Ecrire et le moi et le monde : perspectives éthiques et politiques du récit de vie

Les articles rassemblés par Clélie Millner et Delphine Louis-Dimitrov dans ce dossier consacré au “récit de soi”, abordent de concert les enjeux philosophiques et littéraires de la construction narrative du moi et de son rapport au monde. Ainsi réunis, ils montrent la pertinence d’une question qui lie une forme de configuration narrative, voire plus largement artistique, du sujet et son lien à l’autre, qu’il soit singulier (tout autre) ou à l’aune d’une communauté politique (tous les autres).

Identité narrative et rapport de soi à soi

En 1988 Paul Ricoeur publie un très bref essai dans la Revue Esprit, intitulé « L’identité narrative », qui nous intéresse en tant que point de relais entre Temps et Récit (1983) et Soi-même comme un autre (1990). Ce court essai commence par l’hypothèse d’une « précompréhension intuitive » de l’identité narrative. Ricoeur dessine une chaîne argumentative principielle qui lierait rapport à soi et narration : la connaissance de soi serait de l’ordre d’une interprétation, or une interprétation est une forme de récit et le récit se définirait par des emprunts à la fois au récit historique et au récit fictionnel. Le récit de soi serait donc à la croisée de ces deux genres qui lui préexisteraient.

Il paraît nécessaire de rappeler que la tentative de définition de l’identité narrative par Ricoeur est biface. Ricoeur distingue en effet l’identité-idem ou mêmeté et l’identité-ipse ou ipséité. En quelques mots, la mêmeté se caractérise elle-même par deux composantes : l’identité numérique (deux ne font qu’un, c’est bien le même et non deux personnes ou deux choses distinctes) et une forme de permanence dans le temps que Ricoeur résume sous la notion de « caractère ». Cette mêmeté suppose qu’il puisse exister une sorte d’identité-substrat, une substance du moi. L’ipséité quant à elle serait l’identité en tant que retour réflexif sur soi et sa meilleure concrétisation serait l’acte de la promesse qui engage une fidélité dans le temps. Les deux formes d’identité se caractériseraient donc par une forme de permanence temporelle : la mêmeté dans son caractère inaltérable, l’ipséité dans sa promesse toujours reformulée et dans son mouvement sans cesse recommencé de soi vers soi.

La configuration de chacune de ces identités se fait donc, pour l’une et l’autre, dans le temps. Et pour Ricoeur, le temps est récit pourrait-on dire en jouant sur les mots. L’identité, qu’elle soit mêmeté ou ipséité, se ressaisit dans la narration d’une existence humaine, c’est-à-dire d’une existence temporelle.

Dans sa définition de l’ipse comme connaissance de soi par médiations, Paul Ricoeur paraît rejoindre Michel Foucault. Chez Ricoeur, l’approche de l’ipse se fait par sa refiguration narrative par le récit, mais aussi par une connaissance de soi qui dépasse le domaine narratif puisqu’on ne se connaît pas immédiatement ; sont nécessaires des signes culturels comme médiations symboliques qui articulent l’action et parmi ces médiations, les récits de la vie quotidienne.

Nous rejoignons ici les derniers travaux de Foucault sur l’herméneutique de soi, même si le terme d’herméneutique convient finalement mieux à Ricoeur, pour qui se raconter, c’est s’interpréter, qu’à Foucault, qui établit une nette distinction entre connaissance et souci de soi. Michel Foucault lit l’histoire du rapport à soi selon cette polarisation. Même si la question de la subjectivité ne peut être la même selon les périodes, Foucault ‒ qui s’intéresse beaucoup à l’Antiquité où la question du sujet est avant tout reliée non à l’intériorité ni même à la personnalité, deux notions bien postérieures, mais à la question de la place sociale et cosmique – a élaboré cette opposition à partir du « Connais-toi toi-même » de l’oracle de Delphes rappelé dans les écrits socratiques de Platon. La première occurrence de cette préoccupation de soi pourrait en effet se trouver dans L’Alcibiade1 : Socrate enjoint Alcibiade, comme celui-ci le rappellera d’ailleurs plus tard dans Le Banquet, à négliger les vains honneurs qu’il brigue pour s’occuper de sa propre âme. Cependant, ce qui s’apparente ici bel et bien au « souci de soi » a pour objectif, selon Foucault, la « connaissance » de l’âme. La connaissance « résorber[ait]2 » le souci même. Foucault oppose à cette démarche celle des philosophes antiques de la Rome impériale qui, quelques siècles après les écrits de Platon, développent ce qu’il appelle des « pratiques de soi », qui correspondent aux « exercices spirituels » identifiés avant lui par Pierre Hadot3. À travers un ensemble de pratiques (lecture, écriture, examen de conscience, dialogue…), les philosophes stoïciens, épicuriens et cyniques viseraient à une transformation progressive du moi liée à une éthique de la parrêsia (le dire vrai). Il s’agit de se convertir à soi, de porter attention à ses gestes pour les rendre conformes aux préceptes qui guident la sagesse. Cette transformation du moi est toujours à venir, tout comme l’accès à la sagesse pour Sénèque est toujours asymptotique. C’est là le souci de soi.

Or Foucault insiste sur le rôle de médiations, et notamment de carnets d’écriture, les hupomnêmata, dans cette démarche4 : ces carnets personnels regroupaient des préceptes moraux enseignés par l’école de philosophie dont est issu le disciple, des faits quotidiens, des anecdotes… On ne peut parler de rapport intime à soi, mais selon Foucault, d’une écriture de soi liée au « disparate5 ». Foucault débusque ensuite dans l’histoire littéraire comme dans l’histoire de la philosophie (du moment « patristique » aux autobiographies modernes en passant par le cogito cartésien) les différentes périodes de rapport à soi guidées tour à tour par l’aspiration à la connaissance de soi – liée à l’idée d’une vérité du sujet, à son passé, qui serait à révéler, qui inviterait donc à une entreprise herméneutique – et par l’aspiration au souci de soi – lié à la quête d’une vérité à venir, d’un moi toujours en construction. Michel Foucault penche, quant à lui, on l’aura deviné, pour cette seconde manifestation du rapport à soi, qui fait écho à l’idée d’une subjectivation qui serait toujours en cours, et va de pair avec l’invention toujours recommencée d’une conduite de vie, au sens ouvert de la notion d’éthique.

Comme chez Ricoeur, le souci de soi foucaldien nécessite un ensemble de médiations, et parmi elles figure l’écriture de soi. Cependant, les hupomnemata ne sont pas comparables à ce que Ricoeur qualifie de « récit de soi » et qu’il réserve à l’époque moderne. La finalité de l’écriture n’est pas la même (pour les hupomnemata il s’agit de ce que Pierre Hadot appelle exercice spirituel, au sens propre d’une sorte de gymnastique nécessaire à l’approche asymptotique de la sagesse) ; ces carnets ne contiennent donc rien de ce que nous qualifierions aujourd’hui de « personnel ».

En revanche, on pourrait, comme le fait Martine Leibovici6, interroger le terme de « subjectivation » pour les deux philosophes. Le terme est employé par Foucault mais il pourrait aussi bien convenir à la démarche même de l’identité narrative. Le choix lexical de Ricoeur (celui d’identité) ne rend pas compte de l’aspect dynamique et toujours inachevé de cette aspiration à l’appréhension d’un soi. Celui de subjectivation rend mieux compte de son caractère processuel. Le point commun entre Ricoeur et Foucault pourrait être dans la notion de démarche médiatisée de cette subjectivation qui pourrait se définir moins comme une stricte réflexivité que comme « rapport à soi », expression qui ressort du vocabulaire foucaldien. Mais là où la subjectivation est dans le « rapport de soi à soi » chez Foucault, l’écriture étant considérée comme l’une des médiations de la démarche des Grecs de l’Empire et l’objectif étant l’aspiration à la parrhêsia, au dire vrai sur soi, la conception ricoeurienne aboutit à une narration qui répond à la même question que celle que formule Arendt comme origine du récit de soi : « Qui ? » qui n’est pas « qui suis-je ? » mais « qui es-tu ? ». Le lien à l’éthique et au politique n’est donc pas exactement le même.

La conception qu’a Ricœur de l’identité comme étant narrative prend appui sur la réflexion de Arendt, à laquelle il se réfère pour affirmer que « répondre à la question ‘qui ?’ […] c’est raconter l’histoire d’une vie7 ». Dans La Condition de l’homme moderne (1958), Arendt écrit en effet que le « qui » se révèle dans l’action, qui elle-même ne livre son sens que rétrospectivement, par le récit qui en est fait. « L’action […] est en soi et par soi totalement futile ; elle ne laisse pas de produit achevé derrière elle » ; elle « ne se révèle pleinement qu’au conteur, à l’historien qui regarde en arrière et sans aucun doute connaît le fond du problème bien mieux que les participants8 ». De la mise en récit dépend la révélation du sens resté latent. Dans un chapitre des Vies politiques (1968), Arendt explore la « philosophie du conter » de Karen Blixen, alias Isak Dinesen, telle qu’elle se définit dans son roman autobiographique, La ferme africaine (Out of Africa, 19379. Il s’agit là de comprendre le rapport qui lie le récit à la vie, leur complémentarité et leurs influences réciproques, puisque l’un ne va pas sans l’autre. Pour Arendt, la mise en récit transforme la matière de l’existence en histoire, c’est-à-dire en un tout cohérent et signifiant : « L’histoire révèle le sens de ce qui resterait autrement une insupportable succession de purs événements10 ». Le souvenir, condition du récit de soi, est « répétition dans l’imagination11 » ; il permet de dégager le sens du passé et fait du récit un accomplissement de l’existence : « c’est seulement quand on peut imaginer ce qui de toute façon est arrivé, le répéter en imagination, qu’alors on verra les histoires, et, seulement si l’on a la patience de les raconter et de les reraconter (‘Je me les raconte et reraconte’) qu’on sera capable de les dire bien12 ». Conter, écrit-elle, « demande du savoir-faire » et « fait partie du vivre » ; c’est une condition de l’existence pleinement accomplie qui peut devenir aussi un « art de plein droit », une capacité d’imaginer autant que de mettre en récit13.

L’imagination est l’une des conditions de possibilité de cet art du récit de soi, car c’est elle qui décèle dans le vécu les histoires qu’il contient. C’est cette faculté aussi qui ordonne l’amas du vécu, en tire rétrospectivement le sens et permet le passage de l’histoire au récit : « Lorsque survient un événement assez important pour éclairer son propre passé, l’histoire (history) apparaît. Alors l’amas chaotique du passé se change en un récit (story) qui peut être raconté parce qu’il a un commencement et une fin14 ».

La faculté d’imagination dont il s’agit ici se distingue de la fabulation aussi bien que de la « fantaisie imaginative qui est de l’ordre de la rêverie ». Loin d’être de l’ordre de « l’irrationnel », elle est une « forme de compréhension » résolument tournée vers le réel, une « boussole » qui en permet la lecture. Elle en autorise une perception lucide et mène « l’incessant dialogue avec l’essence du monde » : « seule l’imagination permet de voir les choses sous leur vrai jour, de prendre du champ face à ce qui est trop proche afin de le comprendre sans partialité ni préjugés, de combler l’abîme qui nous sépare de ce qui est trop lointain afin de le comprendre comme s’il s’agissait d’une réalité familière15 ». Elle déchiffre donc le sens des événements et permet ce faisant de comprendre « qui » est la personne qui les a vécus et en fait le récit16.

Cette répétition de la vie en imagination définit un art du conter qui pour Arendt a cette double capacité d’extraire le sens et d’en faire un principe de composition du récit. Elle cite dans Vies Politiques la romancière américaine Eudora Welty, qui écrit à propos de Karen Blixen : « D’une histoire, elle faisait une essence ; de l’essence elle faisait un élixir, et avec l’élixir, elle se mettait derechef à composer l’histoire17 ». S’il s’agit donc par le récit de dégager un sens, de le faire émerger, « l’art de conter révèle le sens sans commettre l’erreur de le définir18 », autrement dit sans figer l’existence dans une essence. Ce qu’elle récuse par cette restriction, c’est la tentation de rendre la vie « poétique » en voulant lui imposer une structure, un sens qui ne peuvent en être dégagés qu’a posteriori, comme elle le souligne à propos de Blixen :

Ainsi, la première partie de sa vie lui avait appris que, tandis qu’on peut raconter des histoires ou écrire des poèmes sur la vie, on ne peut rendre la vie poétique, la vivre comme si c’était une œuvre d’art […] ou s’en servir pour réaliser une idée. La vie peut contenir ‘l’essence’ […] ; le souvenir, répétition dans l’imagination, peut déchiffrer l’essence, et vous livrer ‘l’elixir’ ; et éventuellement, on peut avoir le privilège de ‘faire’ quelque chose à partir de là, de ‘composer l’histoire’. Mais la vie en elle-même n’est ni essence ni élixir, et si on la traite comme si elle l’était, elle ne fera que vous jouer des tours19.

Si donc Arendt conçoit l’existence sous une forme narrative, elle établit ainsi une distinction très nette entre l’ordre du récit proprement dit et celui de l’existence. Il ne s’agit en aucune façon de remodeler l’existence sous une forme narrative qui reste d’ordre littéraire.

Outre l’imagination, le récit de vie a pour condition le langage, qui est pour Arendt le complément de l’action, et donc de l’expérience vécue. L’action a besoin de la parole comme réciproquement la parole a besoin de l’action :

[…] sans l’accompagnement du langage, l’action ne perdrait pas seulement son caractère révélatoire, elle perdrait aussi son sujet pour ainsi dire ; il n’y aurait pas d’hommes mais des robots exécutant des actes qui, humainement parlant, resteraient incompréhensibles. L’action muette ne serait plus action parce qu’il n’y aurait plus d’acteur, et l’acteur, le faiseur d’actes n’est possible que s’il est en même temps diseurs de paroles. […] L’acte ne prend un sens que par la parole dans laquelle l’agent s’identifie comme acteur, annonçant ce qu’il fait, ce qu’il a fait, ce qu’il veut faire20.

Le sens, donc, est dérobé à l’acteur, à l’auteur de l’action. Arendt rejoint ici Lévinas, qui écrit dans « Enigme et phénomène » que « les grandes ‘expériences’ de notre vie n’ont jamais été à proprement parler vécues21 » : elles ne le sont pleinement que lorsque l’on en a dégagé le sens, ce qui s’effectue par le regard rétrospectif et la mise en récit.

Le récit de vie a pour Arendt une fonction d’acceptation, de réconciliation avec la vie ; il rend les peines tolérables. Citant Blixen qui écrit que « Toutes les peines, on les peut supporter si on les fait entrer dans une histoire, ou si on peut raconter une histoire sur elles », elle souligne que « l’histoire révèle le sens de ce qui resterait autrement une insupportable succession de purs événements22 ». On perçoit déjà ici, dans les propos de Blixen puis dans ceux de Arendt, cette fonction fondamentale du récit de soi que développera plus tard Boris Cyrulnik pour en faire une condition de la résilience. Faisant écho à Ricœur et Arendt, celui-ci affirme que l’identité humaine est essentiellement narrative, et c’est en vertu de cette narrativité qu’il prête au récit de soi une fonction thérapeutique. Le processus de résilience se constitue précisément par cette mise en récit du trauma : « On inscrit l’événement tragique dans un récit de soi pour lui donner sens et reprendre un nouveau chemin de vie. » Il reconnaît à la narration la capacité de recoudre les morceaux d’un moi déchiré, par le biais du langage et de l’imagination : « Dans toute autobiographie », écrit-il, « il y a un remaniement imaginaire23 ». La fonction du récit de vie est de permettre un retour vers l’existence proprement dite : en conférant un sens à l’existence passée, il permet au moi réparé de reprendre le cours de l’existence individuelle et sociale. « L’écriture, c’est l’alchimie qui transforme notre passé en œuvre d’art, participe à la reconstruction d’un moi délabré, et permet de se faire reconnaître par sa société24 ».

Cette vertu thérapeutique du récit de vie, sa capacité à reconstituer un moi brisé ou simplement marqué par le manque, est un enjeu primordial de l’écriture autobiographique. Cyrulnik perçoit cette dimension rédemptrice dans des récits de vies où s’exprime le manque, la perte, comme chez Genet (Journal d’un voleur), ou chez Sartre (Les Mots, La Nausée, Les Mains Sales). Ici, le monde s’éprouve comme « sale » ou « visqueux », et il s’agit donc de s’extraire de cette condition par l’écriture pour mieux se constituer en sujet25. Mais la dimension rédemptrice de l’écriture intervient plus fortement encore dans les écritures du trauma et de l’aliénation, telles que les littératures de l’exil ou encore les récits d’esclaves, dont l’un des enjeux primordiaux est la refondation narrative d’un sujet qui a été nié par la privation de liberté.

Outre ces fonctions d’extraction du sens et de « réconciliation » avec « les choses telles qu’elles sont réellement », le récit de vie agit à la manière du « jour du jugement », dans les termes de Arendt, et révèle ainsi sa dimension éthique26. Par sa narrativité, il dresse un bilan ; il permet de « faire les comptes » et de « rendre compte », suivant les métaphores par lesquelles Ricœur aborde la question de la responsabilité27 – « responsabilité rétrospective » qui imprime à l’existence « une unité, un fil directeur28 ».

L’ouverture du récit de vie vers les domaines éthique et politique peut s’effectuer de différentes manières. Il peut s’agir d’une prise de position discursive et explicite, auquel cas cette ouverture sera fonction de l’engagement moral ou politique de l’auteur. Mais on peut voir aussi cette ouverture comme une condition intrinsèque du récit de vie.

En quoi cette herméneutique de soi peut-elle être qualifiée d’éthique et politique ?

L’écriture de soi fait partie chez Foucault, comme nous l’avons dit, du processus de subjectivation. Or celui-ci implique explicitement un lien à autrui, c’est-à-dire au maître, et plus généralement un rapport à l’altérité puisque la démarche est une forme d’altération perpétuelle. Cependant, s’il s’agit d’une démarche éthique, c’est avant tout en tant qu’elle implique non seulement un rapport à la vérité, mais aussi une correspondance entre ce rapport à soi et les actions menées par ce sujet, c’est-à-dire que la subjectivation implique ce que Foucault appelle une conduite. Dans « l’écriture de soi », celui-ci parle d’une finalité particulière de l’écriture, celle qu’il appelle éthopoiétique, qui serait « opératrice de la transformation de la vérité en éthos ». De personnelle, la démarche éthique devient politique.

Dans ses écrits plus explicitement politiques, Foucault montre que le processus de subjectivation en tant que tel peut très bien être parasité par ce qu’il nomme le « gouvernement pastoral29 » qui prétend mener les sujets vers le Bien. En jouant de la dérivation du substantif « sujet », on peut dire que la subjectivation peut entraîner l’assujettissement. Foucault prône alors une « inservitude volontaire30 », l’affirmation d’un esprit critique qui puisse transformer la subjectivation en acte exclusivement positif de liberté. Or cette entreprise critique en appelle en premier lieu à ce rapport de soi à soi que garantissent les « pratiques de soi » (ou « exercices spirituels »). Le souci de soi est ainsi la clé de voûte d’une éthique individuelle et d’une résistance politique. Pour le reformuler avec l’ouvrage de Daniele Lorenzini, Éthique et politique de soi31, le gouvernement moderne se concentrant sur la question de la conduite du quotidien, l’éthique consiste alors en un renversement d’agentivité du terme de conduite : le choix non d’être conduit, mais de conduire sa vie. Puisque le pouvoir politique (l’Etat) agit dans l’individuation de chacun, la première libération politique est dans le choix d’intervenir dans ce processus de subjectivation.

La démarche est autre chez Ricoeur. Le choix même du titre Soi-même comme un autre semble désigner sa dette envers la philosophie de Lévinas, philosophe d’une éthique présentée comme épiphanie du visage de l’Autre, autre toujours passé, porteur d’un commandement toujours déjà révolu qui est celui de la responsabilité. Le sujet devient tel en se constituant éthiquement grâce à cette injonction de l’autre. « L’attestation de soi32 » ne passe que par cette visitation de l’autre, antérieure à tout langage. Ricoeur, dans une lettre adressée à Lévinas, dit que leur différence est qu’il présuppose une forme d’ « estime de soi », certes « inchoative », qui seule rendrait possible cet accueil de l’injonction de l’autre33, là où pour Lévinas la visitation du visage est antérieure à toute attestation de soi.

Par ailleurs, chez Ricoeur, la théorie de la subjectivité pourrait être qualifiée de « pratique34 ». Le récit de soi pour Ricoeur n’est pas tant un récit de vie qu’une configuration narrative de l’action. L’identité est définie par Ricoeur comme l’ascription des actions dont l’individu est l’auteur. C’est par le récit, la narration, que le sujet revendique comme siennes les actions qu’autrui lui attribue (ce qui suppose, dit Ricoeur, « l’imputation morale de l’action à son agent35 »). Subjectivité pratique et identité narrative vont donc de pair et présupposent l’existence d’un autre qui pose la question « qui ? », question qui peut se déplier en « qui a fait cela ? » et « qui es-tu ? ». La narration de soi va donc de pair avec une responsabilité vis-à-vis d’autrui. Judith Butler va plus loin encore, dans son bref essai intitulé Le Récit de soi : elle fait l’hypothèse que le récit de soi est une justification, une défense au caractère presque juridique. Autrui nous assigne une responsabilité qui se rapproche de la culpabilité. Le récit de vie est une réponse à cette injonction.

Pour en revenir à Ricoeur, l’identité narrative serait une démarche éthique encore en ce que ce récit a posteriori reconduit des dialectiques, entre la mêmeté et l’ipséité, entre l’unité et la diversité, entre histoire et « variations imaginatives » entre un passé raconté a posteriori et l’expression de ce qu’en termes heideggériens Ricoeur peut appeler le « souci », c’est-à-dire la tension vers un avenir, l’expression de projets36 : la narration chez Ricoeur est un « examen de soi-même37 qui confère à la vie racontée « une qualification éthique », qui passe notamment par les médiations dont nous avons parlé, médiations culturelles qui dictent des « plans de vie » et qui soutiennent l’ispéité que Ricoeur rattache encore une fois en termes heideggériens au « maintien de soi » (Selbst-Ständigkeit38. Cet ensemble de mouvements dialectiques et cette tension irréductible de l’ipséité définissent l’identité narrative comme « identité dynamique39 ». Cette dynamique, ou cette tension, empêche de penser l’esthétique de Ricoeur selon l’idée de « synthèse » qui pourrait laisser entendre le récit comme narration linéaire, voire téléologique. La configuration ricoeurienne permet de penser ensemble des polarités, et pour cela le philosophe table sur l’incessante créativité de la littérature et ne donne pas d’éléments prescriptifs quant à la forme de ces récits, qui doivent être à même de figurer le mouvement même de l’identité et de la temporalité : « La littérature s’avère un vaste laboratoire d’expérience de pensée où sont mises à l’épreuve les ressources de variation de l’identité narrative40 ».

Cette identité narrative est essentiellement dialogique, mais Ricoeur emprunte à Hannah Arendt l’idée que le dialogue du sujet doit sortir d’une perspective exclusivement dyadique. Ainsi l’éthique dans Soi-même comme un autre se définit par « le souhait d’une vie accomplie – avec et pour les autres – dans des institutions justes ». L’éthique est donc à la fois liée à l’aspiration à la vie bonne, en lien avec autrui et, de façon inextricable, à travers les notions d’institution et de justice, avec chacun, c’est-à-dire dans le champ d’une communauté politique.

La dimension politique du récit de soi n’est pas fonction du positionnement d’un citoyen et n’implique pas nécessairement de se placer sur le terrain du pouvoir, des lois, ou de l’engagement politique en un sens partisan. Elle consiste plutôt en l’expression d’une parcelle de pluralité et en une participation à un espace commun que l’écriture reconfigure. La « politique de la littérature », telle que la définit Jacques Rancière, « n’est pas la politique des écrivains » ; elle implique que « la littérature fait de la politique en tant que littérature », « qu’il y a un lien essentiel entre la politique comme forme spécifique de la pratique collective et la littérature comme pratique définie de l’art d’écrire. » En ce sens, elle se définit comme « la configuration d’une forme spécifique de communauté », « la constitution d’une sphère d’expérience spécifique où certains objets sont posés comme communs et certains sujets regardés comme capables de désigner ces objets et d’argumenter à leur sujet41 ». La littérature serait donc politique dès lors qu’elle retrace les limites de l’espace commun, et l’on peut dès lors se demander si le récit de soi offre une perspective privilégiée en la matière.

Si l’on suit Arendt, c’est peut-être dans l’inscription dans une pluralité que se situe cette articulation spécifique de l’écriture du moi et du politique. La mise en récit du sujet situe celui-ci dans une pluralité qui est la condition de la vie politique. La sphère publique en effet est lieu de relation, « monde commun où chacun peut apparaître et montrer qui il est42 ». Plutôt que par l’accession au statut de citoyen, c’est par l’avènement à l’espace commun de la pluralité des opinions que se constitue le sujet politique.

L’accession à cet espace passe par le langage, qui pour Arendt est une composante indissociable de l’action. Il permet la confrontation de points de vue exprimant une façon d’habiter le monde, confrontation par laquelle se constitue le domaine public qui définit l’espace politique :

La réalité du domaine public repose sur la présence simultanée de perspectives, d’aspects innombrables sous lesquels se présente le monde et pour lesquels on ne saurait imaginer ni commune mesure ni commun dénominateur […]. Lorsque les choses sont vues par un grand nombre d’hommes sous une seule variété d’aspects sans changer d’identité, les spectateurs qui les entourent sachant qu’ils voient l’identité dans la parfaite diversité, alors, alors seulement apparaît la réalité du monde sûre et vraie43.

Ainsi, le monde commun prend forme dès lors qu’il est perçu sous différentes perspectives, ce qui fonde aussi le rapport du quotidien et de l’ordinaire à la sphère du politique.

Le rapport au quotidien, à l’ordinaire, qui est au cœur du récit de soi – bien que celui-ci puisse aussi prendre pour objet des expériences de vie exceptionnelles – est lui-même intrinsèquement politique. Sandra Laugier souligne que Emerson, puis Cavell, en ont fait un instrument puissant pour penser la démocratie, redéfinir le soi et réinventer l’expérience44. « Je ne demande pas le grand, le lointain, le romanesque […] ; j’embrasse le commun, j’explore le familier, le bas et suis assis à leur pied, » écrit Emerson45. C’est dans l’ordinaire que se fonde le sujet et que se constitue une voix qui sera par essence démocratique, lieu de la revendication, de la confiance en soi et de la conversation.

En s’inspirant de ces différentes philosophies, il est possible de penser le récit de soi en-dehors d’une orbite égotique qui le condamne souvent à rester en-dehors de la sphère du politique. La primauté de la réflexivité critique chez Foucault, et celle du récit en quête d’un sens dans la diversité même de l’existence chez Ricoeur et Arendt paraissent même supposer que tout rapport au monde est d’abord rapport éthique (dans le sens d’un ipse, de soi comme promesse) ou critique à soi : l’écriture de soi devient ainsi une démarche éthique et politique particulièrement aboutie puisqu’elle prend en compte, dans son appréhension du monde, la constitution du sujet-même de qui appréhende, et qui énonce. C’est, dans la diversité chère à Ricoeur, la pluralité chère à Arendt, le disparate cher à Foucault, que ce dossier espère le démontrer.

Les articles rassemblés ici abordent de concert les enjeux philosophiques et littéraires de la construction narrative du moi et de son rapport au monde : leur éclectisme n’est pas le signe d’une dispersion, mais bien celui de la pertinence d’une question qui lie une forme de configuration narrative, voire plus largement artistique, du sujet et son lien à l’autre, qu’il soit singulier (tout autre) ou à l’aune d’une communauté politique (tous les autres). Dans « La philologie comme exercice de l’objectivité chez Pierre Hadot », Daniele Lorenzini étudie les dimensions éthiques de la pratique de la lecture philologique. En tant que pratiques spirituelles, l’écriture et la lecture telles qu’elles se conçoivent dans l’Antiquité ont en effet pour enjeu la transformation de l’individu. Daniele Lorenzini montre comment Stanley Cavell puis Pierre Hadot, s’inspirant de réflexions de Wittgenstein, ont envisagé la lecture des textes philosophiques comme relation dialogique par laquelle la parole transforme le sujet.

Le passage de « l’âge d’or » de l’Antiquité à un régime de véridiction propre au christianisme entraîne un bouleversement des pratiques de subjectivation. Isabelle Galichon, dans son article intitulé « De la lecture ambrosienne aux Confessions d’Augustin », aborde ce point de bascule essentiel qu’a constitué le IVe siècle dans l’exercice des pratiques de soi telles que Foucault les a analysées. Avec les Confessions de Saint-Augustin, l’écriture personnelle s’oriente vers des « exercices spirituels » pour suivre une discipline éthique qui influe sur la forme de l’écriture. Les pratiques d’écriture et de lecture que développe Augustin fondent un rapport à soi permettant le développement de l’intériorité ; elles sont aussi le premier pas vers la solitude de l’homme moderne.

L’œuvre de Jean-Jacques Rousseau permet d’appréhender la compréhension moderne de l’intériorité. Dans « Rousseau ou la voie du moi légendaire », Véronique Wiel explore les conditions historiques et anthropologiques qui ont favorisé l’ancrage du « récit de soi » et l’avènement moderne du moi. Le récit de Rousseau établit l’altérité absolue du moi ; il a également pour fonction de constituer son sujet véritablement comme moi – de constituer un moi « légendaire » en ce qu’il s’offre comme « devant être lu » et voudrait s’abolir comme être social, faisant ainsi fusionner vie et littérature.

Tout comme Rousseau, Salomon Maimon représente dans son récit l’altérité radicale de son existence ainsi que la quête de vérité qui l’anime. Dans « Salomon Maimon, philosophe, paria et autobiographe », Martine Leibovici le rapproche de la figure du paria telle que la définit Hannah Arendt. Auteur d’une « autobiographie de transfuge » qui coïncide aussi avec l’avènement de l’autobiographie moderne (L’histoire de la vie de Salomon Maimon, racontée par lui et éditée par Karl Philipp Moritz, 1792), Maimon fait le récit de sa quête de vérité philosophique et de la façon dont il s’efforce de la faire apparaître dans le monde.

L’autobiographie moderne porte en elle les ferments d’un subjectivisme par lequel l’écriture place le moi en son centre pour mieux le dépasser. Dans « Les Mémoires de Simone de Beauvoir : le rapport de soi à soi par le prisme du monde », Elisabeth Russo met en lumière la corrélation de la vie individuelle et de la vie collective qui se construit dans le genre mémoriel. Par le biais de l’écriture du moi, la démarche de Simone de Beauvoir vise à « dévoiler le monde », à en communiquer une expérience par le pouvoir des mots.

C’est cette confrontation de l’individu avec l’histoire par le biais du langage qui est au cœur des récits de l’exil qu’étudie Valérie Deshoulières dans « Rivages / Visages – Paroles d’exilés : du “témoignage” à la “scène”, Repères pour un théâtre de l’exil et des migrations » : Valérie Deshoulières y interroge de possibles transmissions, théâtrales, de précaires incarnations contemporaines d’une parole au plus près de l’expérience de l’exil.


Enfin ce dossier se conclut sur une contribution du rôle spécifique de l’image dans la construction narrative du moi en Chine. Emmanuel Lincot présente dans son article, « Moi-sujet, vanités et autres symptômes en Chine au début du XXIè siècle » différentes modalités de la représentation du sujet dans la Chine contemporaine, qui sont toujours, en soi, par le choix affirmé d’une représentation de l’individu au détriment du collectif, des formes de protestation politique face au régime de Pékin.

 

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NOTES

  1. Michel Foucault, Dire vrai sur soi-même. Conférences prononcées à l’Université Victoria de Toronto, 1982, Édition, introduction et apparat critique par H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Paris, Vrin, 2017, p.45.[]
  2. Ibidem.[]
  3. Pierre Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, Paris, Albin Michel, « L’Évolution de l’Humanité », 2002 [1993].[]
  4. Notamment dans Michel Foucault, « L’écriture de soi » [1983], Dits et Écrits II, 1976-1988, Édition D. Defert et F. Ewald avec la collaboration de J. Lagrange, Paris, Gallimard, 1994, p.1234-1249.[]
  5. Pierre Hadot a critiqué cette notion, avançant d’une part que les différents éléments constituant les hupomnêmata étaient au contraire choisis pour leur cohérence, et d’autre part que cette écriture n’était pas une libération de l’individualité mais une tension à l’universel (Pierre Hadot, op. cit., p.329). Il nous semble que, si Foucault paraît en effet mettre de côté sciemment l’importance du Cosmos et de l’universel, il ne pense cependant pas le sujet comme un individu, mais bien comme le « point où se règlent les conduites », et ce qu’il nomme disparate est bel et bien un outil paradoxal dans une quête de cohérence. Voir notamment Michel Foucault, L’Origine de l’herméneutique de soi, Conférences prononcées à Dartmouth College, 1980, édition établie par Henri-Paul Fruchaud et Daniele Lorenzini, Paris, Vrin, 2013, p.45.[]
  6. Martine Leibovici, « De Ricoeur à Foucault : en finir avec l’herméneutique de soi ? Quand transfuges et parias racontent leur vie », Paris, Revue Tumultes, numéro 43, 2014, p.107-121.[]
  7. « Répondre à la question ‘qui ?’, comme l’avait fortement dit Hannah Arendt, c’est raconter l’histoire d’une vie. L’histoire racontée dit le qui de l’action. L’identité du qui n’est donc elle-même qu’une identité narrative. » Paul Ricœur, Temps et récit, III. Paris : Seuil, 1985, p.355.[]
  8. Hannah Arendt, La Condition de l’homme moderne, traduction de G. Fradier [The Human Condition, 1958]. Paris : Calmann-Lévy, 2018, p.34, p.216.[]
  9. Hannah Arendt, Vies politiques [Men in Dark Times, 1968]. Paris : Gallimard, 1974. P. 122-139. P. 135.) []
  10. Ibid., p.134.[]
  11. Ibid., p.139.[]
  12. Ibid. p.124.[]
  13. Ibid. p.125.[]
  14. Hannah Arendt, « Compréhension et politique », Esprit, juin 1980, p.75.[]
  15. Ibid., p.78.[]
  16. Hedwig Marzolf. « Écrire sa vie. L’équivoque de la ‘philosophie du conter’ de Hannah Arendt. » Raison publique, vol. 19, no. 2, 2014, p.139-164, p.145.[]
  17. Euroda Welty, New York Times ; cité par Arendt, Vies Politiques, op. cit., p.125.[]
  18. Ibid., p.134.[]
  19. Ibid., p.139.[]
  20. H. Arendt, La Condition de l’homme moderne, op. cit., p.235.[]
  21. « Énigme et phénomène », in En découvrant l’existence avec Husserl et Heidegger, Paris, Vrin, 3e édition, 1982, 211. Cité par H. Marzolf, p.143.[]
  22. H. Arendt, Vies politiques, op.cit., p.134.[]
  23. Boris Cyrulnik, Sauve-toi, la vie t’appelle, Paris, Odile Jacob, 2012, p.94, p.134.[]
  24. Boris Cyrulnik, Le Murmure des fantômes, Paris, Odile Jacob, 2003, p.154.[]
  25. Boris Cyrulnik, interview de François Busnel. La Grande Librairie, 11/04/2019. https://www.youtube.com/watch?v=B82Ecgjo-pw[]
  26. Hannah Arendt, Vies politiques, op. cit., p.134-135.[]
  27. Paul Ricoeur, « Le concept de responsabilité », Le Juste I, Paris, Éditions Esprit, 1995, p.45. Cité par Marzolf, op.cit, p.146.[]
  28. Ibidem, p.146.[]
  29. Michel Foucault, « Le sujet et le pouvoir », dans Dits et Écrits II, 1976-1988, op. cit.[]
  30. Id., Qu’est-ce que la critique ?, suivi de La culture de soi, édition H.-P. Fruchaud et D. Lorenzini, Paris, Vrin, 2015, p. 39, cité par Daniele Lorenzini, Éthique et politique de soi. Foucault, Hadot, Cavell et les techniques de l’ordinaire, Paris, Vrin, « Paroles et Controverses », 2017, p.75.[]
  31. Daniele Lorenzini, Éthique et politique de soi : Foucault, Hadot, Cavell, Paris, J. Vrin, 2015.[]
  32. Emmanuel Lévinas, Totalité et infini. Essai sur l’extériorité, op. cit., p.221.[]
  33. Emmanuel Lévinas – Paul Ricoeur, « L’unicité humaine du pronom ‘Je’, in Jean-Christophe Aeschlimann (ed), Ethique et reponsabilité. Paul Ricoeur (Neuchâtel : Editions à la Baconnière, 1994), p.37, cité par Cyndie Sautereau, « Subjectivité et vulnérabilité chez Ricoeur et Lévinas », Études ricoeuriennes/ Ricoeurs studies, Vol. 4, n°2 (2013), p.4.[]
  34. Voir Jean-Marc Tétaz, « L’identité narrative comme théorie de la subjectivité pratique. Un essai de reconstruction de la conception de Paul Ricoeur », Revue Etudes théologiques et religieuses, 2014/4, tome 89, p.463-494.[]
  35. Paul Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Éditions du Seuil, p.193.[]
  36. Dans Soi-même comme un autre se trouve ce beau passage qui s’appuie sur la toute fin du Temps retrouvé : « Or, parmi les faits racontés du passé prennent place des projets, des attentes, des anticipations, par quoi les protagonistes sont orientés vers leur avenir mortel : en témoignent les dernières pages puissamment prospectives de la Recherche. Autrement dit, le récit raconte aussi le souci. En un sens, il ne raconte que le souci. C’est pourquoi il n’y a pas d’absurdité à parler de l’unité narrative d’une vie, sous le signe de récits qui enseignent à articuler narrativement rétrospection et prospection. » (p.192-193) []
  37. Ibidem, p.188.[]
  38. Ibidem, p.149.) []
  39. Ibidem, p.175.[]
  40. Ibidem, p.176. Voir Alexandre Gefen, « ‘Retours au récit’ : Paul Ricoeur et la théorie littéraire contemporaine », in L’héritage culturel de Paul Ricoeur, Fabula-Colloques, 2013 hal-01624143, p.5-6.[]
  41. Jacques Rancière, Politique de la littérature, Paris, Galilée, 2007, p.11.[]
  42. Hannah Arendt, Françoise Collin. « Philosophie et politique ». In: Les Cahiers du GRIF, n°33, 1986, p.88.[]
  43. Hannah Arendt, La Crise de l’homme moderne, p.68.[]
  44. Sandra Laugier. Une autre pensée politique américaine. La démocratie radicale d’Emerson à Stanley Cavell. Paris : Houdiard, 2004, p.77-79.[]
  45. Ralph Waldo Emerson, The American Scholar, cité par Sandra Laugier, op.cit, p.78.[]

Clélie Millnerest MCF en Littérature Comparée à l'ICP. Ses travaux portent sur une lecture politique et éthique de la littérature contemporaine dans le domaine français, italien et germanophone. Après avoir travaillé sur le "questionnement de la présence" à travers la notion de trace (essai inspiré du doctorat à paraître), elle s'intéresse à des enjeux politiques et éthiques de récits de soi de l'extrême contemporain et anime un séminaire de recherche sur cette question à l'ICP.

Delphine LOUIS DIMITROV est maître de conférences en littérature américaine à l’Institut Catholique de Paris. Ses recherches portent sur l’articulation de la littérature, de l’histoire et du registre politique chez les auteurs du dix-neuvième et du début du vingtième siècle. Spécialiste de Mark Twain, elle travaille aussi sur l’écriture autobiographique et en particulier sur les récits d’esclaves.