn 1,28).

[35] F. Khosrokhavar, « Two types of secularization, the iranian case », op. cit.: p. 141.

[36] Pensons notamment au mouvement de femmes iraniennes qui postaient des photographies d’elles sans voile sur Internet, en mai 2014. La journaliste Masih Alinejad avait lancé ce mouvement nommé « liberté furtive » (#stealthyfreedom) depuis la Grande-Bretagne qui a connu une popularité non négligeable.

[37] Voir E. Butel, « L’individu postislamiste en Iran : la nouvelle jeunesse », Cahiers d’Études sur la Méditerranée Orientale et le monde Turco-Iranien, n° 26, 1998, mis en ligne le 02 mai 2004, URL : http://cemoti.revues.org/37.