Une poétique du malaise : les anciens combattants face aux « mythes » de l’arrière (L.-F. Céline, L. Guilloux, E. M. Remarque, L. Werth)

Un bon nombre de romans européens des années 1910 à 1930 ayant pour thème l’expérience des combattants de la Grande Guerre, mettent en scène, à l’occasion de la démobilisation ou d’une permission de ces soldats, le malaise de ceux-ci face à la représentation déformée que le monde civil a de la guerre. Les combattants découvrent des civils qui se veulent, du fait de leur engagement « moral », aussi « héroïques » qu’eux, qui contestent leur vision « partielle » de l’état du front en prétendant à une « hauteur de vue » seule offerte par le recul de l’arrière. Pour représenter ce choc, le roman est d’autant plus efficace qu’il ne se livre pas à une rhétorique de la dénonciation : les personnages de combattants en question sont à la fois révoltés et passifs, opposés mais d’une certaine manière soumis à ces discours de la manipulation. Le « contre-récit » romanesque travaille donc de l’intérieur les discours manipulés, et n’offre pas pleinement les armes intellectuelles, idéologiques, pour s’en défaire : il invite le lecteur à s’interroger sur ces discours sans lui offrir, au-delà du pacifisme commun aux auteurs cités, la solution d’un engagement politique précis.

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