Le storytelling est considéré, dans ce texte, comme une forme particulière de mythe (tel que le définissent notamment J.-F. Lyotard ou J.-L. Nancy) : il présente un récit complet et homogène, raconte l’insertion de l’homme dans le monde et demande adhésion et identification. À ce mythe, à la forme de récit qu’il promeut et déploie, on oppose deux gestes, radicalement différents, d’écrivains : celui de Hugo (dans Les Misérables) et celui de Kafka (dans quelques nouvelles). Il s’agit d’étudier la manière dont les textes de Hugo et Kafka, dont les procédures singulières sont ici analysées, leur lecture ici et maintenant, nous permettent d’échapper à l’emprise du storytelling, en dessinant un autre espace, que nous appelons le Tiers lieu littéraire. Notre texte se propose d’articuler les différents aspects du bond hors du mythe auquel nous sommes conviés. Nos deux auteurs brisent, disjoignent, déplacent ou débordent ce que les récits mythiques assemblent et développent (1. « Défaire le mythe ») ; refusant le mythe comme son envers critique (la suspension du récit, le désenchantement critique), ils proposent, dans l’interstice, une forme différente de fiction, qui reconfigure les identités, les temporalités, et présente d’autres modes de significations : à l’univocité du storytelling mythique est opposée la pluralité d’un récit en réseaux (2. « Le tiers-lieu littéraire ») ; leur « voix », leur énonciation, rend sensible à la possibilité d’une signifiance à « rebrousse-poil », à l’écart des lois du monde : le récit convie le lecteur à une rencontre avec un point hors du tout, noyau irréductible de sens, et donne à éprouver l’infini d’une résistance. Telle est, peut-être, sa dimension et sa tâche « prophétiques » (3. « Une écriture prophétique ? »)
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