L’ordinaire comme commencement du travail sur soi : le cas de la prise en charge des hommes et des femmes sans domicile

L’arrivée à la rue, l’installation dans le statut de « sans domicile fixe » ou de « sans abri » est rarement dû à la seule perte du logement, c’est généralement une étape, parfois l’aboutissement, d’un processus de disqualification commencé dans l’enfance. Au cours de l’étude de terrain que nous avons réalisée dans le cadre de notre doctorat de sociologie, nous avons observé plusieurs éléments mis en place dans l’objectif de « réinsérer » les personnes hébergées en centre d’hébergement. Nous avons constaté que, devant l’impuissance à proposer une réinsertion économique stable, les travailleurs sociaux s’attelaient à ancrer les personnes hébergées dans une routine quotidienne ordinaire.

Lire la suite...

L’ordinaire tient à un fil…

L’ordinaire ne tient qu’à un fil. L’ordinaire, dit le dictionnaire, c’est ce que l’on fait habituellement. Il suffit de peu pour ne plus le faire. On peut trouver l’ordinaire sans intérêt, un peu plat, et vouloir s’en échapper, par exemple s’enivrer. Mais l’ordinaire peut cesser d’être plat d’une autre manière, à partir du moment où il perd son évidence, où il cesse d’être naturel. La maladie fait rupture dans l’ordinaire, qu’il s’agisse d’une simple fracture ou de tout autre pathologie, l’annonce est brutale : rien, pour un temps, ne sera « comme avant ».

Lire la suite...

Le retour à la vie ordinaire : un enjeu épistémologique pour la philosophie morale. Ce que nous apprend l’enquête éthique en contexte médical

La maladie, ou l’accident sont le plus communément présentés comme des éléments de rupture du cours « ordinaire de la vie », voire de transformation radicale du mode de vie jusque-là adopté. Dans cette vision des choses, on n’assimile pas nécessairement l’état pathologique à une situation extraordinaire, tandis que l’état de santé incarnerait la normalité. La notion d’« ordinaire » désigne alors le coutumier, ce qui constitue le quotidien de la personne de façon habituelle. À partir de cette acception, on pourrait considérer que le contexte médical est dénué de pertinence lorsqu’on entend évoquer la vie ordinaire.

Lire la suite...

Le territoire national comme ordinaire de la solidarité politique : réflexions à partir du cas des roms migrants en Europe

Parmi les nombreux fantasmes qui accompagnent ou traduisent l’idée de retour à l’ordinaire, un fantasme qui s’exprime dans le cadre des politiques d’immigration est celui du « chacun chez soi ». Revenir à l’ordinaire signifierait revenir à une situation où la « misère du monde » est à sa place, loin de « chez nous ». Cet article propose une critique de cette forme idéalisée de retour à l’ordinaire en l’abordant par un point limite où se brouillent les cartes de la constitution du « nous » et de l’étranger.

Lire la suite...

Le sujet de l’inconscient, une exception ordinaire ou L’ordinaire dans la cure psychanalytique

La psychanalyse paraît parfaitement s’inscrire dans ce mouvement fondamental de la civilisation moderne que Charles Taylor nomme « l’affirmation de la vie ordinaire ». Si, avec lui, on peut définir la vie ordinaire comme « la vie de production et la famille », « c’est-à-dire le travail, la fabrication des biens nécessaires à la vie, notre vie en tant qu’êtres sexuels, y compris le mariage et la famille », l’acceptation de celle-ci semble bien constituer la finalité même d’une cure analytique.

Lire la suite...

Qu’est-ce que réparer ? De la justice réparatrice à la réparation du bien commun

La réparation relève avant tout de la mécanique, et de la justice en tant que celle-ci implique une mécanique des compensations lorsqu’un dommage est constaté, mais elle relève également – d’une certaine manière – de la médecine dans la mesure où cette-dernière traite la pathologie (comprise comme privation pour un corps de ses fonctions optimales de résistance à la morbidité). Mais c’est précisément la question de la justice, et notamment la justice réparatrice, qui va m’intéresser ici dans la mesure où elle pose paradoxalement la possibilité de la réparation comme étant étroitement corrélée à ce qui a trait à l’irréparable, et donc a priori à l’impossible retour à la vie ordinaire.

Lire la suite...

« Et vous, Vercors, encore inconnu et déjà célèbre… ». Diffusion du Silence de la mer pendant l’occupation et construction d’un auteur mythique

« Je m’adresse à vous, Vercors, encore inconnu et déjà célèbre. » Cette interpellation de Maurice Schumann prononcée sur les ondes de la BBC le 28 novembre 1943 peut être mise en regard d’une autre phrase, celle-ci extraite d’Arcane 17 d’André Breton à propos du Silence de la mer : « tour à tour exalté et honni, l’ouvrage mène une vie hors de ses gonds. » C’est en s’appuyant sur ces deux citations que sera organisée cette analyse. Rares sont les cas, en effet, où une œuvre littéraire aura aussi fortement marqué les lignes de fracture entre les différentes tendances de la Résistance intellectuelle, à l’intérieur comme à l’extérieur de la France occupée ; celle qui pense que les œuvres doivent se mettre au service de causes et celle qui, au contraire, ne veut pas remettre en question l’idée de l’autonomie de l’art.

Lire la suite...

Le citoyen, médiateur du deuil collectif : prise de parole en sortie de guerre après 1918

Le phénomène commémoratif que connaît la société française, comme les autres sociétés européennes au lendemain de la Grande Guerre favorise l’apparition sur la scène publique d’individus qui s’exprimaient fort peu jusque là dans ce cadre institutionnalisé. Toutefois le statut, le rôle de l’orateur, de même que la culture de celui qui parle, ou encore la structure du discours lui-même ont donné lieu à peu d’études. En l’analysant de plus près, notamment à partir d’une série de plusieurs centaines de discours, apparaissent pourtant des évolutions qui montrent le rôle essentiel de cet orateur au moment où cette communauté se reconstitue et se redéfinit, au sortir de la guerre.

Lire la suite...

De la victime à l’œuvre ou la non-fixité du sujet politique

La question de la tension entre sujet politique assujetti et sujet politique fondement et celle de sa possible résolution à travers le discours ou la fiction littéraire, sont posées dans trois récits contemporains, cités dans l’ordre chronologique de leurs dates de publication,- Bohumil Hrabal, Une trop bruyante solitude, Robert Bober, Quoi de neuf sur la guerre ?, Philip Roth, Nemesis-, qui retiennent l’attention par les réponses complémentaires qu’ils y apportent et la notion formelle autant que l’enjeu de non-fixité du sujet politique qu’ils exposent.

Lire la suite...
1 14 15 16 17 18 19