Après avoir marqué les productions avant-gardistes du siècle dernier, l’appropriation documentaire, qui consiste à exposer en contexte littéraire des énoncés ordinaires, semble s’imposer à nouveau dans le paysage poétique français et américain depuis le milieu des années 1990. À l’opposé des rouages huilés du storytelling dont elle joue à faire dérailler la rhétorique stéréotypée, elle produit des œuvres pensées comme des installations textuelles destinées à court-circuiter certains discours dominants. Cet article propose d’analyser une telle technique d’écriture en tant qu’elle produit des dispositifs de contre-narration et d’interroger sa résurgence dans les productions contemporaines. Il fait l’hypothèse que les variations du cut-up de W. Burroughs aux inventaires de J.-H. Michot et aux montages de F. Smith, du détournement de G. Debord aux recontextualisations proposées par les conceptual writers américains, donnent à penser une évolution dans le rapport critique que la littérature entretient aux discours dans lesquels elle puise.
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